Fyctia
58-Réveil angoissant (1)
Une odeur âcre est la première chose que perçoit Sarah lorsque ses yeux s’ouvrent sur la noirceur oppressante qui l’entoure. Incapable de visualiser son entourage, elle se concentre sur le seul sens capable de lui fournir des informations sur sa situation : l’ouïe.
Prenant conscience de plusieurs respirations lentes dans son entourage immédiat, elle comprend qu’elle n’est pas seule. Se remémorant ses derniers instants de lucidité, une seule chose lui importe. Son cœur battant à tout rompre, elle brise donc le silence.
— Ava, tu es là ?
Aucune réponse ne vient rassurer son angoisse grandissante.
Cherchant à se lever du siège où elle se trouve, elle réalise que ses mains et ses pieds sont maintenus par de solides attaches en fer, ne faisant que décupler sa peur. À sa poitrine, le médaillon s’éveille, pulsant en elle une énergie infusant chacun de ses muscles.
Dans son esprit, une confusion totale règne en maîtresse absolue de ses pensées.
« Elle t’a trahie. » suggère une première voix.
« Laisse-lui une chance de s’expliquer avant de commettre l’irréparable. » lui commande une seconde.
« Évite de conclure tant que tu n’as pas saisi tous les éléments. » conclut une dernière voix intérieure.
Une voix qu’elle reconnaît sans nul doute possible.
Incapable de se concentrer sur la magie qui circule en elle, Sarah se sent à deux doigts de céder à la panique, mais cette dernière intervention la convainc de conserver le peu de calme qui lui reste.
— Grand-mère, je t’en supplie, aide-moi ! prononce-t-elle de vive voix.
Un bruissement léger dans la pièce lui confirme alors la présence d’une personne encore libre de ses mouvements. Plusieurs flammes lancinantes apparaissent à cet instant sur des chandeliers accrochés aux murs, révélant les détails de l’endroit au regard inquiet de l’adolescente.
Constitués de pierres noires, les murs, le plafond et le sol ne reflètent que très peu la faible lumière des bougies, mais le faible éclairage suffit à l’adolescente pour réaliser que cette chambre possède toutes les caractéristiques d’un donjon digne d’un film d’horreur : plusieurs sièges munis d’attaches, une table où siège des instruments variés dont elle préfère ne pas connaître l’usage et des étagères remplies de fioles et d’objets qu’elle ne connaît pas.
Toutefois, c’est la vue d’Ava, debout à quelques mètres d’elle qui attire pleinement son attention. Son visage sévère, ses mains croisées dont les ongles triturent sa peau et ses yeux rougis, tout cela lui donne une apparence des plus angoissante.
Et ce n’est pas tout.
Dispersées dans la pièce, plusieurs ombres s’agitent dans tous les sens, faisant vibrer les fioles de verre sur les tablettes, leurs yeux rouges concentrant leur regards vides vers Sarah qui se met à trembler. L’une d’elles, la plus grande de toutes, s’approche déjà de l’adolescente immobilisée, la surplombant de sa masse vaporeuse.
Ignorant la présence des entités, Ava choisit cet instant pour s’avancer d’un pas vers Sarah, visiblement troublée.
— Pourquoi demandes-tu l’aide de ta grand-mère ? demande-t-elle d’une voix qu’elle s’efforce de rendre neutre.
Paniquée par la présence de l’ombre à quelques centimètres de son visage, Sarah ne répond pas tout de suite, résistant plutôt à l’envie de crier alors que le souvenirs de sa dernière nuit auprès de sa mère refont brutalement surface dans son esprit.
Inconsciente de la douleur psychologique que subit Sarah, Ava s’avance à son tour et pose ses mains sur celles de l’adolescente.
— Réponds-moi, je t’en supplie ! commande Ava. Je dois savoir si ton esprit a été corrompu !
Des larmes coulant le long de ses joues, Ava serre les doigts de son amie pour tenter de la faire sortir de son mutisme. Elle remarque alors la panique dans son regard et comprend que quelque chose lui échappe. Inquiète, elle poursuit néanmoins son monologue.
— N’essaie surtout pas d’utiliser la magie, je t’en prie. Cette pièce bloque toutes les formes de magie et l’encens empêche ton esprit de se concentrer. Si tu tentes un sort, il risque de se retourner contre toi ! Réponds à ma question, s’il te plaît.
L’arrivée d’Ava ayant temporairement éloigner l’ombre, Sarah prend une grande respiration et chasse la peur de son esprit afin d’ancrer un regard suppliant dans celui de son amie.
— Ava, nous devons fuir cet endroit ! Les ombres, elles sont ici !
— Crois-moi, les ombres sont le dernier de mes soucis en ce moment ! Si je ne trouve pas rapidement un moyen de nous sortir de ce pétrin, nous aurons bientôt toute la communauté magique à nos trousses.
Un grand fracas métallique fait brusquement sursauter les deux femmes. Dans un coin, le brasier dans lequel brûle l’encens vient de tomber, répandant son contenu incandescent sur le sol. Aussitôt, le rougeoiement des braises est étouffé comme si de l’eau venait d’être répandue sur elles, dissipant rapidement les fumées âcres.
— Fuis avant qu'il ne soit trop tard ! supplie Sarah. Je ne veux pas que ces choses te fassent du mal. Zadriel n’a rien à voir avec ce qui se déroule ici en ce moment, tu dois me croire !
— Aucune force magique ne peut agir dans cette pièce. Si nous sortons d’ici, tu n’as pas idée des forces qui risquent de nous tomber dessus à tout moment.
Remarquant les ombres qui s’amassent autour d’Ava, Sarah ne peut détacher le regard des yeux rouges qui la fixent intensément alors que de longs filaments s’étirent dans sa direction, frôlant le corps de son amie inconsciente du danger qui pèse sur elle.
Lorsque toutes les flammes s’éteignent soudainement, Sarah sent son cœur se bloquer dans sa poitrine. Bloquée par ses liens, elle n’a que sa voix pour exprimer son désespoir.
— Ava !
Perdue dans l’obscurité totale qui les entoure à présent, la jeune femme apeurée sent néanmoins la présence oppressante des ombres qui se concentrent autour de son corps immobilisé. Sur ses poignets et ses chevilles, une pression inconfortable s’installe, grandissant à chaque seconde qui passe.
Une série de grincements métalliques se fait alors entendre, pires que des ongles glissant sur une ardoise. L’instant suivant, tous les anneaux la maintenant en place s’ouvrent, le fer se déchirant telles de vulgaires feuilles de papier.
Libre de ses mouvements, l’adolescente bondit hors de son siège et s’élance en direction de son amie, toujours agenouillée devant elle.
— Ne lui faites pas de mal, je vous en supplie ! hurle Sarah en entourant sa compagne de ses bras.
L’esprit toujours embrumé par l’encens, elle ne peut se concentrer sur l’énergie diffusée par son médaillon, mais la voix de sa grand-mère retentit à nouveau dans son esprit.
« Ton amie n’est pas en danger. Tu dois seulement me faire confiance. »
Troublée par cette nouvelle intrusion mentale, Sarah se serre contre le corps de la seule personne capable de la rassurer, prête à tout pour éloigner les ombres d’elle.
Sur sa poitrine, son médaillon se met alors à briller, comme il l'a fait lors de cette nuit fatidique il y a dix ans.
3 commentaires
Lyaure
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Il y a 2 ans
Jess Swann
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Il y a 2 ans