Fyctia
Chapitre 2.2
L’estomac toujours noué et les jambes en coton, elle s’avança vers le bureau de M. Atlas. Il ne se retourna pas et continua à effacer le tableau dans de grands gestes. Pour se donner contenance, elle joignit les mains devant elle et les serra. De dos, il était moins impressionnant, son corps paraissait plus frêle dans sa toge d’un vert sombre. Les cheveux noir corbeau du professeur étaient noués en un chignon bas, Alya remarqua une épaisse mèche d’un gris pâle, presque blanche. Elle se demandait si c’était naturel lorsqu’il se tourna enfin vers elle, les bras croisés sur sa poitrine. Il la dépassait de deux têtes.
— Il paraît que vous êtes douée, déclara-t-il. Vos parents doivent être de grands mages.
— Pas vraiment. Ils sont archivistes.
Une étrange lueur traversa le visage de l’enseignant mais elle disparut aussi vite.
— Et que souhaitez-vous pour l’avenir ?
Alya le dévisagea ; elle ne s’était pas attendue à une telle conversation. Elle avait plutôt imaginé une accusation suivie d’une arrestation.
— J’aimerais devenir soigneuse de créatures magiques.
— Vraiment ? Pourtant, j’ai entendu dire que vous faisiez partie des meilleurs combattants. Vous ne souhaitez pas intégrer l’armée ?
— Non, répondit-elle un peu trop sèchement. Je préfère prendre soin que de tuer.
Il hocha la tête et, d’un bras, désigna la sortie de la salle.
— Dois-je vous accompagner à l’infirmerie ?
Alya tressaillit ; elle avait totalement oublié sa requête dans le but d’éviter cette entrevue.
— Ça ira, merci.
En passant la porte, elle sentit le regard du professeur dans son dos mais elle tenta d’en faire abstraction. Une fois en dehors de son champ de vision, elle s’autorisa à souffler et son corps se détendit. Elle s’était trompée, il n’avait rien décelé.
— T’en as mis du temps à revenir ! s’écria Sirelle lorsqu’Alya entra dans la chambre.
— J’ai dû passer à l’infirmerie.
— Pourquoi ? s’inquiéta son amie en la détaillant de la tête aux pieds.
— Pour rien.
— J’comprends pas…
— J’ai failli me faire griller aujourd’hui… Par ta faute, lui reprocha Alya.
— Désolée mais c’est quand même pas d’ma faute si j’suis drôle.
Alya esquissa un sourire puis se laissa retomber sur son matelas dans un soupir.
— J’suis désolée, Alya. J’voulais pas t’créer de problèmes…
— Je sais. Tu voulais seulement voir le nouveau prof, hein ?
— Ouais… Bah il est plutôt mignon mais dès qu’il ouvre la bouche, il m’fait flipper.
— Il vaut mieux que tu évites de revenir à son cours, on sait jamais.
— Fais attention, toi aussi.
Aussi discrète qu’un chat, Alya quitta le château et se dirigea vers les enclos aux abords de la forêt.
— Salut toi, souffla-t-elle à l’attention de Moon.
L’énorme chouette tourna sa grosse tête ronde et cligna des yeux. Alya s’approcha et enfonça ses mains dans les plumes duveteuses de l’animal. Lasse, elle posa sa joue sur son buste. L’odeur de la terre humide et de la nuit emplirent ses narines lorsqu’elle inspira profondément.
Elle sentit les battements du cœur de Moon se superposer aux siens. Elle laissa cette douce symphonie la bercer. Puis, elle se redressa, plongea ses yeux dans ceux de Moon et demanda :
— Prête pour une balade ?
Pour toute réponse, la majestueuse chouette poussa un doux hululement.
Alya sursauta lorsqu’un craquement retentit dans son dos.
— Bonsoir, Mademoiselle…
Alya sourit devant la révérence de Davian.
— Je n’étais pas sûr que tu viennes ce soir… J’étais inquiet, t’avais pas l’air bien pendant le cours de Monsieur Intransigeant.
Alya pouffa.
— C’est Atlas son nom.
— Je m’en fous. Il avait pas le droit de refuser que t’ailles à l’infirmerie.
— C’est pas grave.
— Bien sûr que si ! rétorqua Davian. Et qu’est-ce qu’il te voulait d’abord ?
— J’en sais rien. Il m’a demandé ce que je voulais faire plus tard…
— Il est bizarre, j’le sens pas…
Davian la dévisagea lorsqu’elle éclata de rire.
— Pourquoi est-ce que tu te marres ? Tu te moques de moi ? demanda-t-il, vexé.
— Bien sûr que non, sourit-elle. Allons sur la colline là-haut, on sera plus tranquilles.
Le sourire aux lèvres, Alya s’installa sur la selle en cuir de sa monture. Elle resserra sa prise sur les lanières lorsqu’elle sentit Moon décoller, soulevant des nuages de poussière. Comme à son habitude, Alya garda les yeux fermés jusqu’à sentir la stabilité de sa monture. Lorsqu’elle souleva ses paupières, son regard glissa sur les points lumineux en contrebas qui indiquaient que d’autres n’étaient pas couchés. Alya libéra l’une de ses mains pour caresser le plumage de son amie. Elle n’aurait su dire combien de fois elles avaient volé ensemble.
L’instant suivant, une autre chouette vola à ses côtés. Les deux animaux filèrent jusqu’à l’endroit indiqué puis atterrirent dans l’herbe. Une fois à terre, Alya se dirigea vers Davian qui descendait de sa monture. Elle passa ses bras autour de son cou et déposa un baiser sur ses lèvres pour faire disparaître sa moue boudeuse. Davian passa les bras dans le dos d’Alya et lui rendit son baiser.
Assis côte à côte, les doigts entrelacés, ils observaient le château en contrebas.
— Tu sais, je suis sérieux. Il est louche ce prof.
Alya posa sa tête sur l’épaule de Davian dans un soupir.
— Tu trouves pas ça bizarre, toi ? insista-t-il. Tous nos profs sont vieux et lui…
— Avant d’être vieux, ils étaient jeunes hein…, railla Alya.
Le jeune homme lui adressa un regard en coin avant de poser sa tête sur la sienne. Alya ferma les yeux. Elle comptait bien garder ses distances avec ce professeur. En presque trois ans de formation, elle n’avait jamais eu de problème ; à quelques mois du diplôme, elle ne comptait pas prendre de risques.
10 commentaires
Bianka Msria
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Il y a 4 mois
Morganelb
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Il y a 4 mois
Le Mas de Gaïa
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Il y a 4 mois
Morganelb
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Il y a 4 mois