lexie9_11 La Fille du livre ~ Chapitre 1.13 ~

~ Chapitre 1.13 ~

— Moi je me retiens, mais ma mère va pleurer en lisant ça, a fini par me dire Julien avec des yeux brumeux que je n'avais jamais vus. Tu écris vraiment petit...


— J'ai réalisé que je ne connaissais pas ton écriture, j'ai répondu. Ah non, en fait je l'ai vue une fois, s'est-elle rectifiée.


— Où ça ? m'a demandé Julien, intrigué.


— Sur ta boîte aux lettres.


— Sauf que ce n'est pas la mienne.


Malaise. Celle de son ex. Évidemment. Je n'ai même pas eu besoin qu'il me le dise pour le deviner. C'était une écriture bien trop féminine.


— Montre-moi comment tu écris.


— Tu veux que je t'écrive quoi ? a demandé Julien en sortant une chemise de son sac. Pas une chemise genre chemise à carreaux. Non, une chemise genre pochette en carton. Il y avait plein de feuilles agrafées dedans. C'était le plan des travaux de l'appartement qu'il avait acheté deux jours plus tôt.


— Ton prénom, j'ai suggéré.


Julien s'est appliqué à boucler les lettres. Il a une jolie écriture. Pas très régulière. Il appuie fort sur le papier avec la mine. Mais elle est fine, son écriture. Il ne fait pas des traits tout droits ou des bâtons rigides. Non, ses lettres sont petites, rondes et harmonieuses. Toutes attachées les unes aux autres. Julien a poursuivi la démonstration en écrivant « Je ne m'appelle pas Ellie ». Il fait ses « E » majuscules comme des 3 à l'envers.


— Il est où, ton nouvel appartement ?


— Toujours dans le 18e, place du Tertre.


— Place du Tertre, j'ai répété en essayant de visualiser où ça se situait par rapport aux endroits que je connaissais. C'est en allant du côté de chez Isac, non ?


— Un peu plus haut, mais pas très loin, oui.


— Tu sais que je l'ai vu sur Tinder ?


— Ah oui ? Et tu l'as matché ?


— Ça va pas non ! J'ai vu Matt aussi.


— Et moi tu ne m'as pas vu ? s'est étonné Julien, surpris que je sois tombée sur ses deux meilleurs amis et pas sur lui.


— Toi, je t'ai bloqué.


— On peut faire ça ?


— Oui, il y a une fonctionnalité qui permet de bloquer les numéros des gens quand tu ne veux pas voir leur profil.


— Fais-moi voir.


J'ai attrapé son portable pour lui montrer la fonctionnalité.


— Non mais je m'en fiche de ça, je veux voir ton profil !


— Bah non, je ne t'ai pas bloqué pour rien, j'ai répliqué en gardant mon téléphone contre ma poitrine.


— Mais montre-moi !


— Mais non !


— Je veux juste voir les photos.


Mais quel négociateur celui-là.


— C'est les mêmes que tu as déjà vues en story.


— Bon et alors ? Ça charbonne ?


— Non mais ça va pas toi ! C'est quoi cette question ? Je te demande moi, si tu charbonnes ? Ce serait super irrespectueux que je te raconte ce que je fais avec les autres.


— Parce qu'il y en a d'autres ?


— Il y en a eu.


— Il n'y en a plus ?


— J'ai du mal.


— À quoi ?


— À ne pas les comparer.


Blanc.


Silence.


Interminable.


— À toi, j'ai complété.


J'ai pressé la paille entre mes lèvres pour prendre une gorgée de mon Perrier.


— Je comprends.


— Tu veux bien me dire ce qu'on fait ? j'ai fini par lui demander.


— Comment ça ?


— Toi, moi, ici, dans un bar, à parler de mon livre, à se raconter nos vies. On fait ça en... amis ?


— En amis ?


Julien semblait surpris.


