Nuagedelait La librairie de Noël Un visage familier

Un visage familier

Jack attendait son rendez-vous dans le froid au pied de l’Eglise Saint-Charles, au cœur d’un quartier populaire de Rockbelt. Le temps était sec, le soleil déclinant n’arrivait pas à le réchauffer et chacune de ses respirations était suivie d’un nuage de buée. Lorsque sa silhouette apparut à l’angle de la rue, il la reconnu aussitôt et son cœur se mit à battre plus fort. Il en avait presque le tournis. Elle marchait d’un pas rapide de l’autre côté de la rue. Elle regarda dans sa direction et, lorsqu’elle le reconnu, lui fit un signe de la main. La respiration de Jack se coupa un instant. La jeune femme était en train de glisser sur le trottoir. Elle tentait désespérément de retrouver l’équilibre, battant l’air avec ses bras. Jack observait la scène et… ce qui devait arriver, arriva. Son pied gauche atterri dans le caniveau au beau milieu d’une dans une énorme flaque d’eau. Eclaboussée de bas en haut, elle poussa un cri suraigu qui attira l’attention des quelques piétons présents. Jack éclata de rire.

- Désolé, je n’ai pas voulu me moquer de toi. Tu vas bien ? demanda-t-il en prenant un air sincère.

- Fraîchement. Ne t’en fais pas, j’aurais eu la même réaction que toi, répondit Emily en prenant sur elle alors que son pied était en train de geler sur place. On va au chaud ?

- Tu m’emmènes où ?

- Tu es plutôt chocolat chaud ou mojito frais ?

- A cette heure, mojito.

- Parfait, moi aussi.

- Joli bonnet.

- Merci, c’est moi qui l’ai fait.

- Tu aurais du faire tes gants aussi.

- Je te rassure, c’est moi aussi qui les ai faits.

Emily venait de vivre un des moments les plus humiliants de sa vie. Mettre le pied dans une énorme flaque d’eau au premier rendez-vous. La honte ! Il avait assisté à toute la scène. Et en plus il avait critiqué ses gants qu’elle avait passé tant d’heures à tricoter. Bon, il m’a complimentée sur son bonnet, ça équilibre les choses, non ? se dit-elle pour positiver. Ils n’avaient pas échangé plus de trois banalités qu’elle avait déjà mille choses à raconter à Shauna. Les picotements au bout des doigts en le voyant de nouveau, sa lamentable glissade et la critique de ses qualités de designer de mode ; encore un métier pour lequel elle n’était pas faite ?

Le bar où ils s’attablèrent était spécialisé dans les cocktails à base de rhum et la décoration rappelait les caraïbes, ou au moins un endroit paradisiaque : chaises de plage et tables tonneaux pour le mobilier, bouées de sauvetage et photos de plages accrochées aux murs (soleil au zénith, soleil couchant), faux palmiers, bar en bambou et même un perroquet empaillé sur l’épaule du barman.

- T’as vu le perroquet sur l’épaule du mec qui fait les cocktails ? demanda Emily à voix basse en s’approchant de Jack.

- C’est… tu aimes bien ? ou pas ?

Après l’épisode de la flaque d’eau et celui des gants, il ne voulait pas froisser davantage son amie et il était conscient de son incapacité à lire ses réactions. Son esprit terre à terre était centré sur les faits, les raisonnements logiques, pas sur l’émotionnel. Il avait toujours eu beaucoup de mal à se mettre à la place des autres.

- Tu plaisantes, c’est super flippant. T’imagines s’il se réveille ?

- Oui, c’est clair. Je déteste les animaux empaillés, dit-il en visualisant mentalement le renard empaillé qui trônait dans son bureau.

- Santé ! dit Emily en entrechoquant son verre de mojito contre celui de Jack. Et alors, est-ce que le mystérieux inconnu qui m’a sauvé d’une mort certaine a un prénom ?

- Tu parles du type qui se disait pompier et t’a demandé comment ça allait ?

- Mais non, idiot, dit-elle en riant. Toi…

- Eh bien, mon père, mes amis et même mes collègues de travail m’appellent Jack. Donc je dirais Jack. Et toi ?

- Emily. Tu réponds toujours aux questions avec des phrases aussi longues ?

- C’est-à-dire… Jack se sentit soudain mal à l’aise.

- Je plaisante ! C’est étrange, ton visage, j’ai l’impression de t’avoir déjà rencontré.

- C’est possible, je travaille au magasin de jouets sur la rue principale. Maintenant que tu me le dis, je t’ai peut-être déjà vue aussi. Tu y vas régulièrement ?

- Non, mais je travaille juste à côté, dans la librairie.

Le cerveau de Jack ne mit pas longtemps à faire le lien entre cette librairie, l’immeuble à côté du siège de la Gartner Winter Company et son projet de rayon de décorations de Noël.

- Ça va ? Tu fais une drôle de tête. En fait, je suis proprio, à mon compte. Enfin, plus pour longtemps.

- Comment ça ? demanda Jack, gêné.

- Le propriétaire de l’immeuble m’expulse à la fin du mois. Après plus de vingt ans de location. Emily sentait l’émotion monter et du faire des efforts surhumains pour ne pas lâcher une larme à cet instant. Il me propose de l’argent pour partir, grand seigneur. Tu vois le genre. Mais pourquoi je te parle de ça alors qu’on ne se connaît même pas ? Tu vas me prendre pour une folle.

- Non, ça m’intéresse au contraire. Et qu’est-ce que tu vas faire ?

