Fyctia
Elisabeth
Paris, 17 juillet 2015.
Elisabeth tournait nerveusement d’un bout à l’autre de son bureau de la rue Madame de Sévigné, dans le 3ème arrondissement, devant la fenêtre où le soleil l’aveuglait presque.
« Bon Dieu, mais il va me les envoyer, ses conclusions de désistement …. Et en plus, même pas fichu de tenir sa parole, il devait m’appeler à 12 heures et rien » bougonnait-elle sous le regard amusé de son associée et amie Amélie, pour qui cette agitation était habituelle. « J’ai une audience à 14 heures, moi. »
« Tu comptes tourner en rond encore longtemps ? »
« Pff, que veux-tu, je n’y peux rien, je suis hyperactive … »
Elle terminait à peine sa phrase que la sonnerie du téléphone retentissait.
« Ah, cher Confrère, j’attendais votre appel. » lança Elisabeth, impatiente. « Alors, ce désistement, vous le matérialisez, oui ou non ? »
Elle ne s’attendait pas à la voix qu’elle entendit à l’autre bout du fil, une voix rauque, masculine, qu’elle ne connaissait pas.
« Maître Carrel ? »
« Oui, » fit-elle, perturbée. « Pardonnez-moi, j’ai parlé trop vite, j’attendais un appel. »
« Je suis Louis Ilias, détective privé, » l’interrompit sèchement la voix. « Je suis chargé d’enquêter sur la mort de Jean Charest. »
Elisabeth, stupéfaite, ouvrit la bouche, puis la referma.
« Mais il est mort dans un accident ! » lâcha- t- elle finalement. « Et c’était il y a quinze ans ! Pourquoi vous en occuper maintenant ? »
La réponse fut précise et brutale.
« Vous vous souvenez d’Hélène Bruzières ? Elle vient d’avouer le meurtre… avant de se suicider. »
Elisabeth lâcha le combiné du téléphone et blêmit, sous le regard inquiet d’Amélie. « Tu vas bien ? » mima-t-elle à son associée.
Après un instant, Elisabeth fit signe que oui et reprit la communication.
« Elle est morte ? »
« Non. » répondit la voix rauque. « Elle est dans le coma. C’est sa mère qui m’a demandé d’enquêter. Maître Carrel, pourrions-nous nous rencontrer ? »
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17 Juillet 2000, 23 heures.
Elisabeth, enveloppée dans une couverture, remerciait d’une toute petite voix le pompier qui lui tendait une tasse brûlante.
Autour d’elle, c’était un ballet incessant de camions de pompiers qui tentaient de circonscrire l’incendie de la demeure des Carrel.
C’était une belle bâtisse, située un peu en dehors de la ville, que les parents d’Elisabeth avaient acquis une quinzaine d’années auparavant. Leurs enfants y avaient grandi et tous l’adoraient, tant elle était élégante avec son toit de chaume.
« Vous avez fait preuve d’un courage remarquable, Mademoiselle. » tenta-t-il de la rassurer. « Si vous n’aviez pas organisé l’évacuation de vos invités… »
Elle leva vers lui ses yeux noirs remplis de larmes.
-« On dit qu’il y a eu une victime ? » murmura-t-elle.
Le visage du pompier se ferma.
-« Un blessé tout du moins, mais je n’en sais pas plus pour le moment. » fit- il pour couper court aux questions de la jeune fille. « Il faut vous reposer. »
Elle allait répondre quand elle aperçut au loin son père qui arrivait en courant. Le visage défait, il la serra contre lui avant même de parler, et elle perçut l’angoisse qui avait dû l’étreindre depuis qu’il avait appris la nouvelle.
-« Je vais bien, Papa, ne t’inquiète pas. »
Il lui caressa les cheveux.
-« Si tu savais comme j’ai eu peur… Viens, on rentre. J’ai loué des chambres d’hôtel en ville pour quelques nuits. Ta mère est morte d’inquiétude. Je… »
Mais Elisabeth ne l’écoutait plus. Elle venait de voir passer un chariot blanc, sur lequel reposait un corps. Un corps inanimé.
Bouchée bée, elle se tourna vers son père, qui arborait la même expression surprise et douloureuse qu’elle.
« Alors, c’est vrai ? Il y a un mort ? »
« Je ne sais pas, je vais me renseigner.»
L’instant d’après, il revenait accompagné d’un quadragénaire au visage buriné, qui lui tendit la main.
« Etienne Mariani, inspecteur de police. » se présenta-t-il. « Je ne devrais pas vous en parler, vous êtes en état de choc, mais il faut peut-être mieux que vous sachiez. Oui, il y a un mort. Un garçon qui s’appelait Jean Charest. »
L’univers d’Elisabeth s’écroulait. Quelqu’un était mort chez elle, et par sa faute.
« Mon Dieu, si je n’avais pas allumé ces bougies…. »
L’inspecteur eut pour elle un regard compatissant.
« Vous n’y êtes pour rien, Mademoiselle. C’est un tragique accident. Nous devrons vous interroger, mais pas ce soir. Vous savez où dormir ? »
Elle hocha la tête.
« Oui, je crois. »
« Et bien, rentrez et reposez-vous. »
3 commentaires
Augustecrivain
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Il y a 9 ans
maelig85
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Il y a 9 ans
LaurentMD
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Il y a 9 ans