Fyctia
Chapitre 3-2
Il m’arrive quelques fois, à penser à la tournée royale, où la famille royale voyage à travers le royaume pour distribuer des richesses et donner bénédiction aux nouveaux-nés. Toutes ses familles, qui ne vivent pas dans l’opulence, qui vivent même parfois dans la misère en voyant leur faible corps amaigri, mais qui donneraient leur vie pour leurs enfants. À chaque tournée royale, je vois de l’amour dans chaque foyer, et alors que la mienne sourit et salue bêtement tout le monde, personne ne se doute qu’il s’agit de tout le contraire pour nous. Je suis certaine que le peuple pense même qu’il doit être génial de vivre dans un château, d’être une princesse, mais il y a des fois où je donnerai n’importe quoi pour ne plus être cette princesse avec des obligations royales qui me farcissent la poire. Pourtant, il s’agit de ma destinée, et autrefois où Mère était toujours là, je n’avais pas cette mauvaise idée du devoir de princesse. C’est comme si tout s’était brisé depuis qu’elle est partie. Les couloirs du château se sont assombris, les bruits et les sons ne sont plus que des silences et mon père n’est plus qu’une coquille vide.
Je me demande si un jour, les choses changeront. Les années s’écoulent, le temps passe, mais rien ne change, si ce n’est que la situation s’empire. Ma mère me manque énormément, mais ce n’est pas pour autant que j’oublie toutes mes responsabilités. Je comprends la douleur de mon père, mais il devrait comprendre qu’il n’est pas le seul à en souffrir et qu’il a deux enfants qui ont grandi sans l’amour véritable d’un père présent. Attristée et en colère, je me lève de mon lit et quitte ma chambre. J’ai besoin de parler et je sais où je peux me rendre pour extérioriser mes émotions. Je déambule dans les couloirs et me rends dans les appartements de ma grand-mère. Arrivée devant la porte de sa chambre, je toque trois fois de manière espacée, comme à mon accoutumée pour qu’elle sache qu’il s’agit de moi.
— Entrez donc mon enfant !
Je pénètre dans sa chambre et referme doucement la grande porte derrière moi. Elle me fait signe de venir la rejoindre sur son lit. Elle est déjà en robe de chambre, brodée par ses soins. Elle dîne, tranquillement et je me demande d’ailleurs si je ne devrais pas faire la même chose quand je vois la joie que c’est de manger en famille dans la grande salle à manger. Elle me sourit et m’invite de son regard à dire ce qui ne va pas.
— Ma petite Noona, Père a encore été si désobligeant. Dites-moi, Noona, étiez-vous au courant ?
Elle acquiesce silencieusement. Je baisse les yeux, déçue qu’elle ne m’en ait pas parlé. Comme si elle avait compris, elle prend ma main.
— Ma chérie, je ne souhaite pas m’immiscer dans les rapports que vous entretenez avec votre père. Et, je ne vais pas vous mentir, j’espérais du fond du cœur, qu’il vienne vous en parler directement, mais il faut croire que j’avais tort.
— Qu’en pensez-vous, Noona ? De cette histoire de mariage arrangé ?
— Votre père et votre mère se sont mariés par amour, et je pense qu’il a peur de ce sentiment qui l’a dévasté. Il a tellement peur de l’amour, des effets que cela peut créer, qu’il essaie, peut-être à tort, et sûrement de la mauvaise façon, à vous en protéger.
— Mais Noona ! C’est bien l’amour, qui m’aide à vivre chaque jour, à survivre à la mort de Mère et à ce que j’ai vu ce jour-là. Peut-être m’en veut-il parce que je ne l’ai pas sauvée et que je suis simplement restée sans rien faire.
— On en a déjà parlé, ma chérie, et je peux vous l’assurer, il ne vous en veut pas et vous n’êtes aucunement fautive en ce qui est arrivée à ma fille. Iris a fait ce qu’elle devait faire, en tant que reine, mais aussi en tant que mère. Alors ne vous en voulez pas ou vous remettriez en cause ses derniers choix.
— Elle me manque Noona, et davantage lorsque je vois le comportement de Père. Je ne souhaite pas me marier avec Valentino et je suis certaine qu’elle n’aurait pas été du même avis que Père. Elle m’aurait laissée choisir la personne avec qui je vivrai jusqu’à la fin de mes jours. Je n’aime peut-être encore personne, mais je suis encore si jeune et même si la loi du royaume dispose que chaque princesse née doit se marier dans l’année de ses vingt ans, je n’en ai que dix-neuf et mon anniversaire, bien qu’il approche, me donnera encore un an pour me marier. Il peut se passer tellement de choses en plusieurs mois.
— Comme vous le savez, Syna, je n’aime m’interposer dans vos histoires, mais si cela peut vous rassurer, j’irai parler à votre Père demain concernant ces fiançailles un peu hâtives. Pour le reste, c’est à vous d’essayer d’apaiser les choses entre votre père et vous.
— Il estime être mon roi, alors qu’il est avant tout mon père. Il a perdu la tête et je ne suis même pas sûre qu’il soit en état de gouverner le royaume comme il se doit. Il est temps que Zyam reprenne le flambeau. Ça va faire plus de deux semaines qu’il fait vraiment n’importe quoi. Il a prévu d’envoyer des troupes vers les zones de Volcanica pour aller miner du charbon afin que l’on puisse se réchauffer davantage cette hiver. Du point de vue du contexte historique, je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée.
— Je n’étais pas au courant de cela. Vous faites bien de m’en parler, j’essaierai de le raisonner sur cette question également. Toutefois, comme vous le savez, ma vieille carcasse ne pourra sûrement pas faire de miracle. Allez donc en parler à votre frère, je suis assez certaine de son pouvoir de persuasion. Votre père a généralement des oreilles attentives à ce que dit Zyam.
— J’essayerai de lui en toucher deux mots. En attendant, que pensez-vous que je puisse faire pour éviter à tout prix ce mariage ?
— À tout prix ? En êtes-vous certaine ?
— Oui, Noona, n’importe qui sauf Valentino ! Si possible, un homme courageux, romantique, de vrai et qui ferai n’importe quoi pour sa famille, mais je suis assez souple de manière générale.
Elle me sourit fièrement et se lève de son lit en prêtant une attention particulière à son plateau repas qu’elle dépose délicatement sur le guéridon à côté de son lit. Elle se dirige vers sa coiffeuse et ouvre un tiroir qui était fermé à clef. Elle revient vers moi avec un espèce de bol en terre cuite recouvert d’un couvercle de la même matière. De jolies gravures et peintures décorent le petit pot. Elle s’installe à nouveau sur le lit et croise les jambes devant moi. Elle retire le couvercle et le pose à côté du bol, qui contient tout simplement de l’eau. Elle lève les mains au-dessus du bol et ferme les yeux en dictant des phrases que je ne comprends pas. Il s’agit sûrement d’un aqualin ancien. Une lumière bleue, très vive se dégage alors du bol.
— Ne cherchez pas trop loin. Il est proche de vous désormais. Ne le fuyez pas et acceptez-le. Les royaumes vous en remercieront.
— Qu’est-ce que ça veut dire, Noona ?
— Je n’en sais rien. À vous de comprendre.
Après une longue discussion, je quitte sa chambre et rejoins la mienne.
2 commentaires
Marion_B
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Il y a un an
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a un an