cedemro La part des ombres 23-L'appel des ténèbres (1)

23-L'appel des ténèbres (1)

Le souffle court, Sarah sort lentement de la cabine pour assécher son corps encore tremblant. Pendant un long moment, l’adolescente combat les idées saugrenues qui surgissent dans son esprit, cherchant toutes à la convaincre de rejoindre son amie dans sa chambre.


Se faisant violence pour chasser ces pensées, elle se force à choisir un ensemble dans la pile et l’enfile en vitesse pour couvrir sa nudité et reprendre le contrôle sur son corps brûlant d’un désir qui n’a pas lieu d’exister. Debout devant le grand miroir installé au mur, elle s’observe un moment. Le jean noir ajusté et le long chandail en cachemire bleu nuit mettent en valeur les formes délicates de son corps.


Réalisant que son maquillage est resté dans sa chambre à l’orphelinat, l’adolescente ouvre tiroirs et armoires afin de trouver les éléments requis pour composer son armure contre le monde extérieur. Impossible pour elle de sortir sans ce masque.


« Pourquoi te caches-tu, Sarah ? » questionne alors une voix féminine rauque dans sa tête.


Ébranlée par ces mots inaudibles, l’adolescente sursaute et observe avec fébrilité la pièce vide.


— Qui parle ? demande-t-elle d’une voix paniquée.


Seul le silence lui répond et un bref tressaillement des ampoules de la vanité suffit à bloquer sa respiration dans sa poitrine. Affolée, elle songe à se précipiter rejoindre Ava, ramassant à la volée ses vêtements de la veille accumulés contre la porte. Elle sent alors un objet métallique contre sa main. Reconnaissant la forme familière de son médaillon, elle insère sa main dans la poche du pantalon et le retire prestement. Dès que le pendentif entre en contact avec sa paume, Sarah ressent un grand calme l’envahir, débloquant les battements de son cœur et redonnant leur souplesse à ses poumons figés depuis trop longtemps déjà.


Rassurée par la douce énergie qui pulse en elle en provenance de son précieux médaillon, Sarah passe la fine chaînette autour de son cou et cache l’objet derrière le haut col de son chandail. Trouvant rapidement un tube de mascara et un ensemble de fards à paupière, elle applique soigneusement le masque noir qui l’identifie depuis plusieurs années déjà.


D’un pas certain, elle quitte ensuite la salle d’eau et redescend à l’étage en évitant le regard des deux femmes sur le tableau. Préoccupée par ses pensées, elle ne remarque même pas l’imposante plante flétrie au pied des marches, piétinant les feuilles desséchées tombées au sol sans en entendre les craquements.


Dans la cuisine, la jeune femme ouvre le réfrigérateur et y ramasse un morceau de fromage, ignorant les cruches contenant ce qui lui semble être des jus variés dont les couleurs ne lui disent rien. Remarquant un panier de fruits frais sur le comptoir, elle dépose le fromage et récupère deux pommes et une banane. Après une brève recherche, elle trouve enfin un couteau et se coupe quelques tranches de fromage.


— Voilà qui suffira. Je prendrai un café une fois sur place, conclut-elle à haute voix.


Mastiquant encore soin maigre goûter, l’adolescente saisit son sac resté près de l’entrée et y dépose les fruits, quittant la somptueuse demeure sans se soucier de barrer la lourde porte.


« Je doute que les voisins sont du genre à faire des visites improvisées s’ils connaissent les propriétaires de l’endroit. » pense-t-elle.


À peine a-t-elle mis le pied dehors qu’un homme en costard l’approche. Reconnaissant le chauffeur de la veille, elle remarque instantanément son allure qui est tout aussi inquiétante en plein jour qu’à la lueur de la pleine lune. Encore un peu et elle pourrait s’imaginer de longs crocs lui sortir des commissures des lèvres !


— Bonjour, madame, lance l’homme d’une voix polie et serviable. Veuillez prendre place je vous prie.


Bouche bée, Sarah monte dans le véhicule et boucle sa ceinture. Une odeur délicieuse lui parvient aux narines alors que la porte se referme. Elle note alors la présence d’une tasse thermos dans le porte-verre près de son siège. Humant son contenu, elle reconnaît sans peine sa boisson préférée. Dès la première gorgée, le liquide crémeux et sucré à souhait lui redonne le sourire.


— Incroyable ! s’exclame-t-elle. Ava a retenu ma commande d’hier au restaurant. Cette fille est vraiment attentive à tous les détails.


Bercée par le mouvement du véhicule et par la chaleur diffusée par son délicieux café, l’adolescente ne voit pas le temps passer. Avant-même qu’elle ne réalise l’arrêt de son carrosse, la portière s’ouvre sur le soleil radieux qui pénètre l’habitacle.


— Je repasserai vous prendre à dix-huit heures, lance le chauffeur d’une voix monotone.


— Ce ne sera pas nécessaire, monsieur. Je rentrerai par mes propres moyens.


— Désolé, madame, mais les instructions sont claires. Je dois vous reprendre ici-même en fin de journée. Madame Darkmore serait furieuse si vous deviez aller à l’encontre de ses directives, croyez-moi.


— Pardonnez-moi, mais j’imagine mal Ava en colère.


— C’est mieux ainsi, madame. Ne lui faites pas faux bond et tout ira bien.


