Fyctia

— En fait, c’est parce qu’il y en a déjà eu. Il sait que j’habite chez Donovan. Il est déjà venu à plusieurs reprises devant chez lui, a déjà cassé une fenêtre et il me harcèle sur les réseaux, j’ai même dû changer de numéro de téléphone deux fois depuis que je suis partie de chez lui. Il a aussi menacé mon meilleur ami, lorsqu’il sortait de son boulot. Mais Donovan n’est pas du genre à se laisser impressionner et Mike n’a pas insisté.

— D’accord, je note tout ça. Est-ce qu’il y a déjà eu de la violence sexuelle ?

— C’est-à-dire ?

— Est-ce qu’il vous a déjà forcée à avoir des rapports par exemple ?

— Euh oui, pour avoir un enfant, enfin c’est ce qu’il disait.

— D’accord. Si vous n’avez rien d’autre à ajouter, je n’ai pas d’autres questions pour le moment. Je vais tout remettre en forme et l’envoyer au procureur, et je vous recontacterai s’il a d’autres questions à vous poser.

— Non, c’est bon. Je vous remercie.

La gendarmette nous raccompagne jusqu’à la sortie et nous rentrons directement à l’appartement pour nous poser. Je m’affale comme à mon habitude dans le canapé et me recroqueville. Mes anciens réflexes et mon passé sont toujours là, toujours à garder une carapace, à essayer de me protéger. Mike et moi, c’est récent, j’ai repris de la joie de vivre, mais il y a encore un an, j’étais recouverte de bleus, de blessures en tout genre et aucun sourire ne pouvait être esquisser sur mon visage rougi et bleui. Je ne savais pas encore à cette époque que j’arriverai à m’en sortir et que je pourrai à nouveau sourire comme avant. Je ne pourrai jamais remercier assez Donovan pour m’avoir sortie de là, je ne sais même pas ce qui aurait pu advenir de moi s’il n’avait pas été là. Je sais que je ne pourrai jamais compter autant sur quelqu’un que sur lui. En parlant du loup, il vient me rejoindre avec une tasse de chocolat chaud et un plaid. Je lui souris pour le remercier.

— Une cuillère et demie de chocolat en poudre et pas un grain de plus !

— Merci. Tu es un amour. Rappelle-moi déjà pourquoi nous ne sommes pas ensemble ? lui demandé-je pour rire.

— Parce qu’il te manque ce que j’aime et ce qui m’attire !

— Je ne suis donc pas attirante ?

— Oh que si ! Tu es la plus bonne, bonne de mes copines !

Je ris alors qu’il est en train de danser devant moi. J’avais besoin de soutien et il a été là pour moi, il m’a soutenue alors que je l’avais jeté comme une vieille chaussette à la demande de mon mari, de mon ex. Il me prend la main et m’extirpe du canapé pour danser avec lui sur un son unique : rien. Je me lève, sourire aux lèvres, et pose ma tasse de chocolat sur la table basse avant de me laisser entraîner dans son délire. Toute la soirée, il n’a fait que jouer avec moi en me proposant d’innombrables jeux de société. Il a sûrement essayé de me distraire et il a réussi.

Point de vue de Thomas.

Samedi 8 avril 21h07, chez lui.

Après être rentré du commissariat et avoir joué aux jeux vidéos, je me lance enfin vers la cuisine afin de me préparer un repas pour tenir la nuit blanche qui m’attend. En ouvrant le réfrigérateur, je me rends compte qu’il ne me reste plus grand-chose. Voilà que comme une fois par semaine, cela se finit en sandwichs improvisés avec du pain de mie. Je m’en prépare six et les empile de sorte à ce qu’ils ressemblent à la Tour de Pise. J’apporte ensuite l’assiette à côté de mon clavier d’ordinateur et replace mes écouteurs sur les oreilles. Pendant que je finalise mes quelques dernière retouches, je repense à ce qu’a dit Leslie. Il me semblait qu’elle s’appelait Vernier. Pourtant la gendarmette l’a appelée Bertillon. Est-ce moi qui ait mal entendu ? Ce sont tout de même deux noms complètement différents. Après tout, elle a très bien pu me mentir sur son nom de famille pour éviter que je la retrouve. Elle avait peut-être peur que je sois un lourdaud ou pire encore : un sociopathe. Si c’est le cas, je peux la comprendre, mais je n’ai quand même rien d’un sociopathe, si ?

Je dois bien avouer qu’elle est très sympathique et très jolie de surcroît, mais elle n’est pas mon style de fille. Elle est trop introvertie et je suis plutôt du genre extraverti. J’ai besoin de sortir, de me défouler, d’aller à des concerts et elle m’a plutôt l’air casanière. Toutefois, sur le plan physique, je ne peux pas dire qu’elle me déplaît, ce serait mentir. Une jolie blonde, avec des yeux aussi envoûtants, c’est assez rare. Je me demande si elle a quelqu’un. Probablement pas si elle est allée porter plainte avec son meilleur ami. Pourtant, belle comme elle est, c’est assez surprenant. Elle a aussi ce quelque chose assez bizarre, étrange, mystérieux, comme si elle cachait quelque chose, comme si elle peinait à le cacher. Ça donne envie d’en savoir plus, de creuser et d’apprendre à la connaître. Cependant, si ma supposition est bonne et qu’elle a en effet fait exprès de mentir sur son nom de famille, c’est peut-être parce que je ne lui plais pas du tout et dans ce cas, pour en apprendre davantage sur elle, ça risque d’être plus compliqué.

Me rendant compte que mes pensées m’emmènent bien trop loin, je reviens à mes moutons et prends quelques secondes avant de lancer le jeu vidéo là où j’étais rendu la dernière fois que j’y avais joué, c’est-à-dire, samedi dernier.

— FarmaGirl, bouge-toi, tu ne vas pas sur les ennemis. On ne peut pas faire un raid si tu ne te concentres pas un minimum sur nos objectifs de guilde ! lui lancé-je.

— Je te signale Beau Gosse que je suis juste derrière toi et que j’essaie de recharger mes armes sans me faire tuer !

— En attendant, c’est toi la dernière de la guilde.

— Sérieux ? En même temps, tous les adversaires m’ont prise pour leur bouc émissaire, il y a moyen que quelqu’un vienne me prêter main forte ?

— Ok ok. J’arrive, mais tu ne voles pas mes kills ou je te jure que tu vas regretter de t’être connectée.

— On est ensemble, Bouffon.

FarmaGirl est une joueuse super compétente, mais je ne peux pas m’empêcher de la charrier. Elle prend toujours la mouche à cause de mes piques et j’avoue : ça me fait bien marrer. Ça anime notre équipe et ça me permet d’avoir une bonne visibilité. On se connaît depuis presque dix ans, en tous cas, ça va bientôt faire dix ans que nous sommes dans la même guilde. Nous sommes tous les deux les meneurs de notre équipe et nous nous débrouillons toujours pour que l’un de nous deux soit connecté. Certains petits nouveaux ont besoin de conseils et nous voulons être là pour les aider. Hors de question de laisser, ne serait-ce qu’un seul petit moussaillon à l’arrière du bateau. De toute façon, on a tous été un jour, un simple moussaillon, esseulé et perdu parmi tant de possibilités et tant de touches. Tout maître doit pouvoir savoir transmettre ses connaissances afin de disparaître sans crainte. Le dernier moussaillon que nous avons pris sous notre aile est Remi35, il fait une faute à chaque mot dans le chat et a 15 ans, mais j’aime lui enseigner l’art du jeu vidéo.