Amélie Mrn La dernière traversée Chapitre 2

Chapitre 2

La tablée dégageait une ambiance joyeuse. Les jumeaux Sasori et Holga racontaient aux jeunes fils de Stinca comment, grâce à leur maniement des voiles et du gouvernail, ils avaient réussi à sortir l’équipage d’un violent orage. Brone et Earline discutaient affaire avec la tavernière. Il était convenu qu’ils lui rapporteraient des tonneaux de vin vert du pays des Scandines. Un des seuls royaumes où la végétation poussait encore.


Il n’existait que quatre grands territoires dans leur hémisphère. Il fut un temps où ils se répartissaient entre les mains d’une seule et même famille. Mais, les nouvelles générations ne présentant quasiment plus de lien de parenté, les tensions redoublaient de virulence. C’est pourquoi les gardes marins inspectaient minutieusement chaque navire entrant dans Naskar. La royauté craignait qu’un beau jour les autres maisons décident de les évincer du trône. La culture de la Nacarate n’était pas vue d'un très bon œil du côté des voisins. Cela rapportait trop de richesse et de puissance pour que ça reste impuni. Seule la terre des Trae se voulait pacifique.


― Cinq tonneaux de vin contre cinq clientes, ça me paraît honnête, conclut Earline.


― Cinq clientes, précisa la tavernière.


Un coup d'œil rapide jeté à son second suffit pour qu'ils se mettent d'accord. Cinq passagers à nourrir, cela leur faisait beaucoup mais Earline ne pouvait pas se permettre de refuser autant de clients d’un seul coup. Elle avait besoin de cet argent si elle voulait que Ronan sorte de prison au plus vite.


― Qui sont-elles ?


Earline aimait être renseignée sur les clandestins qui montaient à bord de son navire. Elle les faisait passer la frontière de Naskar et les emmenait aux quatres coins de la mer-sans-fond, en échange de quelques sous. C’était son activité principale depuis qu’elle avait repris la relève de son frère. Ce dernier croupissait dans les geôles du royaume pour bien moins que ce que faisait Earline aujourd’hui. L’argent était réparti entre l’équipage, mais la part de Earline allait directement dans la sacoche destinée à rembourser la dette de son frère.


― Des filles de joie. Elles fuient leur maître.


La capitaine acquiesça.


― Donne leur rendez-vous dans deux jours, au quai quatre cent six, à l’aube.


Stinca les remercia et se retira de la table pour retourner derrière le comptoir.


Earline se leva à son tour, exténuée. D'un geste, elle salua son équipage pour leur souhaiter un bon sommeil, puis elle se dirigea vers une porte au fond de la salle. Elle menait à un long couloir sombre, où des portes closes se tenaient de chaque côté.


La sienne grinça quand elle l’ouvrit. À l’intérieur de la chambre, un faible rayon de lune éclairait un petit lit bois et une couverture verdâtre. Elle tendit la main vers la première lampe à poudre nacarate et la pièce s'éclaira du lueur rosée.


Elle allait ses jambes endolories par la dernière tempête, avant de s’arrêter brusquement dans son élan. Une ombre venait de traverser devant la fenêtre.


Par réflexe, Earline vérifia que sa lame se trouvait bien dans son veston. Puis, elle ouvrit les battants.


― Capitaine Solena.


Earline sursauta. Un homme, aux jambes longues et fines, habillé tout de noir, se tenait dans son dos.Il ne paraissait pas menaçant, mais Earline ne retira pas sa main de son arme. Elle se méfiait des individus qui connaissait son véritable prénom.


La porte de sa chambre était entrebâillée et un courant d’air froid la claqua bruyamment.


― Je vous attendais, continua l’homme. Nul besoin d’appeler vos amis. Je souhaite vous proposer un marché.


Earline se détendit. Ce n’était qu’un autre client qui aimait théâtraliser ses entrées.


― Un marché dont votre équipage ne doit pas être courant.


― Où voulez-vous aller ? coupa court la capitaine.


Il sortit une bourse. Le son de son brimbalement indiquait une somme conséquente de pièces d’or à l’intérieur.


― Ce n’est pas pour moi. Mon fils doit se rendre à la terre des Trae urgemment.


Il lui tendit l’argent. Earline ne s’attendait pas à un tel poids dans la petite besace. C’était bien plus que ce qu’elle demandait d’habitude à ces clients.


― Le reste vous sera donné à l'arrivée.


Earline croyait rêver. Autant d’argent pour un seul passager, il y avait forcément un piège quelque part. Elle devait en savoir plus.


― Quel crime a commis votre fils ?


― Je vous demande de vous abstenir de poser des questions. Cet or sera le vôtre seulement si vous vous engagez à garder mon garçon caché de votre équipage et à ne parler à personne de notre accord.


Earline ricana. On lui demandait de faire monter un clandestin sur son navire, rempli d’autres clandestins.


