Fyctia
Chapitre 6
Sous le choc, je reste totalement figée sur le pas de la porte.
En rentrant au service du Général je n'aurais jamais pensé accéder à ce type d'informations aussi rapidement.
Je ne veux plus partir chercher le thé. Il faut que j'écoute la suite de cette conversation, mais cela paraîtrait suspect d'y retourner.
Je dois me faire offense pour sortir de la pièce, priant que les deux hommes n'aient pas remarqué ces quelques secondes de réflexion qui me sont parues une éternité.
Mon cœur se serre, peut-être n’aurais-je plus jamais une occasion pareille. Je me précipite aux cuisines pour chercher le thé et reviens sans perdre davantage de temps.
Face à la porte close, je reprends ma respiration puis rentre le plus calmement possible.
Dès mes premiers pas dans la pièce, le Général me dévisage des yeux. M'a-t-il percé à jour ? La panique s'empare de moi. J'évite soigneusement de croiser le regard d'Hélios en versant l'infusion dans leurs tasses, concentrée à ne pas en renverser à côté. Le Lieutenant continue de parler :
- Cela vous convient-il ?
Le Général cesse enfin de me fixer pour répondre à son interlocuteur.
- Tout à fait.
Me reculant après avoir accompli ma tâche, je croise involontairement les yeux suspicieux du Général. La peur m’envahit. Je ne suis pas sûre d'arriver à la dissimuler convenablement, mon réflexe est de baisser la tête pour cacher mes émotions et sortir chercher le repas.
Une fois dehors, sentant mes jambes vaciller, je m'adosse au mur, terrorisée. Mon cœur palpite.
Que va-t-il m'arriver si le Général doute de mes intentions ?
Heureusement, durant le reste de mon service, les deux hommes discutent d'un autre sujet. Hélios ne me prête plus attention. Il me congédie avant la fin du repas. J'ai le sentiment que ma présence le dérange, qu'il veut se débarrasser de moi.
Je me rends aux bains du personnel et glisse dans l'eau bouillante, la chaleur m'apaise. Il n'y a personne. Mes pensées s'emmêlent dans ma tête. Pour faire le vide, je plonge la tête sous l'eau, le silence m'aide à noyer mes craintes. Je ne ressors que lorsqu'il m'est impossible de retenir davantage ma respiration.
Je me résous à regagner ma chambre lorsque la peau de mes doigts se fripe.
À peine arrivée, prise de fatigue, je m'étale sur mon lit. Toutes ces émotions ont eu raison de moi. Regardant le plafond, je perds toute notion du temps, mes doux souvenirs de ma vie d'avant avec Pablo me reviennent en mémoire.
Ma porte s'ouvre, je me redresse d'un bond. C'est le Général. Il ferme la porte derrière lui et se tient droit face à moi, les bras croisés sur son torse.
Pourquoi rentre-t-il dans ma chambre ? Suis-je percée à jour ? Je m’inquiète de plus belle. La faible lueur de la lune traverse la fenêtre de la pièce, laissant seulement apparaître sa silhouette imposante.
- Qu'est-ce que c'était ? Me demande-t-il avec plus de froideur que je ne lui en avais jamais vu.
Confuse, ne sachant quoi répondre à cette question trop vague, je baisse la tête.
J'ai l'impression d'être dépassée par les événements, n'arrivant même plus à éprouver de la peur malgré son regard perçant.
- Quelle était cette réaction quand tu as entendu le mot sorcière ?
Je ne réponds pas. C'est comme si mon âme s'était échappée de mon corps, ne laissant plus qu'une coquille vide. Il m'agrippe par l'épaule, me faisant sortir de mon état de transe. Mes yeux croisent les siens. Il attend une réponse. J'ai la gorge nouée, les mots ne peuvent sortir.
- Je pensais que nous étions en sécurité, qu'elles avaient toutes été éliminées, je mens à mi-voix.
J’ai honte d'utiliser une excuse aussi ridicule. Le visage baissé, je suis incapable de voir sa réaction et heureusement qu'il ne voit pas la mienne. J'aurais perdu le peu de crédibilité qu'il me reste. A-t-il cru ce médiocre mensonge ? Pas de réaction, le silence est pesant. J'ai besoin de voir son expression.
En relevant la tête, je m'aperçois que son visage est plutôt détendu. Le Général me toise comme s'il pouvait lire en moi et cela m'effraie.
Il souffle, exaspéré :
- Je ne te savais pas si craintive.
Je sens l'espoir réchauffer chaque partie de mon corps un à un. Tant pis s'il est déçu, je suis soulagée d'avoir éviter les lourdes répercussions qui auraient découlées. Sans réponse à sa remarque, il me toise quelques minutes et finit par dire :
- Demain matin, réveilles-toi aux aurores, et rejoins-moi devant mes appartements.
Il sort sans que je puisse ajouter quoi que ce soit.
Je suis incapable de fermer l'œil de la nuit. Tant de choses se sont passées en si peu de temps. J'ai besoin de les rejouer dans ma tête pour être certaine qu'elles aient réellement existées.
Les tons orangés de l'aube finissent par teinter le ciel. C'est l'heure de le retrouver, et je n'ai toujours pas dormi.
Je me rends chez le Général, ne sachant pas ce que cette entrevue me réserve. En entrant, j'interromps Hélios qui resserre son chignon, laissant apparente la totalité de sa balafre. Il est vêtu de l'uniforme noir à liserés blancs de la garde impériale.
Impossible de se méprendre dessus. Je ne peux dissocier cet accoutrement de l'arrestation de mon père. L'image de ce jour est gravée dans ma mémoire.
Il m'annonce solennellement :
- Je t'emmène en mission avec moi.
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