Fyctia

Londres, janvier 2020, cinq ans auparavant

La nuit était tombée sur le manoir, plongeant les vastes couloirs dans l’obscurité. Lévi Parkes, déterminé à contrecarrer les plans de Leif Brack, s’était glissé hors de sa chambre, silencieux. La lueur de la lune filtrait à travers les fenêtres, éclairant faiblement son chemin alors qu’il explorait les recoins du manoir. Malgré la magie obscure qui s’infiltrait toujours en lui, provoquant constamment des picotements désagréables dans ses doigts, Lévi était guidé par son intuition et sa haine grandissante envers Brack.

Le blond se dirigeait vers le sous-sol. Il avait remarqué plusieurs des domestiques et fidèles y descendre et voulait savoir ce qui pouvait se cacher dans sa propre maison. La porte grinça légèrement lorsqu’il l’ouvrit avec précaution, révélant un escalier descendant dans le noir.

Une fois en bas, la lumière faible d’une lampe à huile révéla une scène malséante. Des prisonniers, visiblement maltraités, étaient enfermés dans des cellules étroites. Lévi pouvait à peine discerner leurs visages fatigués. Qui étaient-ils et pourquoi étaient-ils détenus ici ?

— Qui êtes-vous ? Demanda-t-il à voix basse.

Une voix faible s’éleva de l’une des cellules. C’était une femme, ses yeux emplis d’épuisement et de crainte.

— Nous sommes des opposants à Brack, des mages qui refusent de se plier à sa volonté. Nous avons tous des postes plutôt importants au Département des Mages. Ses partisans nous gardent prisonniers pour assurer notre silence.

Lévi sentit son cœur se serrer. Comment pouvait-on emprisonner des gens pour le simple fait qu’ils existaient, pour qui ils étaient, et parce qu’ils ne voulaient pas se soumettre. Les intentions de Brack devenaient de plus en plus sombres, et il se promit de trouver un moyen de libérer ces captifs.

— Je vous aiderai, dit-il. Tenez-bon.

La femme lui prit la main, le regard perdu et défaitiste, mais le sourire doux et sincère. C’est à contrecœur que Lévi remonta les marches vers les couloirs du manoir, il s’arrêta devant une des grandes fenêtres, quelque chose dehors retenant son attention.

Deux silhouettes tentaient de se faufiler à travers les rosiers. Lévi fonça les sourcils, qui serait assez bête pour tenter de s’introduire ici ? Il descendit hâtivement au rez-de-chaussée, et se dirigea vers une grande baie vitrée qui donnait sur le jardin. Dehors, le froid était mordant, le jeune homme se frotta les bras de ses mains pour se réchauffer et avança discrètement en longeant les hauts murs du manoir. Quand il entendit des voix étouffées, s’arrêta et se camoufla derrière un Daphnée odorant, un grand arbuste dont l’odeur des fleurs rose pâle qui fleurissaient, même en hiver, lui chatouilla le nez.

À travers les branches et l’obscurité de la nuit, Lévi réussi à voir les deux personnes qui tentaient d’avancer discrètement dans le jardin : Elena Benson et Noah Steele.

Encore elle. Décidément, cette fille avait le don de débarquer dans sa vie au moment où il s’y attendait le moins. Depuis qu’il l’avait vu dans les ruines deux jours auparavant, il ne faisait que penser à elle, et voilà qu’Elena Benson se trouvait maintenant dans son jardin. Il resta silencieux à regarder le duo qui avait stoppé sa marche, visiblement à cause d’un désaccord. Lévi les écouta parler bien trop fort, vu la situation dans laquelle ils se trouvaient.

— Elena, écoute-moi !

— Tu ne me feras pas changer d’avis, Noah.

— C’est de la folie !

La jeune femme brune se retourna, furieuse, vers son compagnon. Lévi pu apercevoir son visage, elle semblait complètement déboussolée.

— Il a blessé Tilly, s’exclama-t-elle. Et il a volé la pierre. Je dois la récupérer à tout prix.

— Mais, nous aurions pu en parler au Professeur Loran plutôt que de foncer tête baissée ici !

Elena plissa les yeux, elle était au bord des larmes et semblait avoir perdu toute raison.

— Je ne peux pas laisser Brack gagner, murmura-t-elle si bas que Lévi dû tendre l’oreille pour entendre. Tout le monde compte sur moi …

Noah voulu prendre le bras de la jeune femme, mais elle se retourna et rengagea sa route vers le manoir.

Lévi s’était mis à réfléchir très vite. Il avait deux solutions. Les aider ou les laisser mener leur tentative de s’introduire chez lui, au risque de tomber sur Brack. Il savait que ses parents dormaient à l’étage. Le mage noir n’avait pas l’air de vouloir se débarrasser d’Elena, il pensait qu’elle n’était pas un danger pour lui, malgré la prophétie. Mais s’il la trouvait ici, que pourrait-il bien lui faire ? Lévi repensa à la façon dont Leif Brack posait ses yeux sur lui.

— Et merde, grommela-t-il en suivant le duo.

Tout d’abord, il lança un sort pour couvrir le bruit qu’ils faisaient. Dans sa précipitation, Elena semblait avoir oublié toute prudence. Lévi se demanda s’il devait les arrêter pour leur parler, et essayer de les convaincre de partir. Cela relevait du miracle. Si Elena Benson n’écoutait déjà pas Steele, jamais, elle ne l’écouterait lui.

Perdu dans ses pensées, le blond ne remarqua pas que le duo avait fait demi-tour, se dirigeant droit vers lui. Ce n’est que quand il contourna un sycomore et que quelqu’un le percuta de plein fouet qu’il revint à la réalité.

Ils le reconnurent aussitôt, Elena recula d’un pas, en position de défense, et Noah passa le bras devant elle pour la protéger. Lévi encaissa le coup, blessé d’être considéré aussi facilement comme un ennemi. Alors, il releva la tête, hautain, prêt à jouer son rôle.

— Parkes ? souffla Elena.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? lança furieusement Noah.

— J’habite ici, petit malin.

La jeune femme fit un pas en avant, baissant le bras de son ami par la même occasion.

— Tu pourrais nous conduire à la pierre, tu sais peut-être où elle est ? proposa-t-elle.

— Comme s’il allait nous aider, ricana Noah.

Les yeux noisette d’Elena fixèrent les iris gris de Lévi, et le jeune homme s’y perdit un moment.

— Je ne peux pas vous aider, finit-il par dire.

— Évidemment. Ses parents sont des alliés de Brack.

Le blond regarda froidement Noah, il ressentait des picotements dans le bout de ses doigts. Le pouvoir que Brack lui avait insufflé ne cessait de se manifester.

(à suivre...)