Fyctia
Frayeur nocturne
« Je fais mon travail, et tu fais le tien. Qu’en dis-tu ? »
— Tu devrais me laisser ici, prendre Zahrédine et l’amener à votre oasis de ravitaillement. » Ce dernier tremblait. Soit elle avait eu la main légère sur la sabarine, soit la flèche qui l’avait touchée était empoisonnée. Dans les deux cas, c’était un mauvais signe.
Merak sembla considérer l’option que Kahina venait tout juste de lui offrir. Qui était-elle pour lui ? Zahrédine par contre, représentait tout.
« Pas question », murmura Zahrédine. « Cette salle, nous devons la contrôler… » Kahina épongea son front avec un tissu humide. Étant donné qu’ils se privaient d’eau pour le soigner, ils ne tiendraient certainement pas bien longtemps.
« Tu ne peux pas t’empêcher de vouloir tout contrôler, n’est-ce pas ? » Kahina esquissa un sourire : « Où as-tu pris cette mauvaise habitude, Zahré ? »
« Tiens ta langue ! » S’emporta Merak, outré.
« Tu veux me tuer ? » Proposa Kahina.
Zahrédine s’était à nouveau assoupi, jusqu’à son prochain sursaut délirant ou le prochain ordre qu’il trouverait la force de donner.
La question de Kahina n’appelait aucune réponse et Merak ne pouvait pas s’occuper de tout. Il avait besoin d’elle pour s’occuper de son chef. De plus, si par malheur il venait à la tuer et que Zahrédine s’en sortait, ce dernier aurait la tête du jeune guerrier.
Si à la suite de cet échange, elle parvint à garder le silence, elle ne trouva néanmoins pas le sommeil. Elle avait fini par fermer les yeux, sentant l'agacement monter d'avoir le regard désapprobateur de Merak se porter de temps à autre sur elle.
Soudain des petits bruissements lui vinrent à l'oreille, semblables à de petits ricanements de satisfaction étouffés. Ils n'étaient pas seuls, mais elle n'avait pas entendu Merak bouger de son poste, s'était-il assoupi ?
N'y tenant plus, elle rouvrit les yeux et n’eut pas le temps de jeter un bref regard au guerrier pâle pour voir s’il était réveillé, qu’elle vit un corps glisser. Elle retenu un cri et tout son être se paralysa. Elle fixa l'endroit où le corps avait disparu un instant plus tôt. Il y avait un autre corps plus près d'eux, disparaîtrait-il aussi ?
Peut-être était-ce Merak qui se tentait de se tenir éveillé, et qui avait finalement décidé de les débarrasser des corps de leurs ennemis ? Le souffle coupé, elle prit la décision de tourner la tête pour voir si Merak avait bel et bien quitté son poste, mais de nouveau, avant qu’elle n’eut le temps de s’exécuter, elle vit de longues membranes glisser sur le corps de celui qui avait tué la jeune Ari, une ombre apparut au-dessus du cadavre.
Cette ombre malingre, à la forme humanoïde et dont les longues terminaisons constituaient en réalité des doigts aux extrémités aiguisées comme des lames, accompagnait chacun de ses mouvements par des ricanements fébriles, exprimant son contentement.
Submergée par la peur, Kahina se redressa et saisit la torche au dessus d'elle pour la ramener devant et effrayer la bête. L'effet contraire se produisit : la créature se releva de toute sa hauteur et tourna la tête en direction de Kahina. Elle se courba ensuite dans un feulement, découvrant des canines protubérantes et des prunelles jaunes luisantes aux pupilles rétractées.
Kahina ne sut répondre à la provocation que part le nom de Merak, qui se mut en cri aigu et strident, excitant encore un peu plus l'esprit de la chose qui se tenait devant elle. Tout à coup la torche lui fut tirée hors des mains. Le jeune guerrier se tenait devant elle, et éloignait la torche du champ de vision de l'abomination qui s'était faite si menaçante quelques instants plus tôt, seules deux billes nyctalopes brillant dans la nuit leur faisaient désormais face :
« Ignorante ! Ce sont les cadavres qu'elle veut, pas toi ! Tais-toi et laisse-là accepter le cadeau que je lui fais en n'ayant pas enterré nos assaillants. Tremble, cache-toi les yeux, bois du jus de sabarine pur, je n'en ai cure, mais fais silence ! »
Sous le choc, Kahina ne trouva à nouveau aucune réponse, et se laissa tomber sur sa couche en tremblant, comme venait de le suggérer le jeune homme lunatique aux yeux mordorés, qui fixait des yeux l'endroit d'où on entendait désormais un glissement dans le silence : celui du cadavre se trouvant au plus près d'eux.
Mais ce qui la perturbait davantage désormais était la métamorphose comportementale du jeune guerrier qu'elle côtoyait depuis plusieurs mois maintenant. Bien que d'un naturel lunatique et solitaire, ce dernier avec toujours un léger sourire au coin des lèvres et des paroles, certes sarcastiques, mais souvent atténuées - dans le souci, très certainement, d'atténuer la différence notable entre lui et ses pairs, en se rendant le plus avenant possible.
« Fais confiance à Merak », entendit-elle chuchoter Zahrédine. « C'est un descendant... comme nous. Il est juste… différent ? »
Nous ?
Un descendant ?
Mais de quoi ?
Il état vrai que la carnation de Merak avait davantage à voir avec celle des Muruwhi qu'avec celle de ses comparses. Voilà pourquoi il était “différent” et c’était à peu près le seul passage qui fut intelligible dans les paroles de Zahrédine. Toujours est-il que, convaincue que Zahrédine nageait en plein délire, elle se contenta de porter un regard affligé sur lui : paupières clauses, et parfaitement serein, malgré la douleur qui devait accompagner ce réveil fracassant. Ces paroles rassurantes bien que délirantes étaient celles du Zahrédine qu'elle avait connu quand elle était enfant. Comme il devait être mal en point pour s'exprimer de cette façon. Kahina osa regarder Merak, qui la fixait toujours de ses yeux mordorés dans lesquels du feu semblait danser, et elle se dit qu'elle aurait finalement dû suivre cette furie de Zaliya. C’est toujours avec cette rage dans les yeux qu’il l'avertit :
« Ne pose pas une seule question, je ne suis pas d'humeur. Zahrédine t'expliquera tout quand il ira mieux. En attendant, contente-toi de respirer. Cette goule ne te voulait aucun mal. Par contre, si elle a senti que tu ne feras pas de vieux os, elle est capable de nous suivre en attendant que tu passes de vie à trépas. Et si elle nous suit, ce sera ta faute. » Il crut bon d'ajouter : « Et je ne prendrais même pas la peine de te mettre du musc dans la bouche ! »
Une goule ? N'importe quoi, tenta de se convaincre Kahina.
Les goules sont des charognes vivant en solitaire dans les déserts. Il se murmure que quand elles n'ont aucun macchabée à se mettre sous la dent, elles attirent les voyageurs perdus dans les étendues de sables pour jouer avec et les manger une fois morts. Selon les légendes, on les dit apparentées aux djinns et elles ont une petite préférence pour les individus masculins. Ces derniers, une fois qu'ils ont croisé le regard de ces créatures, les découvrent sous les traits d'une belle femme ou d'un être égaré, et les suivent bien sagement jusqu'à leur terrier. Elles s’amusent avec leurs proies, et une fois celles-ci décédées, les mangent.
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Mélodie.O
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Il y a 3 ans
Suelnna
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Il y a 3 ans
clecle
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Suelnna
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Il y a 3 ans