Fyctia
33-Éviter les ennuis (1)
Jetant un coup d’œil à son téléphone, Sarah réalise que son prochain cours a débuté depuis un moment. Un instant, sa tête bourdonnant des connaissances acquises dans les derniers moments, elle songe à quitter l’établissement. Néanmoins, la recommandation du professeur lui revient en tête : éviter les ennuis.
Facile à dire pour lui !
Au vu de son dossier déjà sensible, l’adolescente décide de suivre la voie de la raison et elle se dirige d’un pas rapide vers le local indiqué à son horaire. Alors qu’elle marche, ses pensées vont pour Ava.
« J’espère qu’elle aura récupéré ses forces. J’aurais bien besoin d’elle à mes côtés pour mettre de l’ordre dans mes idées ! » songe-t-elle avec amertume.
« N’écoutes-tu pas ce que l’on te dit à son sujet ? » lui suggère une petite voix dans sa tête.
« Tu te doutes qu’elle n’appréciera pas ton récent attachement à la Lumière. » complète cette même voix troublante.
Angoissée, Sarah pose les mains sur ses tempes douloureuses et se masse la tête, perdant brièvement contact avec son entourage. Inattentive, elle entre violemment en contact avec une personne immobile dans le corridor, le choc la projetant presque à la renverse. Confuse, elle s’apprête à s’excuser, mais le visage qui se révèle à elle lui provoque un blocage.
— Justin !? s’exclame-t-elle, gênée.
Réalisant l’identité de la maladroite qui vient de le percuter, le jeune homme perd lui aussi sa contenance, visiblement troublé par sa présence.
— Est-ce que tu t’es fait mal ? se contente-t-il de demander avec sincérité.
— Ça va. Je ne suis pas une princesse fragile.
— Je l’avais compris, mais tu n’y es pas allée avec douceur, c’est le moins que l’on puisse dire.
— J’étais perdue dans mes pensées, je suis désolée. D’ailleurs, je voulais m’excuser pour mes propos tout à l’heure. Tu n’es pas responsable des actes de tes copains.
Surprise elle-même par ses propos, Sarah se questionne sur la réaction de Justin. À son grand étonnement, celui-ci affiche soudainement un visage triste avant de prendre la parole.
— C’est plutôt à moi de m’excuser. J’ai jugé ton amie sans la connaître. En parlant avec mes coéquipiers, j’ai réalisé à quel point ils sont cons. Tu avais raison sur toute la ligne et je suis vraiment désolé d’avoir pris leur défense. Je peux comprendre si tu préfères m’éviter, mais sache que je ne suis pas comme eux. D’ailleurs, je compte bien éviter de les fréquenter plus que nécessaire à partir de maintenant.
— Pourquoi ferais-tu ça ? Ce sont tes coéquipiers, tu ne peux pas les tenir éloignés de toi au détriment de ton équipe et tu le sais.
— Je ferai le nécessaire pour le bien de l’équipe, mais cela ne veut pas dire que je dois accepter leur présence toxique en dehors d’ici. J’ai fait une erreur en leur accordant une confiance aveugle jusqu’ici, mais je ne compte plus fermer les yeux sur le mal qu’ils répandent autour d’eux.
Touchée par les propos du jeune homme, Sarah pose un regard tout nouveau sur lui. Cela va même jusqu’à lui provoquer un frisson généralisé. Dans une autre vie, il est clair qu’elle pourrait même voir naître un sentiment pour lui.
Mais son cœur est déjà pris.
— Je te remercie pour cette décision que tu as prise. Tu sembles être une bonne personne, Justin. Je ne chercherai plus à t’éviter et ma colère contre toi est chose du passé. Là, je dois me rendre à mon cours, mais si tu veux encore mon aide pour le travail de sciences, on peut se fixer un rendez-vous.
Son visage à présent étiré dans un immense sourire, Justin fixe Sarah avec insistance, provoquant un certain inconfort à la jeune femme. Ravi, l’adolescent prend la parole avant qu’elle ne puisse poursuivre.