- Je vais me battre ! Ils n’auront pas mon local. J’ai un copain avocat qui va m’aider et qui est déjà sur le dossier, dit-elle comme pour se rassurer en pensant à Billy, simple stagiaire, gentil garçon mais certainement pas le plus intelligent qu’elle ait rencontré. Ma mère pense que c’est une belle opportunité de recommencer un autre projet, mais cette librairie c’était celle de mon père qui est mort et c’est le dernier lien que j’ai avec lui sur cette terre.

Une larme coula sur sa joue. Elle l’essuya avec sa manche avant de reprendre :

- Je suis désolée, j’ai eu vraiment une durée journée hier. Je crois que j’avais besoin que ça sorte, je n’arrive pas à réaliser ce qu’il m’arrive. Tu as l’air si calme et à l’écoute. Un silence s’était installé. Ca y est, reprit-elle, tu me prends pour une psychopathe et tu vas t’enfuir en courant ?

- Non, non, ne t’inquiète pas. Je te comprends. Tu as très bien fait de m’en parler.

A cet instant, Emily était très loin de s’imaginer combien cette affirmation était vraie.

- J’ai connu quelqu’un de la famille de ton employeur.

- Ah oui ?

- Oui, le magasin de jouet, il est détenu par la famille Gartner. J’habitais à quelques rues de leur fils quand j’étais au collège. Il s’appelait… elle réfléchit un instant

- Jack.

- Jack Gartner ? Elle écarquilla les yeux.

- Emily Green ? Il s’était souvenu d’elle.

- C’est bien toi ?

- Je te retourne la question.

- Ça, alors ! Je ne t’aurais jamais reconnu.

- Moi non plus, répondit-il en secouant la tête.

- Le Jack qui m’a humiliée devant tous mes amis, les professeurs, la terre entière alors que je n’étais qu’une pauvre enfant qui venait juste d’avoir un accident de vélo ? La jeune femme, le fronçait les sourcils et parlait d’une voix colérique.

- Quoi ? demanda-t-il, choqué, sans entrevoir le début d’une explication à ce changement brutal dans sa voix et l’expression de son visage.

- Tu m’as humiliée ! Emily se leva et lança le contenu de son verre de mojito au visage de son ex-prince charmant avant de quitter précipitamment le bar. Et l’addition, c’est pour toi !

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5 commentaires

Fyctia

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Il y a 6 ans

# Veille à l’oralité de tes dialogues. Tu as, dans ce texte, des tournures trop empruntées (« Mon bon Steven » par exemple, personne ne dirait réellement ça à l’oral, même un PDG). # Prends également le temps d’approfondir tes personnages pour que nous cernions mieux leurs réactions. Celle de ton héroïne en découvrant qui est le jeune homme qui lui fait face en rendez-vous (en l’occurrence celui dont elle était amoureuse enfant) est trop extrême pour que nous l’acceptions sans sourciller. # Et enfin, pousse l’attention jusque dans les détails. Si l’histoire se déroule dans un pays anglo-saxon (Rockbelt le laisse supposer), il est peu probable que le café s’appelle Marie-Antoinette (nom très français). Si c’est le cas, alors il faut accentuer la différence (un café français au milieu des USA, c’est suffisamment atypique pour que le narrateur le souligne). Bonne continuation. Marine pour l’équipe Fyctia.

Fyctia

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Il y a 6 ans

Bonjour nuagedelait, Je viens de finir la lecture des chapitres de « la librairie de Noël » postés jusqu’à maintenant. Voici quelques pistes qui, je l’espère pourront t’aider pour la suite (ou pour de futurs textes car j’ai l’impression que tu as laissé celui-ci en pause). # Tu respectes les enjeux d’une romance de Noël : deux héros que la vie oppose, dans un contexte de fêtes, et qui vont être obligés de se découvrir malgré leurs a priori. # On apprécie le choix de la librairie (qui nous fait penser à la série You si tu connais, même si l’intrigue n’est pas du tout similaire, heureusement). C’est un bon cadre pour une romance de Noël, c’est rassurant, on y a des souvenirs et on a envie de protéger ce lieu envers et contre tous. # Je ne suis cependant pas sûre qu’une narration au passé soit le choix le plus judicieux. En effet, cela crée une distance avec le lecteur qui n’est pas adaptée ici. De plus, tu expliques les situations plus que ne les fais lire à tes lecteurs (par exemple, on ne veut pas « savoir » que ton héros est ambitieux mais le « découvrir »). J’espère que tu comprends la nuance. Ce phénomène renforce la distance avec le texte (comme une voix off qui décrirait ce qu’il se passe dans un film, cela nous empêche de croire que nous vivons les scènes du film et nous rappelle que nous sommes spectateurs).

Fyctia

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Il y a 6 ans

Dans la librairie de Noël, ton roman est forcément présent ! Continue comme ça et bonne Saint-Valentin !

Nuagedelait

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Il y a 6 ans

Elle ne s est jamais vraiment remis de cet épisode ;) mais tu as raison je me suis posé la question de la transition et je crois que je vais parler de l homme de l hôpital pour préparer la suite. Ce ne sera pas dans le bon ordre mais tant pis . Toujours des commentaires très utiles de ta part ! Merci !!

Valerie27( valeriejchesnay)

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Il y a 6 ans

Hum elle est un peu excessive pour quelque chose qui est arrivé, il y a longtemps... n'hésite pas à expliquer les changements de scènes même si on est limité avec les 7ooo caractères, ne fut-ce qu'avec une petite phrase!
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