Fyctia
8-Qui es-tu Ava ? (2)
Un frisson accompagné de sueurs froides arrête soudainement Sarah sur place.
L’idée de faire l’expérience mentionnée par Ava déclenche une peur panique chez l’adolescente. En un éclair, elle revoit les ombres dans sa chambre, le soir fatidique où sa vie a changé à jamais. Elle voit encore les deux points rouges la fixant par-dessus ce qui est devenu le cadavre de sa regrettée mère.
Nul doute ne subsiste dans son esprit : elle ne veut surtout pas percevoir ce qui se cache dans les zones sombres qui parsèment son chemin. Instinctivement, l’adolescente porte sa main libre dans la poche de son panatalon et serre son médaillon de toutes ses forces.
Bloquée sur place avec sa main dans celle de son amie, Ava perçoit le changement dans son attitude. Malgré la noirceur totale dans laquelle elle évolue, il n’est pas difficile pour elle de percevoir la peur qui émane du corps fragile de l’adolescente effrayée. Néanmoins, son visage reste paisible et elle pose sa main sur son épaule.
— Je peux t’assurer que la peur possède une odeur et c’est précisément celle que je perçois en ce moment. Je suis désolée si j’ai réveillé un mauvais souvenir en te proposant ma petite expérience. Tu n’es pas obligée de te plier à ma demande si cela te cause autant d’anxiété.
Tremblante, Sarah observe sa partenaire avec un mélange d’incompréhension et de cette peur maladive qui l’a envahie. Évidemment, celle-ci ne peut voir son visage torturé, mais cela ne semble pas l’empêcher de percevoir ses émotions. Rassurée par le contact doux de sa main sur son épaule, l’adolescente retrouve peu à peu son calme, se forçant à prendre plusieurs respirations profondes avant de poursuivre sa route en direction du restaurant.
— Je ne souhaite pas entrer dans les détails, mais tu as raison quand tu affirmes avoir réveillé de très mauvais souvenirs de mon passé. Ne me demande pas pourquoi, mais j’ai toujours eu peur de ce qui se cache dans l’invisible.
— Tu as peur du noir ? Tu sais, c’est une phoobie commune et tu n’as pas à en avoir honte.
— Non, je ne crains pas le noir. Au contraire, il m’apaise quand il m’enveloppe totalement. Je parles plutôt de ce qui se cache à la frontière entre la lumière et la noirceur. N’essaie pas de comprendre, je ne saurais te l’expliquer.
Une expression de compassion sincère apparaît sur le visage d’Ava alors qu’elle tourne son regard émeraude en direction de Sarah. Mêmes aveugles, cette dernière sent ses yeux percer les siens, comme si elle parvenait à visualiser la racine de ses peurs.
— Tu n’as pas à m’expliquer, commence-t-elle d’une voix douce, je comprends parfaitement ce que tu veux dire. Plusieurs te diront que je suis folle, mais j’ai la ferme conviction qu’il existe un monde qui échappe à notre regard.
— Ce n’est pas moi qui irai te traiter de folle, crois-moi. Toutefois, désolée d’être directe, mais tu es aveugle, il est donc normal que notre monde échappe à ton regard, non ?
— Je n’ai pas toujours été aveugle.
L’annonce est comme un coup de poing au ventre de l’adolescente. En un instant, elle s’imagine l’horreur de devoir perdre la vue un jour et cela lui provoque une vive tristesse qui déforme subitement les traits de son visage. Une larme menace même de frayer son chemin sur sa joue, mais une main douce vient se poser sur sa joue pour la rassurer.
— Tu n’as pas à être triste. Je te mentirais si je te disais que cet événement ne m’as pas affecté pendant un long moment de ma vie, mais aujourd’hui je peux t’assurer avoir trouvé ma voie. Cesse de t’inquiéter pour moi, je t’en supplie.
Émue, Sarah peine à chasser la peine qu’elle ressent pour son amie. Néanmoins, l’expression de calme absolu sur son visage la convainc de mettre de côté la pitié qui la tenaille.
— Tu possèdes vraiment une grande force en toi pour avoir surpassé un tel malheur. J’aimerais bien réussir à mettre derrière moi les douleurs de mon passé comme tu le fais.
— Je suis certaine que tu y parviendras. Tu es plus forte que tu ne le crois, j’en suis sûre. Si tu veux, je peux essayer de t’aider.
— Comment ?
— D’abord en essayant de comprendre pourquoi tu crains tant les ombres. Mettre en mots ce qui nous afflige est la première étape pour surpasser la douleur. L’incompréhension mène souvent à une peur maladive.
— J’aimerais pouvoir te dire que je ne comprends pas, mais je peux t’assurer que ma peur se base sur quelque chose de bien réel. Malheureusement, pardonne-moi, mais je ne me sens pas la force d’en parler pour le moment.
— Si tu souhaites en discuter avec moi un jour, je te promets que je serai là. En attendant, que dirais-tu de choisir un restaurant pour que nous puissions remplir nos estomacs. Je suis affamée.
Ravie de pouvoir changer de sujet, l’adolescente jette un regard rapide autour d’elle pour trouver leur source de victuailles. Elle réalise alors qu’elle ne sait rien des goûts de son amie.
— Tu as une préférence pour le type repas ?
— Je ne suis pas difficile, par contre je ne mange aucun produit animal. Désolée si je suis un boulet en la matière.
— Au contraire, c’est parfait pour moi. Je n’aime pas la viande moi non plus. Il y a un petit café végétalien pas très loin d’ici, ça ira pour toi ?
— Parfait !
Heureuse de partager ses préférences alimentaires avec Ava, Sarah l’entraîne d’un pas rapide vers le petit commerce. Dès leur entrée, une odeur rassurante de café vient envahir leurs narines et les deux amies choisissent une table dans un coin pour se retrouver dans une certaine intimité parmis tous les clients. Rapidement, un serveur les rejoint et fixe le duo avec un intérêt évident pour la grande blonde au regard perçant.
— Que puis-je apporter à ces deux ravissantes demoiselles ? lance-t-il d’une voix joyeuse.
Malgré sa cécité, Ava tourne son regard vers le jeune homme et se lance la première. Étrangement, sa voix reflète une certaine appréhension vis-à-vis de l’employé qui déborde pourtant de gentillesse et de professionalisme à leur égard.
— Je vais prendre un double espresso, sans sucre et sans lait. Avez-vous une salade protéinée sans poisson et sans viande ?
L’homme réfléchit un instant avant de reprendre avec la même politesse.
— Bien sûr. Nous avons une salade de quinoa et légumineuses servie avec une vinaigrette balsamique et citron. Cela convient-il à votre palais, ma chère ?
— Ça ira, répond Ava d’une voix froide.
— Et pour vous ? reprend le serveur en ancrant son regard noisette sur les yeux noircis de Sarah.
— Je prendrai la même chose, mais pour moi ce sera un americano avec quatre sucres et une double dose de crème.
— Je vous apporte votre commande dans quelques minutes mesdames.
Dès le départ du serveur, Sarah observe son amie avec attention. Tout au long de la présence du jeune homme, elle a senti la tension s’installer chez elle et cela la perturbe.
— Pourquoi as-tu été aussi froide avec lui ? Il a été très gentil avec nous.
Le visage d'Ava s'assombrit soudainement de manière inquiétante.
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