— Je ne sais pas, c'est toi qui m'as dit que tu voulais qu'on rentre chacun chez soi ensuite. Donc est-ce que c'est purement amical ?


— Je n'ai pas d'amies, a-t-il annoncé avant de poursuivre son explication. C'est assez triste, mais il n'y a que deux options avec les filles : soit on se voit un soir et ça ne dure pas, soit on se voit plus régulièrement, je tente une relation et on sait comment ça se finit à chaque fois.


Le problème, c'est que je ne suis jamais entrée dans aucune de ces deux catégories. Ni un coup d'un soir. Ni sa copine officielle. Toujours coincée dans cet entre-deux bancal. Où je ne suis rien. Jamais rien de suffisant pour qu'il me fasse une place dans sa vie.


— Alors pourquoi tu voulais qu'on rentre chez nous ensuite ?


— Parce que je marche sur des œufs avec toi. La dernière fois, tu m'as dit que je n'étais revenu que pour ce qu'on faisait, et je ne voulais pas que tu croies...


— Que je croie que c'était ton intention ?


Merde. La conversation tournait au règlement de comptes. C'était tout ce que je voulais éviter.


— Je pense que c'était exactement ton intention. Tu m'as dit que tu m'appréciais au-delà du sexe. Mais je pense que si tu es honnête, tu admettras que c'est ce qui t'a fait revenir, bien plus que ma personne. Et tu sais quoi ? Je me suis sentie utilisée que tu aies fait ça.


Julien a acquiescé du regard. Il savait que la peine qu'il m'avait faite était bien supérieure à tous les arguments qu'il aurait pu aligner pour m'expliquer ses raisons. Alors, cette fois encore, il n'a rien dit.


— Et vraiment, je comprends l'absence de sentiments. Je sais que ça ne se contrôle pas et je ne t'ai jamais demandé de m'aimer. Mais j'aurais juste voulu que ça se termine correctement.


— Tu aurais voulu que ça se termine comment ?


— J'aurais voulu que tu me parles et que tu aies le courage de me dire que toi et moi, c'était fini. Jamais je ne t'aurais forcé à rester, et tu le sais. Mais j'avais besoin que tu clôtures notre relation si tu n'en voulais plus, plutôt que de partir sans rien me dire et en me laissant passer des mois à décortiquer chaque moment pour réussir à comprendre ce que j'avais mal fait pour que tu m'ignores à ce point.


— C'est dur de me demander de mettre fin à notre relation alors que j'étais perdu et que moi-même je ne savais pas ce que je voulais.


— Mais du coup je fais quoi ? Je reste dans ta salle d'attente pendant que tu évalues tes options ? Ce n'est pas juste pour moi et honnêtement, je ne suis personne pour te dire ça, mais au-delà des sentiments, au-delà de notre relation, juste d'humain à humain, ça ne se fait pas de traiter les gens comme ça.


— Je ne sais pas quoi te répondre.


— Il n'y a rien à répondre.


Je n'étais pas en colère et je ne voulais pas accabler Julien, mais j'avais besoin de lui dire toutes ces choses qui s'empilaient dans les compartiments de mon cerveau depuis des mois.


— Tu sais ce qui me déroute le plus dans l'histoire ? C'est que je sais que tu n'es pas comme ça. Je sais que cet homme qui fait du mal aux autres, ce n'est pas toi. Tout le monde me disait que j'étais naïve et stupide de ne pas voir que tu te servais de moi. Et moi, j'étais toujours là à te défendre, à continuer à voir le bon en toi, à te chercher toutes les excuses du monde parce que je m'accrochais à l'idée que le Julien que je connais, le Julien à qui j'ai fait confiance, le Julien que j'aime, lui n'est pas comme ça.


— Tu sais bien que je ne voulais pas te faire de mal, Sté.


— Oui, mais j'ai encore été un dommage collatéral de ton fonctionnement.


— Je ne sais pas quoi te dire.


— Il n'y a rien à dire.


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