Fyctia
Chapitre 3-1
Vendredi 7 avril 2023, 10h23.
Je m’extirpe doucement de mon sommeil, réveillée par mon ventre qui a senti la tendre odeur de croissants sortis du four. Il ne m’a pas fallu plus de dix secondes pour me lever du lit. Comme dit hier, la penderie de la chambre était en effet pleine de vêtements d’homme. Ne faisant pas froid dans l’appartement, j’enfile un simple tee-shirt noir avec écrit en gros « Can’t hear you I’m gaming ». Je passe rapidement dans la salle de bain et tente d’arranger mes cheveux, partis en guerre durant mon sommeil d’aplomb. Je n’avais pas aussi bien dormi depuis longtemps. Je me sens vraiment reposée. Bien que peu satisfaite de ma tête, je ne peux me résoudre à utiliser la brosse à cheveux posée dans le panier en osier au bord du lavabo. Je ne suis pas chez moi et utiliser ce qui n’est pas à moi n’est pas dans mes cordes, ou du moins irait dans le sens contraire de mes principes. Alors, un minimum arrangée, je finis par descendre et rejoins la cuisine où mon sauveur s’attelle à la difficile tâche qu’est la pâtisserie.
— Bonjour ! Comment allez-vous ? Vous avez bien dormi ? me demande-t-il en me servant son plus beau sourire.
— Bonjour. Je vais bien et j’ai parfaitement bien dormi et vous ?
— De même ! Je suis d’excellente humeur et rien ne vaut de délicieuses viennoiseries au réveil pour débuter une journée de la meilleure des façons.
— Wow, vous êtes motivé… Vous avez dû vous lever tôt pour préparer tous ces croissants.
— Oh ça va, je ne suis pas un grand dormeur et j’ai besoin d’être dans l’action, je n’aime pas trop ne rien faire.
Il pose deux croissants dans une assiette noire avant de la mettre juste devant moi sur le bar. Puis, il ajoute un verre de jus d’orange toujours en souriant.
— Asseyez-vous, vous pouvez déjeuner, le jus d’orange est fraîchement pressé mais si vous préférez du sans pulpe, j’en ai. Est-ce que vous voudriez un chocolat chaud ou un café avec vos croissants ?
— Oh non ! C’est déjà super adorable d’avoir préparé tout ça. Je crois n’avoir jamais manger de croissants faits maison.
— Il faut bien une première fois à tout !
Je souris et m’assois sur le tabouret de bar. Lors de ma première bouchée dans la viennoiserie, j’entends croustiller et mes papilles s’éveillent dans la demi-seconde. Même les croissants que Donovan me rapporte le mardi matin parce qu’ils sont en promotion ce jour-là à la boulangerie de Kennedy ne sont pas aussi délicieux que ceux-là et pourtant qu’est-ce que je les aime ceux de Kennedy. Je ne sais pas comment une personne lambda peut faire d’aussi bonnes viennoiseries, mais je suis jalouse de son talent.
— Vous êtes boulanger, c’est ça ? Le questionné-je, la bouche pleine.
— Hahaha, non, mais c’est mon grand-père qui l’a été pendant de nombreuses années et il m’a appris son savoir-faire, bien qu’il soit plus spécialisé sur le pain. Lorsque j’ai appris qu’il avait rencontré ma grand-mère au travail et qu’il ne pouvait plus détacher ses yeux de son sourire avant de la marier, je me suis tout de suite pris d’affection pour cet art culinaire.
— Cette histoire est vraiment touchante et vous avez un don hérité de votre grand-père. Je vous assure que vos croissants sont une tuerie. Je n’ai jamais mangé de croissants pareils, ils sont absolument divins !
— Haha, je vous remercie. Par ailleurs, je me rends compte que nous n’avons pas échangé nos noms hier…
— Ah oui ! En effet, je suis Leslie Vernier et vous ?
— Thomas Leblanc, boulanger uniquement de bons matins et de temps en temps !
Je laisse échapper un petit rire et enchaîne, ma bouchée à peine terminée avec le second croissant.
— Alors, est-ce que la nuit vous a aidée à vous rappeler de là où vous vivez ?
C’est à ce moment précis, que je me rappelle d’hier soir, de la honte que j’ai éprouvé en n’oubliant le lieu où j’habitais. Alors que tout me semble clair maintenant, je ne comprends toujours pas pourquoi j’ai eu ce trou de mémoire, mais ce qui m’importe davantage, c’est que j’ai quand même squatté chez un inconnu, dont je suis habillée de son tee-shirt et qui m’a gentiment préparé de délicieuses viennoiseries. Je ne sais même plus dans quel monde je vis, mais étant donné que les contes pour enfant n’existent pas, je pencherai plus pour une bonne réalité creepy. Bien qu’il n’a pas l’air méchant, je ne me suis même pas méfiée une seule seconde alors que je sais ce dont sont capables les hommes. Visiblement, je n’apprends pas de mes erreurs et ça me désole. En ayant repris conscience de la situation, je me tends automatiquement et bloque sur le croissant que je suis en train de dévorer. Peut-être qu’il les a drogués et qu’il va en profiter pour me faire des choses… ou pire encore m’extraire des organes pour les revendre sur le dark web. Serait-il cannibale ?
— Vous allez bien ? J’ai l’impression que vous êtes en train de faire un malaise. Ai-je dit quelque chose qui ne fallait pas ? Où êtes-vous allergique à un aliment spécifique ?
— Non non, ce n’est pas ça ! Tout va bien !
— Vous êtes sûre ?
— Oui, c’est juste que j’ai complètement oublié que je devais rentrer rapidement, je suis attendue.
— Ah oui je vois, j’espère que vous n’aurez pas d’ennui. Vous voulez que je vous dépose chez vous ?
— Non, vraiment, c’est adorable, mais je pense avoir déjà assez abusé de votre gentillesse.
— Ça ne me dérange pas du tout !
— Je n’habite pas loin, ça ira, merci. D’ailleurs, je vais y aller maintenant, je vous remercie pour tout.
Je me lève et remonte dans la chambre pour m’habiller. Je vérifie que je n’ai rien oublié, puis je quitte la chambre et descends.
— Bon et bien, merci pour tout.
Il m’accompagne jusqu’à la porte et me dit au revoir toujours avec ce magnifique sourire. Après une quinzaine de minutes, je suis rendue devant l’appartement de Donovan. J’ouvre la porte et me pose sur le canapé. Je fais vraiment n’importe quoi. Voilà que je sors et que je reste seule seulement quelques minutes et je me fais agresser, j’oublie mon adresse et je dors chez un inconnu. Sérieusement ? Qui fait ça ?
Je sors mon téléphone, resté dans ma veste depuis hier soir pour jouer à un jeu. Lorsque je le déverrouille, je remarque que j’ai douze appels manqués et trente messages de Donovan. Je panique : j’ai complètement oublié de lui dire que j’étais bien rentrée. Il a dû tellement s’inquiéter… Je tapote son contact et serre les lèvres en entendant les bips qui envoient l’appel. L’attente me paraît interminable, je sais qu’il va m’engueuler et je l’aurai bien cherché… L’écran change, il est en ligne…
— Leslie ?!
4 commentaires
Rose Foxx
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Il y a 2 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a 2 ans