Fyctia
Chapitre 15.7
La porte s’ouvrit et Aenid apparut, un plateau chargé de nourriture dans les mains. Il l’observa entrer dans la chambre et fermer la porte derrière elle. La colère quitta alors son corps aussi simplement et facilement que l’eau qui s’évapore au soleil. Lorsqu’elle vit l’expression de son visage, son sourire s’évanouit.
— Que se passe-t-il ?
Luther avait assez peu songé à elle au cours des dernières heures, mais il s’était attendu à éprouver du ressentiment et de la colère à son égard. Après tout, son peuple avait massacré les siens. Mais il découvrait avec stupeur qu’il en était incapable. Son beau visage, son corps harmonieux, tout son être lui procurait toujours le même enchantement qu’au premier jour, un mélange de désir et d’affection croissante. Le désespoir le saisit et lui fit voir toute l’absurdité de son amour. Il mourrait sans doute au combat, quelque part dans le désert, aussi loin d’elle qu’on pouvait l’être. Il comprit dans un éclair de lucidité et de douleur qu’il vivait ses derniers instants en sa compagnie.
Il la saisit par la taille et l’attira à lui d’un geste brusque. Il prit sa bouche, et bloqua sa nuque avec sa main pour l’empêcher de s’éloigner. Il la serrait fort, désespéré, et il entendit vaguement ses gémissements de protestation. Il la retint néanmoins prisonnière de son étreinte. Comment partir loin d’elle ? Il n’en aurait pas la force.
Il sentit qu’elle le repoussait. Ses mains griffèrent ses épaules, et elle se débattit dans ses bras de fer. Il lui rendit sa liberté et croisa son regard d’oiseau affolé. Sa main s’attarda sur la joue de velours.
— Loth a été attaquée, murmura-t-il d’une voix rauque. Je repars en guerre demain, à l’aube.
Elle le fixa, interloquée. Luther crut qu’elle allait dire quelque chose, mais elle se contenta de lever les mains pour caresser son visage. C’était un geste d’une douceur et d’une tendresse infinie, qui pénétra son cœur. Il entoura sa taille de ses bras et enfouit son visage dans le creux de son cou. Il n’avait qu’un désir, c’était de la savoir tranquille et en sureté, tandis que lui ferait face à la mort.
— N’aies pas peur, chuchota-t-il. Je laisserai ici mon écuyer. Il veillera sur toi.
— Mais qui veillera sur vous là-bas ?
— Tu es bien la seule ici à te préoccuper de ma sécurité.
Elle s’arracha de son étreinte, puis souleva sa robe pour lui remettre un paquet plié avec soin. Luther reconnut l’étoffe de sa cape d’hiver.
— Je vous rends ceci, dit Aenid d’une voix tremblante. Elle vous sera utile dans les montagnes.
Il porta le tissu à son nez :
—Elle a gardé ton odeur… Merci, mon amour… J’ai moi aussi quelque chose pour toi.
Il sortit de sa poche le petit collier. Dans sa main, il paraissait plus petit et plus miteux que dans la boutique. Il regretta aussitôt son piètre cadeau et voulut le cacher. Mais c’était trop tard. Il glissa dans la main d’Aenid presque de lui-même.
—Tu ne l’aimes pas ? demanda-t-il, le cœur serré. Ce n’est rien, je t’en achèterai d’autres, des dizaines d’autres…
—Il est très beau. Jamais je n’avais reçu un tel présent. Vous m’honorez…
Sa gratitude lui fit mal. Il avait la sensation de tirer profit de sa naïveté et de son ignorance. Il la prit par les épaules et la regarda dans les yeux :
—Si je ne reviens pas, vends ce collier et achète votre liberté. Sauve ta vie…
Il l’embrassa à nouveau. Il sentit le gout salé de ses larmes. Elle trembla dans ses bras comme un animal apeuré, et son impuissance lui était intolérable. Il s’entendait prononcer des paroles rassurantes, et ces paroles sonnaient creux, mais elle s’en contentait et se calmait peu à peu. C’était une manifestation d’amour pur dont il n’aurait jamais cru l’existence si on le lui avait raconté. Mais la preuve était là devant lui, sous la forme d’une créature aussi belle qu’un rêve et qui lui vouait une confiance totale et aveugle. Comme pour lui en offrir la preuve ultime, Aenid s’écarta et défit le haut de sa robe. Abasourdi, il regarda la poitrine offerte à ses yeux. Comme il restait debout sans réagir, elle s’avança et se pendit à son cou :
—Prenez-moi, puisque je me donne.
Il la vit alors telle qu’elle était : une enfant qui devenait femme sous ses yeux. Il se sentit profondément heureux d'être l'objet de son désir, mais aussi misérable, car il savait qu’il allait lui causer un grand chagrin. Il la rhabilla et son air de mécontentement enfantin le fit sourire.
—Je te désire depuis le jour où j’ai posé les yeux sur toi. Mais je ne te priverai pas de ta vertu de cette manière. Attends-moi. A mon retour, je trouverai un moyen …
— Un moyen de faire quoi, mon seigneur ?
— Luther. Appelle moi Luther.
Comme elle ne répondait rien, il lui prit le visage entre les mains et fixa son regard brulant sur le sien.
—Lorsque nous sommes seuls, appelle moi Luther.
Ils se regardèrent, puis elle murmura en souriant.
— Luther...
Il déposa un baiser brulant sur ses lèvres.
—Je t’ai tout pris, ta vie, ta liberté. Je reviendrai, pour toi et toi seule. Et alors, tu seras mienne, dans la lumière et aux yeux de tous.
Aenid se laissait embrasser et acquiesçait, les yeux baignés de larmes. Elle soupira, la voix étouffée par l’émotion qui lui coupait la gorge :
—Je suis déjà à vous. Je prierai chaque jour pour votre retour. Je vous attendrai…
Le cœur de Luther connut à ces mots un semblant de paix. Tandis qu’il la tenait dans ses bras, il se jura de mettre fin à cette guerre le plus rapidement possible.
Et sur cette scène déchirante (désolée !), je vous quitte mes chers lecteurs, vous qui êtes arrivés jusque là et qui avez suivi mes chapitres balbutiants. Je vous remercie d'avoir pris le temps de lire les aventures de ce pauvre Luther que j'aime à torturer pour votre plaisir, et j'espère vous avoir divertis, si c'est le cas alors ma mission est accomplie ! Comme Fyctia l'exige, je m'arrête ici, l'histoire en est à sa moitié à peu près, et je garde le reste au chaud pour retravailler tout ça avec vos remarques si pertinentes. Merci vraiment du fond du coeur, je termine ce concours après tout le monde mais j'en garderai un souvenir certain !
Pleins de bisous à tous, et peut-être à bientôt :)
Mary
27 commentaires
Mélanie Chloé Sevilda
-
Il y a un an
camillep
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
WildFlower
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
WildFlower
-
Il y a un an
Cécile Marsan
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
Sand Canavaggia
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an