— Avec plaisir ! exulte-t-il. J’ai une période de libre en fin de journée. J’avoue que ton aide ne sera pas de trop pour ma petite cervelle.
— Je suis libre moi-aussi. Par contre, pardonne-moi d’être aussi directe, mais ne va surtout pas t’imaginer des choses sur ce rendez-vous.
— Loin de moi cette idée. Rassure-toi, je serai un parfait gentleman, c’est promis !
— Présenté ainsi, c’est presque inquiétant, mais je veux bien te croire. Texte-moi vers 16h45 pour me dire où te rejoindre.
Étrangement fébrile à l’idée de donner son numéro au jeune homme, Sarah tape les numéros sur son téléphone avant de s’éloigner, un sourire gêné sur les lèvres.
***
Toujours immobile dans le long corridor, Justin la regarde prendre de la distance, une volée de papillons s’affolant dans son estomac.
Certes, il agira en gentlemen, mais cela ne veut pas dire qu’il ne ressent rien pour la nouvelle et son regard perçant... Au moins, il est heureux d’avoir pu la revoir pour s’expliquer. Il ne reste plus qu’à tenir ses copains éloignés d’elle et d’Ava.
Ça ce n’est pas gagné malheureusement.
***
Installée à son bureau depuis un moment déjà après s’être excusée de son retard, Sarah n’écoute pas vraiment le professeur. Perdue dans ses pensées, elle sursaute lorsque la professeure l’appelle d’une voix autoritaire.
— Madame Black, vous m’écoutez ?
Gênée, l’adolescente note les nombreux regards posés sur elle. Mal à l’aise, elle ancre le sien dans celui de l’enseignante avant de répondre.
— Désolée, la journée a été assez difficile jusqu’ici pour moi. Pourriez-vous répéter votre question ?
— Je vous ai demandé de me décrire dans vos mots votre vision du Bien et du Mal afin de nous donner une base pour discuter de la philosophie de Friedrich Nietzsche.
Frappée par le sujet annoncé, la jeune femme réfléchit un instant, cherchant surtout à mettre en sourdine les voix qui s’affolent dans sa tête. D’un côté
— Pour être honnête, je dirais que le Bien et le Mal sont des notions très relatives qu’il est impossible de décrire avec précision. Selon moi, l’un ne peut exister sans l’autre pour le balancer. Je le vois un peu comme le jour et la nuit. L’un nous fournit la lumière requise pour la vie sous toutes ses formes, mais l’autre apporte l’obscurité nécessaire à l’apaisement de notre esprit dans le sommeil.
— Vous dites donc que le Mal est nécessaire à l’avancement de notre société ?
Dit ainsi, il est vrai que l’affirmation de Sarah peut porter à confusion, mais celle-ci décide néanmoins de poursuivre sur sa lancée.
— En quelques sortes, c’est bien ce que j’ai dit. Comment définir le Bien sans le comparer à son opposé ? Par exemple, nous savons tous que voler est mal, mais si c’est pour fournir à un enfant malade la possibilité de vivre et que le vol est commis auprès d’un homme fortuné aveuglé par sa richesse, est-ce si mauvais ?
Le visage éclairé par une grande admiration, la professeure pointe les mains vers Sarah avec ferveur.
— Voici exactement comment vous devez approcher la philosophie de Nietzsche ! s’exclame l’enseignante. Évitez toute forme de manichéisme et vous comprendrez peut-être un jour la profondeur de son œuvre. Félicitations madame Black pour votre ouverture d’esprit. J’espère que votre fin de journée sera meilleure que son début.
« Si seulement elle savait ! » pense alors Sarah.
8 commentaires
Lyaure
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Il y a 2 ans
cedemro
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Il y a 2 ans
Hell-vixen
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Il y a 2 ans
Jess Swann
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cedemro
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Il y a 2 ans
Dystopia_Girl
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Il y a 2 ans