Fyctia

Quand Elena retrouva l’appartement de Lévi, ce dernier était absent. C’est donc seule qu’elle commença la préparation de l’onguent de soin.

Dans une casserole, Elena avait fait fondre de la cire de coco et d’abeille. Et dans ce mélange d’huiles, elle avait ajouté des plantes séchées : la camomille pour apaiser la peau, la lavande pour ses propriétés relaxantes, le calendula pour favoriser la guérison et la menthe poivrée pour un effet rafraîchissant. Puis, elle avait laissé mijoter un moment. Il avait fallu filtrer les plantes à l’aide d’une passoire fine et ajouter quelques gouttes d’huile essentielle de laurier noble. Enfin, elle avait mis la mixture dans un pot en verre et l’avait laissé refroidir complètement pour avoir une texture crémeuse.

Elena était en train de parcourir des yeux les différents livres dans la bibliothèque du salon quand Lévi apparu soudainement au milieu de la pièce et la fit sursauter.

— Désolée, dit-il. Je n’ai pas l’habitude que quelqu’un soit là.

— Je me suis permise d’utiliser ta cuisine pour préparer un onguent de soin.

Elle s’approcha de lui, et regarda son œil et ses lèvres tuméfiées.

— Je peux t’aider à l’appliquer, dit-elle.

— Ça va aller.

Lévi évita le regard de la jeune femme alors que celle-ci s’emparait du pot en verre pour lui tendre. Il opina, se saisit du baume et s’éloigna vers le canapé pour s’y asseoir. Il releva une des jambes de son jean, et Elena aperçut un énorme hématome. Elle le rejoint.

— Tu devrais le poser en couche épaisse, et recouvrir avec ceci pour en faire un cataplasme.

Elle tendit vers lui un délicat morceau de lin, acquis à la boutique, et prit place à ses côtés sans proférer un seul mot. Dans une scène silencieuse, elle l’observa appliquer la pâte onctueuse avec délicatesse. Une fois l’opération achevée, le baume enveloppé dans le linge fin, Lévi ôta son t-shirt avec une assurance dénuée de toute réserve. Sous son apparence sereine et sa discrétion, se profilait un homme confiant, conscient de sa prestance physique. Elena, bien qu’elle sentît ses joues s’enflammer, maintint son regard, refusant de détourner les yeux. Ainsi, elle put voir de nombreux autres ecchymoses sur son flanc, ses épaules et ses omoplates.

— Laisse-moi t’aider, dit-elle en lui prenant l’onguent des mains.

Elle fut, elle-même, surprise de sa propre audace, mais elle éprouvait le besoin de s’occuper de lui, comme il l’avait un peu fait pour elle ses dernières heures. Elena prit de la pommade sur ses doigts et le déposa doucement sur les blessures dans le dos du jeune homme qui n’émit aucune résistance. Il était tourné vers la cuisine, et elle ne pouvait voir son visage. Mais quand il changea de position pour qu’elle puisse d’occuper du côté de son torse, elle sentit ses yeux qui la regardaient.

Sa main parcourait avec légèreté la peau pâle et congestionnée de Lévi, ce qui ne l’empêchait pas de sentir la forme de ses muscles et de ses os sous ses doigts. Il était svelte et entretenait parfaitement son physique.

Elena finit par lever la tête, et ses yeux vinrent se perdre un moment dans ceux du jeune homme blond tandis qu’elle s’était mise à mettre le baume sur son arcade sourcilière. Ses doigts descendirent lentement le long de la joue de Lévi pour venir caresser ses lèvres enflées. Le cœur de la jeune femme battait à tout rompre, comme s’il aurait pu faire exploser sa poitrine, mais Elena ne l’entendait pas. Elle avait l’impression de flotter, rien ne pouvait l’atteindre, plus de douleur, de plus de doutes. Lévi prit délicatement la main de la jeune femme, laissant leurs doigts s’entrelacer dans un geste qui semblait résonner comme une caresse.

Une sirène de voiture de police hurla dans la rue, détruisant le silence dans l’appartement et brisant le moment. Le charme était rompu.

Elena se leva du canapé, essayant de marmonner une excuse à demi-mot, les battements de son cœur retentissant dans ses oreilles à présent, alors que Lévi remit rapidement son t-shirt.

Les pensées d’Elena se tournèrent vers Noah, la honte étreignant sa gorge. Elle se reprocha instantanément d’avoir laissé quoique ce soit s’insinuer entre Lévi et elle. C’était simplement une brève faiblesse, un besoin d’affection peut-être, une tentative de combler le vide laissé, la tristesse et la perte de son seul amour. Malgré sa gratitude envers Lévi, il lui paraissait inconcevable d’éprouver quelque chose de plus pour lui. Cependant, elle avait le sentiment que ce moment n’avait pas été vécu seule.

Alors, qu’elle se dirigeait hâtivement vers les escaliers qui montaient à la chambre, Lévi l’interpella.

— Elena, il faut qu’on parle.

Elle pivota vers lui, troublée. Voulait-il discuter de ce qui venait de se produire ? Avait-elle interprété correctement les signaux ? Elle réprimanda son cœur pour avoir fait un bond à cette idée, tandis que ses joues rougissaient une nouvelle fois. Lévi s’approcha d’elle, se tenant maintenant tout près.

— À propos de mon père, j’ai peut-être une nouvelle piste.

La jeune femme accusa le coup, se sentant de plus en plus déconcertée à chaque instant. Elle se trouvait ridicule, absorbée par des préoccupations futiles alors que des vies étaient en jeu. Refoulant sa salive pour empêcher les larmes de dévaler ses joues, elle leva les yeux vers Lévi, son visage reflétant soudain une grande fatigue.

_ Je ne sais pas si je suis encore capable de t’aider pour ton père, avoua-t-elle.

_ Comment ça ? s’enquit Lévi.

_ Je me sens si fatiguée…

La jeune femme fixait le sol, comme si elle partageait ses pensées avec elle-même.

_ Je ne t’imposerais rien, dit doucement Lévi en posant une main réconfortante sur l’avant-bas d’Elena. Mais plus les jours passent, plus mon père se rapproche de son but. Tu l’as entendu comme moi, il a obtenu des vampires quelque chose qu’il convoitait, cette carte des lignées.

Les émotions contradictoires d’Elena la poussèrent à hausser le ton involontairement, faisant un geste pour ôter la main que Lévi avait posée sur elle.

_ Je sais que c’est moi qui ai proposé de t’aider, s’exclama-t-elle. Mais après ce qu’il s’est passé…

_ Justement, intervint Lévi, toujours calme. Nous devons continuer pour que ce ne soit pas vain.

_ Tu ne sais rien ! Noah ne représentait rien pour toi ! Tu ne peux pas comprendre !

Un silence pesant s’installa entre eux.

_ C’est vrai que je ne sais pas ce que c’est de perdre un proche.

Lévi laissa sa phrase en suspens, et des images douloureuses défilèrent devant les yeux d’Elena : un jeune homme aux longs cheveux s’écroulant sur le sol, la baguette sur la gorge, un soir de réveillon de Noël.

Elena se sentit encore plus honteuse, si cela était possible. Elle s’en voulut d’avoir cédé à la colère, elle avait simplement besoin de plus de temps.

_ Lévi, je suis désolée, je…

_ Laisse tomber, Benson. Tu devrais aller te repose un peu. Nous parlerons de ça plus tard.