Fyctia
La bataille d'Urduni 3/3
Zaliya s'agenouilla aux côtés de Zahrédine, se toucha le cœur avec la main pour venir la déposer sur le front de son neveu. Tandis qu'elle la retirait, elle jeta un regard noir et rempli de sous-entendus à Kahina.
« Retrouve sa sœur et les deux étrangers. Ramène-les à Ifrin et laisse-moi. J'ai envoyé Zayr chercher des renforts, ils me trouveront.
— Tu pressentais ce qui allait se passer ? »
Zahrédine sourit et eut un mouvement de tête vers le vieux guerrier dont la tunique était tachée de sang. Kahina fut frappée par la sérénité des traits du mourant et eut l'impression qu'il était en discussion avec lui-même. Cette ultime introspection de soi était unique et rarement accordée. Un instant pour aller retrouver la jeune âme qui nous accompagna à l'aube de notre vie, et qui se demandait de quoi l'avenir serait fait. L'occasion de se remémorer les moments de douceur et de labeur qui ont fait grandir cette dernière afin de la porter jusqu'au crépuscule de notre existence. La dernière opportunité, enfin, de faire la paix avec ses choix, ses actes, et ses blessures du passé.
« Lui savait.
— Nous savions », le corrigea le vieillard en soupirant.
Alors que Merak et Elia revenaient avec sœur, Armel et Sam, apeurés, Zaliya leur annonça le départ. Anna avait disparu et Kahina n’avait pas eu le temps de s’en inquiéter. Elle semblait être redevenue Anna, et Kahina pouvait lire la panique dans les yeux de son aînée.
« Je reste ! » S'exclama Kahina, qui se justifia tant bien que mal : « Je peux l'aider à tenir, Asha m'a… »
Zaliya la regarda avec mépris, la saisissant par le bras :
« Tais-toi, et viens ! »
Alors que Kahina défiait la guerrière du regard, elle décida de se servir de son corps comme d'un poids mort pour mettre la combattante en difficulté. Rhija agrippa le bras de Zahrédine et murmura, d’une voix rauque, la même que Kahina avait entendue à son retour de l’oasis, lorsqu’elle semblait avoir froissé l’égo du vieux guerrier :
« Laisse-la rester, Eldine. »
Une brise vint rafraîchir, la sagesse de Rhija les avait quittés. Zahrédine déglutit et ferma les yeux, il venait de perdre son plus précieux conseiller, celui qu'il avait toujours écouté.
« Zaliya, laisse-la. Merak restera avec nous. Conduis les autres à Ifrin. »
C'est à contrecœur que la parente de Zahrédine s'exécuta. Lâchant son emprise sur Kahina en la repoussant, elle partit sans se retourner. Kahina prit les devants :
« J'ai besoin de toutes votre sabarine et de tout l'alcool que tu pourras trouver », déclara-t-elle au jeune Merak, qui sembla hésiter, puis qui partit tout de même lui chercher ce dont elle avait besoin.
Elle n'osait pas toucher Zahrédine de peur qu'il s'énerve. Il allait bien le falloir, pourtant. Elle regarda autour d'elle et vit un de leurs assaillants, gisant au sol, baignant dans son sang.
« Merak attend ! C'est qui ceux-là, au juste ? »
Le jeune homme sans s'arrêter pour autant, lui répondit simplement ceci :
« Des Muruwhis ! »
Les serviteurs des djinns ?
« Ce n'est pas le moment de me jouer de la flûte pour m’endormir, Merak… » Accablée par le spectacle qui s'offrait à ses yeux, elle n'avait pu faire que murmurer ses remontrances à l’égard du jeune guerrier.
Zahrédine lui prit la main et l'attira à lui. « Tu vas devoir me retirer cette flèche, Kahi », murmura-t-il.
Kahina reporta son attention sur Zahrédine, son regard perdu rencontra le sien : incertain et tourmenté. Elle ne sut dire pourquoi, mais elle comprit que c’était le dessein de Zahrédine depuis le début était d’éliminer les étrangers. Elle eut a certitude que ni la mort d’Oleg, ni la mort de Gatien n’avaient été des accidents. Ce qu’elle réalisa surtout, c’était que Zahrédine avait davantage agi par devoir, plutôt que par simple mesquinerie.
« Je sais ce que j’ai à faire, comme toi tu savais ce que tu avais à faire avec les étrangers. Cependant, je tends à espérer qu’il n’arrivera rien à Armel ou à Sam, Zahrédine. Pour ce qui est du reste, espérons que j’ai bien appris mes leçons auprès d’Asha. »
Elle tenta un sourire, mais Zahrédine fit la grimace, la douleur devait être atroce. Pour extirper cette flèche de son omoplate, il faudra que Kahina la brise et puis la retire. C’était mission impossible tant que Merak ne serait pas revenu pour le maintenir. Avant cela, elle devrait préparer la mixture, faite de sabarine et d’eau. Elle appréhendait ce moment, trop de sabarine et cela deviendrait du poison qui s’insinuerait lentement dans la blessure, pour finir par atteindre les organes vitaux du guerrier.
Elle lui saisit à nouveau la main pour le dissuader de tenter de retirer la flèche de lui-même, ce qui pourrait avoir effet d’aggraver sa blessure. Elle écarta une de ses mèches de cheveux afin de dégager son visage mat. Ses traits étaient pour l’heure défigurés par la crainte de ne plus rien pouvoir faire personnellement pour changer son destin. Elle remarqua pour la première fois dans ses cheveux d'ébène, d'infimes reflets roux mal dissimulés.
Puis une odeur, qui lui avait été jusqu’alors inconnue, monta à ses narines. Métallique et écœurante : celle du sang versé. Elle se fit violence pour ne pas se retourner et avoir à contempler de toute son étendue l’horreur dont elle avait eu un aperçu en pleine bataille.
Elle continua à distraire Zahrédine avec des attentions futiles qui paraissaient le rassurer. Il était beau, même quand il était vulnérable et à la merci de quelqu’un qui pourrait lui faire payer son arrogance.
Le salut de Zahrédine dépendait désormais d’une historienne novice possédant des connaissances clandestines en matière de soins. Si cette flèche ne le tuait pas avant, il était tout à fait possible que Kahina finisse le travail si elle se montrait trop maladroite en préparant le cataplasme qui allait servir à éviter à la plaie de s’infecter.
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Mélodie.O
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