Fyctia

Candice, suite au petit message trouvé dans la boîte, était restée perplexe. Il n’y avait pas de réponse claire à sa proposition de rencontre, juste cette citation énigmatique. Tout devenait alors une question d’interprétation. Elle s’était assise en tailleur contre son canapé observant longtemps l’inscription. L’envie de sonner à la porte de son voisin, pour lui proposer clairement de dîner ensemble, avait rapidement traversé son esprit mais elle était trop timide. Comment connaître ses intentions ? Elle avait regardé le plan de travail de sa cuisine, ouvert ses placards et passé en revue les bocaux de farines, de sucres, d’épices qui jonchaient ses étagères. Le temps passait, implacable. L’horloge, en forme de couverts, annonçait bientôt 20h. L’inspiration n’était pas là, la faim non plus. Son estomac était occupé différemment et c’était beaucoup moins agréable. Une boule d’angoisse s’était formée. Candice avait l’étrange sensation qu’elle n’avait pas le droit à l’erreur. Son message, à elle, devait être clair. Après avoir traversé sa cuisine de long en large, elle prit place sur son canapé. Norbert trônait face à elle, arborant fièrement son petit flocon de bois. Elle n’avait pas fini ses décorations de Noël, son esprit était trop préoccupé par le voisin d’en face.

Elle se dirigea vers le carton qui regorgeait de trésors de Noël. Mollement, elle l’ouvrit. Les décorations bigarrées et brillantes captivèrent instantanément son regard. Sans doute qu’habiller Norbert lui changerait, au moins pour un instant, les idées. Sur la voix de Mariah Carey, elle fit tournicoter plusieurs guirlandes colorées dans les airs avant de les ajouter au petit sapin. Comme un maître qui contemple son tableau, elle prit du recul afin de mieux observer son œuvre. Ses sourcils se froncèrent, tout cela était une affaire sérieuse. Avec une grande délicatesse, elle noua quelques boules de Noël, touches de couleurs supplémentaires. Oui, Norbert avait vraiment fière allure, ainsi ! Sa main racla le fond du carton à la recherche d’une ultime décoration et sortit un petit Père Noël brillant. Candice adorait cette figurine qui incarnait l’esprit de cette fête si particulière. Elle prit le temps de l’observer : son petit bonnet en pointe surmonté d’une boule de coton, sa bouche rieuse mangée par une barbe touffue, son regard doux et son épais manteau rouge. L’image de Santa Claus lui remis du baume au cœur : à Noël, tout était possible, il suffisait de demander. Tandis qu’elle examinait la hotte dans son dos qui débordait de cadeaux, elle eut une idée, enfin ! Elle garda le petit bonhomme dans son poing et s’assit à son bureau. Candice ouvrit ses tiroirs et sortit son plus beau papier à lettres et un crayon argenté qu’elle mâchonna nerveusement en quête d’inspiration. Écrire était la meilleure, la seule solution. Elle ne pouvait pas se contenter de pâtisser, il fallait que son message soit simple. Or, elle se sentait incapable de formuler sa requête à haute-voix mais, sur le papier, c’était différent. Si il refusait, elle ne verrait pas immédiatement sa réaction, tout se passerait en différé ce qui serait beaucoup plus facile à vivre. Elle soupira, elle avait réussi à marquer un mot sur le papier de sa papillote, elle devrait pouvoir réitérer l’exploit ! Ses yeux fixèrent le petit Père Noël qui semblait vouloir lui donner du courage.

Elle griffonna, au brouillon, une première ébauche qu’elle ratura puis chiffonna avant de la jeter à la poubelle. Candice était fleur bleue mais, même pour elle, c’était trop gnangnan. Elle soupira, en mal d’inspiration. Son ventre était resté vide et, c'est bien connu, on ne fait rien de bon quand on a faim. Rapidement, elle se dirigea dans la cuisine, sortit quelques châtaignes déjà épluchées et un morceau de butternut qu’elle prépara à l’aide de son grand couteau. Elle fit tout cuir à la vapeur avant de mixer les légumes puis ajouta un peu de crème, de muscade, de sel et de poivre. Le velouté encore fumant posé à côté d’elle, Candice entreprit de se remettre au travail. Réconfortée par le liquide onctueux et chaud, gorgée après gorgée, phrase après phrase, elle parvint à écrire sa lettre. Candice se leva et alla chercher un sucre d’orge qu’elle mâchonna, c’était meilleur que son stylo. Elle relut plusieurs fois. Le texte commençait sobrement par « Cher Nicolas, ». Les lettres inscrites en argent brillaient sur le papier donnant à tout cela un caractère magique. C’était presque comme si elle avait inscrit une incantation. Son regard se posa sur le Petit Père Noël, même l’ourson qui dépassait de la hotte sur son dos semblait lever un pouce d’encouragement. Candice plia avec soin la lettre décorée de motifs de houx et la rangea dans une enveloppe immaculée qu’elle ferma. Puis, se ravisant, elle rouvrit le courrier et glissa un sucre d’orge à l’intérieur. Candice était comme ça, généreuse, gourmande…

À présent satisfaite, il ne lui restait plus qu’à la poster ou, tout du moins, la déposer sur le paillasson sans se faire prendre. L’horloge annonçait 23h. Elle prit une grande inspiration pour se donner du courage, resserra sa robe de chambre autour de sa taille et sortit sur le palier. Le froid de l’allée la glaça immédiatement mais, déterminée, elle s’approcha de la porte de son beau voisin. Son cœur, dans sa poitrine, tambourinait violemment, tandis qu’elle déposa l’enveloppe à même le sol. Ses joues devinrent rouges. Il n’était pas question de faire marche arrière. Soudain, Candice entendit du bruit. Gênée que l’on découvrit son petit manège, elle retourna rapidement chez elle. Elle l’avait fait ! Elle resta appuyée quelques instants contre la porte de son habitation, essayant de calmer le rythme endiablé que dansait son cœur. Candice ne pensa pas à regarder par l’œilleton pour admirer son exploit et ce fut bien dommage car son courrier n’était déjà plus là.