Suelnna La Cité du désert Illégitime

Illégitime

— Ah ça… Rhija était un descendant des élémentaires d’eau. Moi je suis un pur descendant des élémentaires de feu. Je dois trop l’irradier ! » Et il se mit à rire de son trait d’humour …

« Je n’ai rien compris, je crois que tu es un sot !


— Lui aussi, d’ailleurs il est parti. Je n’aurais pas dû me moquer de lui…


— Pff… »

C’est ainsi que Zahrédine lui expliqua que l’élémentaire bienveillant et ami de Rhija, qui avait permis à Zahrédine de mieux supporter sa douleur s’en était allé et avait repris sa liberté, le jugeant indigne de sa présence et de son soutien.


« Quelle prétention, ces Marid.» Conclut Zahrédine dans un soupir, avant de se laisser aller tout entier contre Kahina, faisant reposer sur les épaules de la jeune fille, la responsabilité de ne pas le laisser se planter la tête la première dans le sable par faute d’un maintien suffisant.


« Et mon histoire ?


— Kahi… » Et il perdit connaissance, la laissant là avec ses questions.


Loeh, interloqué, se retourna vers Merak qui lui répondit par un haussement d’épaules, ce qui agaça le vieux guerrier qui marmonna :


« On doit marchander avec les demoiselles comme on marchande avec les djinns, de nos jours ? Parfait…


— C’est quoi la différence entre un djinn et un élémentaire ? » Se risqua Kahina à l’encontre de l’homologue de Zahrédine.


« C’est la même chose, et en même temps, c'est différent. Quand tu respectes un élémentaire, il aimera être nommé de la sorte. Quand tu crains un djinn, il aimera aussi être nommé comme tel.»


Et sans plus d’explication, il s’élança en avant, afin de leur indiquer qu’il fallait presser l’allure. Merak et elle le suivirent jusqu'à l’oasis.


« Une folie ! » S’était insurgé le fameux Kissah en jaugeant Kahina, qui n’avait alors pas osé répliquer. Il faut dire que l’homme en imposait. Tout de blanc vêtu, le contraste qu’offrait la blancheur éclatante de sa tenue avec la couleur ébène de sa peau était pour le moins saisissant.

La novice crut déceler des étincelles émeraude jaillir dans les prunelles sombres du géant tandis qu’il s’énervait.


Une jeune fille le suivait de près, et elle non plus, n’osait pas s’imposer. Elle fut étonnée de la douceur et de la délicatesse avec laquelle il prit en charge Zahrédine, toute trace de colère s’étant évaporée à l’instant même où il posa les mains sur son futur patient. Loeh s’était alors avancé vers lui avait conseillé de les rejoindre dans la tente :


« Tu es bien jeune pour être si peu au courant de notre réalité. Tu n’apprendras pas aux côtés de Kissah, peut-être même que tu ne seras pas guérisseuse, car les savants de la Citadelle d’Ifrin ont apparemment décidé de faire de toi une savante. Mais il est important que tu observes son comportement, car tu as la même faculté que lui : Tu transmets ton énergie. Observe son calme, sa gestuelle, et apprends… tu as rudement traité Zahrédine avec ton impulsivité. »


Pardon ? Non, moi je suis historienne, pour ce que ça vaut désormais à mes yeux… réalisa tristement Kahina sans s’exprimer de peur de laisser deviner des trémolos dans sa voix.


Lassée, elle s’était tue et l’avait suivi dans la tente où le géant s’affairait désormais à soigner Zahrédine. Elle avait fait face au calme de Kissah, en contact constant avec son patient. La jeune fille était à ses côtés, effacée, paraissait elle aussi apprendre par l’observation. Le souffle de Zahrédine était le seul son perceptible à l’intérieur de la tente, et l’odeur qui y régnait eut tout le mérite d’apaiser Kahina.


Une fois l’opération terminée, Kissah rompit le contact avec son patient et c’est alors que la jeune fille, aussi silencieuse que le guérisseur qu’elle assistait, posa ses mains sur Zahrédine.

Très tactile, tout ça… songea Kahina, surprenant une pointe de jalousie naître en son cœur et ce, malgré elle.


Ce sentiment, elle ne fut pas le seul à le ressentir, Kissah le ressentit aussi, il tourna brusquement la tête dans sa direction, et avec tout autant de brusquerie, lui fit signe de le suivre au dehors. Peu rassurée, un peu honteuse aussi, elle suivit le géant tout en s’apprêtant à recevoir des remontrances en bonne et due forme.


Loeh la précédait au sortir de la tente et attira l’attention de Kissah, qui fit signe à Kahina de se diriger vers le pavillon central du campement : une tente aux pans ouverts. Les tapis disposés au sol invitent à la discussion, au partage. Kahina observe l’échange entre Loeh et Kissah sans pouvoir distinguer leurs paroles. Qu’est-ce que Loeh lui voulait, à elle ? Elle était consciente qu’elle n’avait pas dû s’attirer la sympathie du vieux chef guerrier quelques heures plus tôt. Elle remarqua à peine le très jeune garçon qui lui servit du thé, et pour cause, Kissah s’avançait vers elle. Debout, il lui faisait l’effet de se trouver au pied d’une montagne. Elle tourna la tête et vit ce qui ressemblait à une colline. C’est alors qu’elle réalisa qu’ils ne se trouvaient probablement pas sur l’oasis qu’elle et sa sœur avaient découverte quelques lunes plus tôt, lors de leur escapade.


Et pourtant, elle se trompait. Assis en tailleur et protégés sous l’ombre du pavillon central, il s’exprima enfin :


« Tu as fait du bon travail dis moi, pour une novice historienne.»


Ses yeux croisèrent les siens, pour qu'il s'en détourne aussitôt.


« Tu ne sais rien de toi-même. Née d’un père paria et d’une descendante d’élémentaire, tu es une illégitime. Mais pour ton service rendu au clan dominant, tu pourrais trouver ta place parmi notre caste, surtout avec le talent que tu as là. Je le perçois, je pourrais t’aider à trouver ta voie.»


Ma voie ?


Celle d’historienne lui allait très bien, enfin… il y a quelques jours encore. Désormais, elle n’était plus certaine de savoir ce qu’elle voulait, ou même de savoir quoi que ce soit.


« Tu n’es pas faite pour l’Histoire. Surtout celle que la Citadelle d’Ifrin se borne à inculquer aux novices pour les endormir ! Quel gâchis !»


Le géant leva un regard hésitant vers Loeh, qui lui fit un signe de tête entendu. C’est avec un sourire que le guérisseur répondit, puis se reporta son attention vers Kahina. Il tendit les mains, l’invitant à les prendre. Cet homme, aussi intrigant et effrayant qu’il pût paraître, avait la capacité de lui en révéler davantage. Elle déposa donc ses mains dans les paumes de celle du géant. Et la dernière chose qu’elle vit, ce fut ses prunelles qui viraient au vert émeraude, ses pupilles rétractées et prêtes à la sonder.


Puis, le néant.


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