Fyctia
Chapitre 39
Après leur moment lecture, Alexandre rangea le livre où il l'avait trouvé mais garda dans sa poche la feuille où était inscrit la recette à base de licorne.
Le magicien ne connaissait pas de sort qui permettait de retrouver les personnes disparues. Et il ne savait pas par où commencer pour chercher Trimæl. Si le gobelin avait réussi à se cacher pendant des années des autorités de son propre monde, alors il n'y avait aucune chance pour lui. Et puis, ce n'était pas comme s'il lui avait laissé d'indice... Tout ce qu'il avait dit c'était qu'ils allaient bientôt se revoir. Mais quand ? Et où ?
Il se rappelait aussi toutes les mises en garde qu'il avait reçu avant son arrivée à Versailles. Qu'il s'agisse des chevreuils, des Gehennards ou n'importe quoi d'autre, une présence maléfique était présente au château. Trimæl lui avait imploré de ne pas devenir favori, mais il n'avait pas eu le temps de finir son avertissement — qui concernait le roi. Et cette présence maléfique, il l'avait vue la nuit précédente. Et d'une certaine manière, tout cela était relié à Louis XXIII et à la duchesse, sans qu'il ne sache qui jouait quel rôle pour le moment.
Le schéma commence à se dessiner, se dit-il. Mais il avait peut-être un moyen de retrouver le gobelin. Alexandre possédait toujours les pierres magiques qui lui permettaient de se téléporter devant sa maison. Il pourrait découvrir des indices qui le mettraient sur une piste, ou au moins récupérer des plantes et des objets magiques pour l'aider dans sa quête. Enfin, s'il en restait. Décidé, il prétexta une grosse envie et partit s'enfermer aux toilettes. Il récupéra la bourse contenant les pierres dans sa poche et fouilla pour en tirer une violette. Mais avant de la jeter, il eut un moment d'hésitation : et si l'elfe était toujours là ?
Je n'ai rien fait de mal, se rassura tant bien que mal Alexandre. Au pire, il me posera des questions, au mieux, il ne sera même pas là...
Décidé, il inspira profondément et jeta le caillou. Le sol s'ouvrit sous ses pieds, et il s'y engouffra lentement. C'était la première fois qu'il utilisait ces pierres en-dehors de Rochefort.
*
La maison n'avait presque pas changé. Pourtant, il la voyait d'un œil complètement différent aujourd'hui. Comme s'il retournait dans un rêve qu'il avait fait des années auparavant.
Rien de tout ça n'est réel. Il fallait qu'il se garde en tête cette idée. Ce soleil, ces plantes, ces pierres colorées... Les sensations qu'il éprouvait étaient complètement de ce qui se tenait sous ses yeux. Le magicien ne ressentait aucune présence magique, ni humaine ou animale. Ces lieux avaient été vidés de toute vie. Si tant est qu'il y en ait eu un jour.
Comme il faisait avant, Alexandre marcha sur les pierres lumineuses une à une, et se posa sur le pallier. Il n'y avait plus personne mais il toqua tout de même trois coups rythmés sur la porte et entra. Il ne restait toujours que la table en bois, et la chaise était renversée. Le jeune homme la releva. Une fine couche de poussière les recouvrait.
Il explora le reste de la maisonnette, mais ne trouva rien d'autre. Tout ce qu'il restait était les gravures et les dessins qu'il avait fait sur les murs de la maison quand il était plus jeune. Sur la porte des toilettes, il y avait une toise avec toutes les tailles d'Alexandre, du jour où Mira-Trimael l'avait accueilli, jusqu'à l'année dernière quand il avait fêté son dernier anniversaire avec la fée.
Le magicien se remémora tous les souvenirs liés à cette toise, année après année. Mais alors qu'il faisait le décompte, le jeune homme remarqua qu'il manquait le trait de ses quatorze ans. S'était-il effacé avec le temps ? Il en doutait car des traits plus anciens étaient encore parfaitement visibles. Peut-être qu'ils avaient oublié de le faire cette année-là ? Pourtant, Alexandre se souvenait parfaitement de cette journée. Mira l'avait emmené sur une île paradisiaque en empruntant un puits dans le jardin qu'elle avait ensorcelé...
— Mais bien sûr ! s'exclama Alexandre en se frappant le front avec la paume de sa main.
Il courut dans le jardin et y trouva le puits dans le même état qu'il avait été laissé. Sans hésiter, le magicien sauta à l'intérieur. Il glissa comme dans un toboggan. Contrairement aux apparences, l'intérieur n'était pas en pierres comme l'extérieur, mais composé d'une matière similaire au plastique provenant d'une plante magique. Alexandre fit quelques looping avant d'atteindre le bout.
Il fut projeté sur une plage pleine de sable doré et brûlant où le soleil brillait plus fort qu'en été. A l'ombre des palmiers se trouvait une cabanette en bois décorée par des guirlandes de fleurs. Quelques transats étaient disposés à côté, ainsi que des parasols. Il y avait aussi un hamac à motifs de fleurs accroché entre deux troncs. Un gobelin ronflait à l'intérieur, bercé par des objets animés : une chaise longue et un matelas lui faisaient du vent tandis qu'un balai jouait une balade au banjo.
Pourquoi ça ne m'étonne pas ? se demanda-t-il. Même sous forme de fée, Trimael avait toujours eu un côté extravagant, voire un peu bizarre. C'était peut-être par habitude que le magicien s'en accommodait.
— Je me demandais quand tu arriverais, fit le gobelin depuis son hamac.
Il retira lentement ses lunettes de soleil et se redressa, dévoilant ainsi une chemise hawaïenne et un mini short beige. Son visage était remplit de ce qui semblait être de la crème solaire, mais étant donné l'odeur, il n'en était pas sûr.
— J'ai entendu dire que tu avais été nommé favori, c'est vrai ? poursuivit son ancien mentor. Je t'avais pourtant dit de ne pas le faire... Tu me déçois.
Alexandre n'arrivait pas à savoir s'il plaisantait ou s'il était sérieux. Le gobelin souffla comme un homme âgé en se levant du hamac. Au lieu de rejoindre son invité, il se dirigea vers l'un des transats et le jeune homme le suivit. D'un geste, il fit apparaître deux boissons en forme de noix de coco avec une paille et des mini parasols rose et bleu.
— Pourquoi tu ne voulais pas que je devienne favori ? demanda Alexandre. Tu savais que quelque chose allait arriver, n'est-ce pas ?
— Ne dis pas de bêtises, je ne suis pas devin non plus, argua Trimael tout en sirotant sa noix de coco. J'avais des suspicions et elles se sont avérées exactes...
— Des suspicions sur quoi exactement ?
— Pour te résumer l'histoire, fit le gobelin, tu as compris que je traînais dans des affaires pas très nettes... Il y a quelques années, on m'a passé une commande pour le roi. Moi-même je ne savais pas à quoi servait ce que j'ai fabriqué, mais une chose est sûre, c'est très puissant. Ça relève presque de la divinité... Je ne peux pas en dire plus car j'ai été soumis à un pacte de silence.
Il sirota un peu de sa boisson. Alexandre attendait la suite de sa phrase avec impatience.
— C'est dangereux là-bas, poursuivit-il. C'est pour ça que dorénavant je t'accompagnerai.
1 commentaire
zoé.c
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Il y a 7 mois