Fyctia
Nier l'évidence
Mon réveil sonne et je lui réponds par un grognement. Je commence avec une heure de grammaire anglaise. Le pire cours qui puisse exister sur cette planète... après les maths évidemment.
Je me lève avec toute la disgrâce du monde, enfile des habits qui me tombent sous la main et prend la direction de la cuisine. Je mets en route la bouilloire et mange une pomme en attendant que l'eau chauffe. J'ai bossé tout dimanche vu que j'avais passé la journée de samedi avec les garçons pour me faire pardonner mon comportement. On est descendu sur le port où l'on a glandé au soleil puis je suis rentrée en fin d'après-midi chez moi histoire qu'ils puissent enfin passer du temps rien qu'entre mec.
Je retrouve Marine un peu plus haut dans ma rue. Je la connais depuis que je suis arrivée en France, soit depuis 9 ans. Elle est ma confidente et c'est sans doute l'une des personnes à qui je tiens le plus.
Un grand sourire se dessine sur ses lèvres quand elle m'aperçoit. Je me met à marcher plus vite et je la prends dans mes bras. Elle me serre fort contre elle et on commence à remonter vers l'université. Elle fait une licence de sciences de la vie. Plus tard, elle voudrait devenir vétérinaire mais elle préfère faire des études avant "au cas où" elle n'y arrive pas. Mais tout le monde sait qu'elle y arrivera.
- Alors, ton week-end ? Me demande-t-elle.
- J'ai sympathisé avec de nouvelles personnes... Et toi avec Pablo ? Est-ce que ça s'est arrangé ?
Son sourire se rétrécit quelque peu. Son petit ami, Pablo nous vient tout droit du Mexique. Il est dans la même classe que moi. Il est gentil mais un peu con quand même au niveau de sa relation avec Marine. Plus ça va, plus il me la tue.
- Oui un peu... Il est venu à la maison et on a regardé un film... Comme d'habitude quoi. Mais toi raconte moi !
- Et bien tu vois les deux gars là-bas ?
Je pointe du doigt Luc et Romain qui sont en train de se disputer un morceau de gâteau. De vrais gamins les deux là. Marine acquiesce et m'intime de continuer.
- Le blond, Luc, m'a invité à sortir vendredi soir avec eux. L'autre s'appelle Romain. On est allé en boite où nous avons été rejoint par deux militaires, Ruddy et Alan. C'était cool.
J'omets volontairement comment s'est terminée la soirée et passe directement à la journée de samedi. Je sens qu'elle est heureuse pour moi. Elle sait à quel point je souffre et moi je sais que quelque part, je l'entraîne avec moi afin que je ne me consume pas toute seule.
Nous récupérons Aurore au pied du grand escalier. Aurore et Marine sont l'opposées l'une de l'autre. Aurore est très fine, grande, brune à la peau blanche, discrète et associable. Marine quant à elle est tout en forme, grande aussi, châtain à la peau claire. Elle descend du Nord-Pas-De-Calais. Aurore elle, est une pure Bretonne.
- Bon, je vous laisse les filles, j'ai mon cours de socio au troisième étage !
- On se retrouve à la cafet après pour reprendre ce que t'auras perdu en montant les escaliers alors ! Lui hurle Marine.
- Pas de soucis ! Répond Aurore.
Je souris et ajuste mon sac sur mon épaule. Nous nous séparons dans la minute qui suit afin de rejoindre nos salles respectives.
La cafétéria est presque vide. La majorité des étudiants sont dehors en train de siroter une boisson fraîche assis au soleil. Je voudrais faire de même mais les filles tiennent absolument à connaître tous les détails sur mes deux militaires.
Nous nous asseyons à une table, elles deux en face de moi.
- Alors... Je n'ai vu Ruddy qu'à la lueur des lumières colorées de la boite de nuit mais je parierais qu'il est blond vénitien. C'est un matelot fiancé, très amoureux. Je ne le connaît pas vraiment.
- Et Alan !? Me demande-t-elles à l'unisson.
Dès que j'ai annoncé que le marin était fiancé, elles s'en sont désintéressées. Les harpies.
- Alan est très gentil, grand, bien bâti, brun, beau... Il est aviateur à Rochefort pas loin de La Rochelle. Il est en vacances et est à Lorient en ce moment mais il revient demain soir. Vous aurez peut être une chance de le rencontrer...
Mes deux potes se lancent un regard complice avant de me regarder, souriantes.
- Il te plait ? Avoue ! Me dit Marine.
- Mais bien sûr qu'il lui plaît ! Putain je le savais ! Répond une voix masculine.
- A mon avis il n'ont pas fait que parler quand il est allé chez elle samedi matin... Renchérie une autre voix grave.
Luc et Romain. Je les présente aux filles et ils prennent place l'un à ma gauche et l'autre à ma droite.
- Alors de un, il est seulement venu prendre de mes nouvelles et ensuite c'est juste un pote comme vous vous êtes mes potes. Faut arrêtez de déconner.
J'ai attaqué directement.
- T'es mignonne quand tu t’énerves, ton accent ressort encore plus.
Je foudroie Romain du regard tandis que les autres se marrent. C'est ça. Mais moi je sais. Je sais qu'il ne peut pas me plaire et qu'il ne me plaira pas parce que je l'ai décidé. Ce qu'il s'est passé ce matin là est déjà aux oubliettes et ça ne se reproduira pas. C'est clair et net dans mon esprit, il n'y a plus qu'à faire en sorte que ça le soit aussi pour mon coeur et mon corps.
- Faites pas chier. Si je vous dis qu'il me plaît pas, il me plaît pas.
- Oooh calme toi, on te taquinait juste ! Rhaaaa les femmes... On peut rien leur dire.
Cette fois c'est trois paires d'yeux qui foudroient le grand brun.
- Bah quoi ? A votre avis si je préfère les mecs c'est pour quoi ? On est moins compliqué c'est tout, faut arrêter de nier mesdames.
- Ou alors c'est juste vous qui êtes trop cons pour pas intercepter nos signaux ?
Et bim. Je suis contente que le courant soit passé entre eux. On mange ensemble et quand l'heure de la reprise des cours arrive, nous nous séparons de nouveau.
- Marine ! Il est où Pablo ? L'interpellais-je avant qu'elle ne s'engouffre dans le bâtiment.
- Il est resté avec sa mère, elle est malade mais il devrait venir demain.
- Ah d'accord, j'espère que c'est pas trop grave quand même.
- Non ne t'inquiète pas !
Et elle s'en va. Je peux sentir sa tristesse d'ici. Quand je l'ai connu elle était forte mais depuis qu'elle est avec son Mexicain, elle n'est plus qu'une poupée de chiffon. Elle s'effondre à la moindre chose. Elle même elle sait que ce serait mieux d'arrêter mais elle l'aime. Elle est comme les femmes battues... Elles sont amoureuses alors elles restent et à chaque coup reçu, s'éteignent petit à petit. Sauf que lui, il lui fait mal avec ses mots. Dès fois ce qu'elle me raconte mais laisse sur le cul. Je ne sais pas comment elle fait pour ne pas lui rentrer dans le lard dans la seconde qui suit ses paroles.
L'amour c'est de la merde. Ça nous rend faible, ça nous bousille. C'est toujours plus de douleur que de plaisir. On a peur que l'autre déconne. Bref, c'est à chier. Et plus jamais je ne veux retomber amoureuse.
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