Jeanne F. LA MULE ET LE HERISSON LA CHINE 9

LA CHINE 9

On sonne à la porte ce qui me fait sursauter, je regarde l'heure et c'est d'un pas trainant que je vais ouvrir.


Ralph se tient devant moi, le visage grave et impassible.


- Déjà !


Il me détaille de la tête au pied, un brin surpris.


- Vous êtes plutôt mignonne en fille.


- Ha ! Parce qu’avant j’étais quoi, si je n’étais pas une fille ?


- Une ado boutonneuse, ou bien une domestique acariâtre, mais jamais une femme. Et en plus, vous sentez bon !


- Je sens toujours bon !


- Non, l’eau de javel cela pu, et vous sentiez cette odeur en permanence, ou bien l’oignon grillé, cela dépendait de l’heure.


C'est un psychopathe ma parole.


- Vous m’avez reniflé ? C’est illégal, c’est du harcèlement !


Il lève les yeux au ciel.


- Bon, vous bougez ou nous continuons cette passionnante conversation dans ce couloir habité par des milliers d’oreilles indiscrètes ?


Je lui tire la langue et prends mon sac de travail, avec papier et crayons.


- C’est bon, on y va !


Je lui passe devant et l’attends devant l’ascenseur.


- Nous allons où exactement ?


- Dans un restaurant.


Je souffle de désespoir.


- Je sais, mais quel restaurant ?


Il se tourne vers moi étonné.


- Pourquoi voulez-vous le savoir ?


- Pour faire la conversation, pour me préparer à ce que je vais trouver dans mon assiette.


- La seule chose que je suis habilité à vous dire c’est que c’est chinois.


Je secoue la tête et décide d’arrêter d’essayer de communiquer avec lui. De toute façon, l’ascenseur arrive et nous pénétrons à l’intérieur sans plus prononcer une seule parole.


Le restaurant se trouve au 25e étage d'un immeuble qui surplombe le détroit Victoria Harbour, la vue y est magnifique entre bras d'eau et paysage urbain. Je ne sais absolument pas pourquoi je suis ici, puis un Ralph toujours aussi joyeux (je fais de l'humour) me pousse sans ménagement.


Une jeune fille en tenue rouge et noire nous accueille. Ralph lui donne le nom de petite nouille et aussitôt, elle nous invite à lui emboiter le pas. Tout ici, déborde de luxe et de bons goût, les murs sont dans les tons noirs et dorés, des petites cages dorées font office de plafonniers. Au sol de la moquette épaisse, étouffe les pas des serveurs. Je me sens soudain gauche et inutile parmi toute cette faune huppée. J'aurais dû prendre un tailleur, plutôt que cette petite robe chic, mais pas très professionnelle. Mes talons s'enfoncent dans le moelleux du sol et je me retrouve très instable sur mes échasses. Nous arrivons devant une table ronde, ou petite nouille, se trouve déjà, accompagné de trois hommes chinois ainsi qu'une jeune femme. Ils sont en grande conversation, et quand je me rends compte qu'ils parlent chinois, je me décompose un peu plus. Qu'est-ce qu'il lui a pris de m'inviter ici.


Je commence à amorcer un demi-tour droit, mais Ralph me saisit le bras et me propulse contre la table. Les verres sur la table tintent et moi je tourne couleur fraise.


Je marmonne une excuse et devant le regard courroucé de monsieur le chef, je baisse les yeux gênés d'être l'attention du moment. Ce Ralph ne perd rien pour attendre, je vais le pousser du plus haut gratte-ciel qu'il y ait dans cette ville. Sa face de grincheux exploser au sol me fait sourire.


- Ha ! Agathe, nous vous attendions.


Je passe au sourire de politesse, pendant que petite nouille se lève et me désigne la seule chaise de libre autour de cette table. Je suis à côté de la jeune femme et un des inconnus.


- Bonjour,


Ce mot fut comme un signal. Tous les hommes présents à cette table se sont levés pour se présenter. Il hoche la tête, j'en fais de même et leur tends ma main pour sceller notre rencontre.


- Enchantée.


La jeune femme à côté de moi traduit. Toutes ces politesses me mettent mal à l'aise, et je me demande encore ce que je fais ici. J'essaie de paraitre naturelle, mais je ne crois pas y parvenir.


Quand tout le monde a repris sa place initiale, je jette un œil en douce à monsieur petite nouille. Il a repris sa conversation animée avec la personne en face de lui et ne m'accorde pas un regard. Je suppose qu'il doit être une nouvelle fois en colère après moi. Mais, à ma décharge, je ne suis absolument pas faite pour ce genre d'endroit, trop calme, trop droit, trop tout.


- Je suis Yuki, la traductrice, enchantée.


Je lui souris, enfin une amie.


- Moi c'est Agathe, je suis enchantée.


- Monsieur Taner m'a prévenu que vous ne parliez pas bien le cantonais.


Je souris en moi-même.


- Je dirais, même pas du tout. Je ne parle que français et un peu d'Anglais et d'Espagnol.


Elle hoche la tête une nouvelle fois et me souris.


- Je suis là, pour vous faciliter le dialogue.


Je me mets à murmurer.


- Merci.


Puis, je me tourne vers les autres convives. Mon Boss discute toujours avec animation et je ne comprends absolument rien. J'observe un peu plus mes voisins, il y a un homme d'un certain âge puis deux plus jeunes, chinois tous les trois. D'ailleurs, mon voisin de droite me fixe avec curiosité, je lui souris gentiment. Il doit avoir dix-huit ou dix-neuf ans, c'est un tout jeune garçon et le voir au milieu de cette tablée si sérieuse me parait bizarre. Il serait sûrement mieux au milieu de jeune de son âge à discuter musique ou film, plutôt qu'ici, à discuter de chose sérieuse. Enfin, je suppose qu'ils discutent de chose sérieuse, parce que depuis que je suis arrivée, je nage à plein désert linguistique.


- Je suis Chan, moi heureux connaitre vous.


Je me retourne surprise de voir que mon voisin essaie de communiquer avec moi.


- Moi aussi, enchantée, Agathe.


- Oui, moi savoir vous Agathe. Moi, pas bien parler français. Demandé à Yuki pour parler vous.


Apparemment, ce repas va être une véritable torture. Et me voilà à communiquer avec mon jeune voisin par l'intermédiaire de ma traductrice. Tout prend un temps infini et je n'ose faire de longues phrases.

Mon petit Chan est d'une curiosité maladive. Il a voulu savoir quel âge j'avais, si j'étais mariée, quelle fonction j'occupai auprès de Monsieur Taner, si mon travail me satisfaisait et j'en passe et des meilleures. Tant et si bien que j'en ai oublié le reste de la table.


Chan, fini par connaitre à peu près tout sur moi et ma petite vie si inintéressant puis, il m'explique être ici pour affaire avec son père et son frère aîné, ils le forment aux négociations. Je lui ai assuré qu'il était très élégant dans son nouveau costume, après qu'il est émis des doutes sur sa nouvelle apparence. Chose que je n'aurais d'ailleurs pas dû lui dire, car arrivé au dessert, devant ma glace aux citrons, j'ai senti une main sur mes cuisses, qui bizarrement ne m'appartenait pas. Je me suis figée, la cuiller à mi-chemin entre ma bouche et la table.

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3 commentaires

FeizaBabouche

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Il y a 6 ans

Taner ou Chan lol le repas était ennuyant mais le dessert comme toujours est bon ^^

WadeWilla

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Il y a 6 ans

Ahah il a mal interprété la situation, Chan. A moins que ce soit petite nouille qui a le bras long ? ^^
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