― Mon équipage est parfaitement capable de garder un secret, monsieur. Nous sommes des professionnels. Des gens qui veulent passer inaperçus, on en a vu des centaines passées sur notre pont. Votre fils ne passera pas la traversée s’il reste cloitré dans les recoins.


L’individu sembla perdre patience. Il retira son couvre-chef et fixa de ses grands yeux sombres la jeune femme.


― Il est certain que vous ne comprenez pas l’ampleur de ce que je vous demande, madame.


D’un geste brusque, il reprit sa bourse et ajouta :


― Vous n’êtes pas digne de cet engagement.


Earline venait de faire une erreur. Cet homme n’était pas enclin à la négociation. Si elle voulait cet argent, elle devait se rattraper. Quand ils verraient le butin, l’équipage comprendrait pourquoi elle décidait de leur camoufler un passager.


― Excusez-moi.


Elle s’efforça de prendre une voix forte et assurée, pour atteindre le même niveau de langage que cet homme.


― Je n’avais, en effet, pas réalisé à quel point cela vous est important. J’ignore vos motivations à vouloir me confier cette tâche, cependant j’imagine que vous devez avoir placé une certaine confiance en mon nom pour me proposer un tel arrangement. Je ne souhaite que vous satisfaire, monsieur.


L’homme se recoiffa de son chapeau. Il paraissait prêt à partir.


― Votre fils arrivera sain et sauf et sans ébruitement en terre Trae, renchérit Earline.


Il hocha la tête, hésitant. Sa main attrapa celle de la capitaine. Elle se laissa faire, tandis qu’il scrutait les lignes parsemant sa paume.


― Vous parlez bien pour votre âge. Puis-je réellement vous confier la sécurité de mon fils ?


― Il ne lui arrivera rien, je vous le promets.


Il laissa glisser l’argent au creux de leur poigné de main.


― Reprenez votre gage.


Earline retrouva la lourdeur satisfaisante de la besace.


― On part dans deux jours. Venez au port quelques heures avant l’aube.


― Nous y serons.


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40

40 commentaires

La plume des rêves

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Il y a 3 ans

Hello, je m’excuse j’ai été absente ses quelques jours, est-ce que tu veux reprendre l’échange d’avis ou pas malgré que le concours soit terminé ? 😌

Amélie Mrn

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Il y a 3 ans

Hello ! Ça serait avec plaisir, même si le concours est terminé c’est toujours intéressant d’avoir un retour sur notre histoire

La plume des rêves

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Il y a 3 ans

Parfait alors, je ne sais plus où tu t’étais arrêté chez moi, mais j’ai demandé à remettre mon histoire en brouillon pour mettre la version corrigé donc si tu la vois plus c’est normal 😅 mais la publication sera rapide ☺️ Je reprendrais ton histoire demain du coup 😌

La plume des rêves

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Il y a 3 ans

Dès ce deuxième on se pose pas mal de question. C'est très bien décrit et j'apprécie être plongé dans le décors du navire ^^

Amélie Mrn

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Il y a 3 ans

Merci beaucoup

Livia Tournois

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Il y a 3 ans

Toujours dans cette ambiance digne de Tortuga, un mystérieux passager va monter à bord... qu'attendre de lui ? Qu'a-t-il fait ? Tu attises notre curiosité. Attention à quelques coquilles, pense à la relecture, même si ça n'est pas facile de voir ses petites erreurs je le conçois.

koyasjl

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Il y a 3 ans

Je trouve très intéressant et humain qu’elle souhaite savoir qui sont ses clientes et clients dans son navire, toutefois je m’attendais à un échange plus discret. Expliquer le pourquoi cette taverne est particulière pour connaître son background serait intéressant ! N’hésite pas à utiliser ses sentiments surtout autour de son frère, je vais lire la suite pour te faire un retour sur celui-ci, histoire de ne pas m’avancer trop vite. Concernant l’accord, tu dit qu’elle est méfiante et l’homme perd sa patience, mais montre le. Expressions du voyages, le doute chez elle lorsqu’elle voit certaines choses, comme par exemple l’argent qu’elle prend d’alun coup sans plus de questionnement. C’est une scène importante surtout autour du fils (tu pourrais même répéter d’une différente manière qu’elle veut savoir qui sont ses clients et qu’elle serait frustrée et intriguée). Cela permettrait d’appuyer le mystère autour de lui ! Dans tous les cas je sens le love interest hihihi Hâte de le rencontrer !

Amélie Mrn

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Il y a 3 ans

Merci beaucoup pour tes conseils ! Je suis complètement d'accord avec toi et je vais songer à ce que tu me dis pour la réécriture

storiesbymyself

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Il y a 3 ans

J'aime beaucoup le contexte et l'écriture est agréable, hâte de découvrir le reste :)

Amélie Mrn

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Il y a 3 ans

Merci beaucoup, j’espère que la suite te plaira :)
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