Surprise par la menace derrière les propos de l’homme, Sarah descend lentement et s’éloigne, sans se retourner. Autour, quelques regards intrigués se posent sur elle, une arrivée dans une limousine restant peu commune pour l’endroit. Heureusement, elle se trouve derrière le pavillon principal, ce qui lui évite le plus grand de la foule d’étudiants qui arrivent en grand nombre à cette heure matinale. D’un regard rapide, elle remarque que tous sont déjà retournés à leurs préoccupations, choisissant d’ignorer la gothique de service comme ils le font habituellement. Seule dans sa bulle, elle se dirige donc vers l’entrée principale, choisissant de couper au travers d’un bosquet de chênes majestueux situé autour de l’aire de stationnement.


En temps normal, elle aurait évité avec soin toutes les zones ombragées sur son chemin. Toutefois, aujourd’hui, elle n’en ressent pas le besoin. Se rappelant sa discussion avec son amie la veille, elle commence à croire que sa peur des ombres est sans fondement.


« Certes, ma mère est morte en leur présence, mais elles ne lui ont rien fait. » conclut-elle intérieurement en se remémorant ses douloureux souvenirs.


Le cœur déchiré par la dure image fixée dans sa tête, Sarah ne réalise pas qu’elle s’est arrêtée sous le plus grand des chênes, sa main posée sur son tronc. Baignée dans l’ombre de l’arbre imposant, elle tente de chasser la douleur, concentrée sur sa respiration.


Sur sa poitrine, son médaillon réchauffe sa peau, mais elle ne sent rien.


Autour d’elle, le temps s’arrête un instant, mais personne n’en est conscient.


Pas même Sarah.


Au bout de plusieurs secondes, le temps reprend soudainement son cours et cela se concrétise par un appel désagréable aux oreilles de l’adolescente.


— Revoilà la petite nouvelle sans sa copine aveugle. Le hasard fait bien les choses on dirait.


Reconnaissant la brute du train, l’adolescente remarque qu’il est cette fois accompagné de plusieurs comparses aux allures peu recommandables.


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30 commentaires

Lyaure

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Il y a 2 ans

Tu nous offres des détails à chaque chapitre, c'est très agréable pour la lecture car on apprend des choses tout en notant de nouvelles problématiques. Ce chauffeur est étrange... Sa remarque concernant "Madame Darkmore" l'est tout autant. Le fait que la crainte des ombres de Sarah soit partie aux oubliettes est surprenant également. Moi ça m'inquiète même car je ne sais toujours pas si c'est pour l'aider ou non : parfois, la peur fonctionne avec la prudence. Si elle n'a plus peur, ne risque-t-elle pas d'oublier d'être prudente ? Et cette voix dans sa tête... je me demande là encore si elle n'aurait pas réussi à faire revenir sa grand-mère d'une certaine manière...

cedemro

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Il y a 2 ans

Sarah cohabite avec les ombres depuis son enfance. Ce qu'elle apprend sur la magie commence à lui donner confiance. Est-ce pour le mieux ? Nous le verrons au fil des chapitres... 😁

Sylvie Marchal

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Il y a 2 ans

Dans un premier temps, je voulais te féliciter pour la qualité de tes descriptions. J’apprécie les détails que tu donnes quand Sarah se prépare, le matin, chez Ava. On visualise parfaitement les lieux, l’ambiance. Puis, reparlons des ombres. Celles des arbres, comme les plantes au chapitre précédent, ne font plus peur à Sarah, j’espère que nous aurons rapidement plus d’infos sur ce sujet. Puis, ce chauffeur m’interpelle. Il en sait beaucoup, trop ? Sous ses airs rustres, peut-il être une aide pour Sarah ? Et enfin, cette mise en garde, contre Ava… Besoin de beaucoup d’infos, j’espère en avoir une partie dans le prochain chapitre

cedemro

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Il y a 2 ans

Je distille les informations au compte goutte à tous les niveaux, je sais. C'est un peu l'objectif. J'essaie de mettre le lecteur à la place de Sarah qui s'interroge sur tout ce qu'elle vit en ce moment. Elle découvre un univers qui n'existe que dans les livres et les films. Difficile d'y voir clair. Je te promets que les informations viendront, mais peut-être pas aussi rapidement que tu ne l'espères !

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 ans

Oh non Sarah encore face aux brutes. Si Ava est au courant d'une manière ou d'une autre ça risque de mal aller pour eux. Le chauffeur a semblé sous entendre que la colère de sa patronne peut être terrible.

cedemro

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Il y a 2 ans

Ava n'est plus la seule menace à présent... D'ailleurs, n'oublions pas qu'elle est épuisée suite à sa transformation de la veille.

Mylee R.

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Il y a 2 ans

Hiiii! Bon, je suis bien contente que la suite ait débloqué ce matin! Est-ce que Ava volera à son secours ? 😅

cedemro

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Il y a 2 ans

Ava est assez mal en point pour le moment... La magie a un prix qu'il faut être prêt.e à payer et ce ne semble pas être son cas pour le moment. La magie noire demande des sacrifices, ce qu'elle indique refuser de faire (du moins elle l'a dit à Sarah).

moondaq

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Il y a 2 ans

Je débloque mais j'en suis encore au chapitre 7 (j'arrive 😭)

H-G de Retz

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Il y a 2 ans

J'avais mis ton histoire dans ma PAL en milieu de semaine... J'étais censée travailler sur ma propre histoire mais avant je pensais lire deux trois chapitres de la tienne... Bon bah j'ai lu tous tes chapitres disponibles. Ton univers magique et tes descriptions sont justes magnifiques. Ta plume est fluide et tu sais maintenir la lectrice que je suis en haleine. Je n'ai pas vu le temps passé tant ton histoire est intrigante et pleine de rebondissements. Tu sais alterner entre chapitre mouvementé et chapitre doux avec brio et j'en redemande! Par contre, il aurait été judicieux de préciser ce qu'est le Cégep. Je ne suis pas canadienne... Google est mon ami...
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