Fyctia
Chapitre 8
Outre le fait que les couloirs de ce bahut me donnent l’impression de déambuler dans Poudlard sans les sorciers, je dois admettre que ça a plus de cogne que les murs qu’on dirait fait en carton-pâte de l’ancien.
Des bruits s’élèvent d’une salle fermée à double battant.
— Elle a l’air vachement grande, votre cafétéria.
— En fait, c’était une salle de banquet avant, avoue Alina.
— Comment est-ce qu’une salle de banquet peut devenir une cafétéria ?
— C’est une longue histoire, les djinns sont partis avec les derniers invocateurs, et puis les Domovoï, des esprits du foyer si tu préfères, se sont rebellés car ils ne voulaient plus assurer le service et la cuisine en même temps. Alors les Péris ont décidé que le temps des banquets profs-élèves était révolu. Maintenant la salle de banquet est…
— Oh laisse là le découvrir par elle-même, la coupe Naïa qui, visiblement, n’a toujours pas avalé le fait que je puisse avoir faim.
Nous marquons un arrêt devant les portes.
— D’où je viens, faut les pousser, remarqué-je.
— Avant, c’était la magie des djinns qui l’ouvrait. Maintenant c’est quand elle le décide, ou quand quelqu’un sort. Il va falloir attendre, déclare Naïa.
— Tu te moques de moi, là.
— Pas du tout. Le départ des djinns a chamboulé beaucoup de choses dans l’organisation de cet endroit. Et toi, l’Invocatrice qui ne veut pas l’être, tu pourrais être la raison de leur retour.
Je cligne des yeux et me dirige d’un pas déterminé vers la porte, sur laquelle je tambourine comme une forcenée.
— Vous savez que d’où je viens, on a plutôt tendance à les éviter.
— C’est dommage. Leur magie fait s’ouvrir des portes, permet à des barrières de se dresser, autorise ou non les indésirables… comme les fées de la montagne d’en face.
— Ah, celles qui mangent les enfants ? Bon je n’ai pas le temps pour ça.
— Tu devrais pourtant.
— Eh oh ! J’ai faim ! Une bonne âme là-dedans pour m’ouvrir ?
Je fais fi de l’ambiance qui filtre à travers la porte. Ça doit être l’ambiance là-dedans, a tel point que j’entends même des bruits d’assiettes qui fracasse des surfaces dures et doivent très certainement se briser en mille morceaux.
Affalée de tout mon poids contre la porte et haletante, je ne trouve rien de mieux à me dire que l’état de la salle doit être d’un carnage sans nom.
— Mais qu’est-ce que tu fais ? s’insurge Naïa, arrête ça tout de suite !
C’est qu’il est dur ce bois, bien que finement ouvragé. Je pourrais presque m’en vouloir de martyriser de si belles moulures, dorées qui plus est.
— Lucie ! vocifère Naïa.
Je fais volteface.
— Quoi ? Si tu t’attends à ce que je me mette à psalmodier un truc chelou pour invoquer je ne sais pas trop quoi, c’est cuit. Alors on fait à ma façon, ok ?
Naïa ouvre la bouche au moment où un lourd grincement résonne derrière moi. Je hausse un sourcil, satisfaite que ma technique ait marchée, et me retourne pour saluer le charmant élève qui …
— Toi, craché-je.
— Moi. Surprise ? Je m’entends bien avec les loups, certes ils sont un peu bourrus mais ils ne refusent jamais une bonne compagnie en dehors de la pleine lune. Qu’est-ce qui t’amène, l’invocatrice ? susurre enfin Arjun.
Il penche la tête et fait un clin d’œil aux filles derrière moi. J’imagine Naïa fondre et Alina chercher un endroit à admirer. Je crois qu’elle n’aime pas beaucoup le jeune Péri, qui a le bras relevé contre le bois de porte, permettant de la garder ouvert.
— J’ai faim. Les loups tu dis ?
Il penche de nouveau la tête :
— Ça, les filles, ce n’est pas très gentil, s’amuse Arjun avant de reporter ses prunelles sombres sur moi, tes copines ne t’ont pas prévenue ? Les loups ont la priorité sur l’endroit les vendredi soir et les week-ends, tu mangeras demain.
Son bras glisse du battant et il s’écarte, le laissant se refermer.
— Attends !
Il fait quelques pas vers moi et se penche.
— Demain, Invocatrice. On se voit à l’épreuve dans quelques heures, je ne devrais pas te manquer trop longtemps, à très bientôt. Il n’y a plus rien à manger de toute façon, les loups ont tout pris.
— Non, maintenant !
Le Péri a à peine le temps de se retourner, étonné par mon changement de ton, que le battant fend l’air et claque contre le mur, surprise à mon tour, je sursaute alors que sur son visage est traversé par une pointe d’admiration non feinte.
Je pense que je suis plus traumatisée que lui par ce qui vient juste de se passer. Le silence s’est fait dans la salle de banquet. Je ne reconnais aucune tête et gênée, je fixe la porte.
— Pas mal, déclare le Péri. Il y a du progrès à faire, néanmoins. Allez tire toi.
— Ce bahut n’est pas très différent d’un autre, au final.
Il y a un groupe qui domine et ceux qui tentent de ne pas faire de vagues. Je voudrais que les loups n’aient plus la prérogative sur les autres élèves, c’est injuste.
Et surtout, j’ai faim.
Je suis tellement absorbée dans ma comparaison mentale que je mets du temps à réaliser que les gonds de la porte sont en train de sauter.
Trop de temps.
— Arjun ? parviens-je à articuler.
— T’as faim, je l’ai bien compris, mais il n’y a rien. Sympa le coup de la porte, mais ça ne va pas te permettre de rentrer dans leurs petits papiers si tu veux mon avis. Va-t’en, je ne rigole…
— La porte ! hurlé-je tout à coup alors que celle-ci se met à basculer.
Le péri a le temps de tendre les bras avant que la porte ne s’abatte sur lui. Un cri de rage s’échappe de sa gorge. Tout ce qui retient la porte de s’écraser, ce sont ses bras qui fléchissent un peu plus à chaque seconde qui passe. J’ai l’impression qu’il va se faire écraser pour du bon quand au dernier moment, il donne une impulsion qui soulève la porte, ce qui lui permet de se glisser de notre côté avant que la porte ne s’écrase au sol.
— Ça alors, siffle-t-il, ça dévergonde les portes après deux jours seulement. T’es peut-être bien prometteuse, finalement. Au fait, merci les gars, j’ai apprécié le soutien, cingle-t-il en se frottant les mains.
— À ton service mec. Tu sais bien qu’on n’est jamais très motivés quand on sort de pleine lune.
— Je vois. Moi aussi je risque bien de manquer de fringance à l’occasion, ce qui serait dommage hein, n’est-ce-pas ? menace le Péri.
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Origami
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Il y a 4 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 4 mois
Le Mas de Gaïa
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Il y a 4 mois
Suelnna
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Il y a 4 mois
Le Mas de Gaïa
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Il y a 4 mois