Hiurda La Bête de la Terre des Rois Promesse - Partie 3

Promesse - Partie 3

Le lendemain midi, ce fut Asvard, puis au soir Olvir. Le jour d’après Sigvald s’occupa des deux repas. Et ainsi de suite, les six guerriers se relayant repas après repas. Ils ne disaient pas un mot. Se contentant d’ouvrir la fenêtre et d’attendre qu’elle ait mangé. Pas de colère ou de remontrance. Pas de regard mauvais ou de grognement. Dans les bons moments, elle s’imaginait qu’ils tenaient à elle et ne voulait pas la voir mourir de faim. Dans les périodes plus sombres, elle se disait qu’ils devaient la garder en vie pour le sacrifice à Fryktebjorn. 

C’est dans un de ces passages dépressifs que Toumet prit son tour. 

« Toi viens nourrir l’agneau du sacrifice ? »

Ishta avait mis tout son dégoût dans sa voix. Mais voir l’expression peinée de Toumet ne lui apporta ni réconfort ni sentiment d’accomplissement. Elle ne la revit plus après ça.


Ishta s’était endormie peu après le repas de midi, elle ne faisait plus grand-chose d’autre, à part manger. Les derniers jours se confondaient tous et elle ne savait pas depuis combien de temps elle s’était enfermée, ni même le nombre de repas qui lui avait été apporté. L’esprit encore dans les limbes du sommeil, il lui fallut un moment pour identifier ce qui l’avait réveillé. 

Deux personnes se disputaient à voix basse dans le couloir. 

« Sjel, tu dois le lui dire ! »

Toumet. 

« On ne sait toujours pas si elle est capable ou non de communiquer avec son père ! »

Leif. Comme si elle possédait le moindre moyen de communication. Elle n’allait pas se mettre à faire des signaux de fumées. Elle n’avait pas caché un pigeon voyageur sous ses jupes de voiles ou construit un bûcher en haut d’une montagne, discrètement, en chausson de soie.

Plusieurs bruits de bottes se firent entendre, trois personnes au minimum se dirigeaient d’un pas pressant dans le couloir. Presque aussitôt suivi par une remontrance sévère à voix basse.

« Elle dort, laissez la tranquille ! Leif, tu crois pas que t’en as fait assez ? »

Finn ? Elle ne l’avait jamais entendu se mettre en colère.

« Sjel, si la Dod Varmt possédait encore la moindre magie digne de ce nom, la guerre aurait eu une tout autre allure tu ne crois pas ? »

Au moins, Toumet savait utiliser sa tête. 

« Le Storkan n’est pas encore passé, c’est trop tôt, on peut pas prendre de risque », répondit son mari.

Ishta ne voyait pas en quoi le Storkan avait un quelconque rapport avec la situation. Et quand bien même elle serait en communication avec son père, avant ou après le storkan ne faisait pas vraiment une grande différence.

Malgré elle, sa tête reprit le dessus et son cerveau se mit à fourmiller, cherchant des réponses. 

« J’en ai rien à foutre de ta paranoïa de merde ! Laisse-la vivre ! s’emporta Askel. Si t’as pas encore reçu mon poing dans la gueule, c’est uniquement grâce à l’affection qu’Ulrik te porte pour les dieux seuls savent quelle raison ! »

D’un tempérament d’ordinaire calme, sa voix était pourtant déformée par la rage. 

« Tu as de la chance qu’elle vienne de la Dod Varmt, une femme íbúan t’aurait déjà ouvert les entrailles à coups de couteau pour moins que ça ! »

Asvard. Étaient-ils en train de la défendre ? 

Elle était bien d’accord avec lui, elle aurait dû planter un couteau dans le ventre de tous ces abrutis. Mais les deux frères et Finn s’étaient déplacés jusqu’à sa chambre, dans le fond d’un couloir inusité, pour la défendre face à Leif. Ishta ne comprenait pas. Et elle en avait plus qu’assez d’être tenue à l’écart. Plus qu’assez, que tous décident à sa place. Tant pis, si elle passait pour naïve de croire qu’ils avaient de l’affection pour elle. Au moins, elle serait fixée.

Elle se leva du lit et ouvrit la porte. Leif et Toumet se tenaient face à Finn, Asvard et Askel. Et tous la regardèrent, surpris.

« Pourquoi tu fâches contre moi quand je pleurer ? » demanda-t-elle à Finn.

Devant son incompréhension évidente, elle précisa.

« Dans la grande salle, quand je crier sur Toumet. »

« Je… J’étais pas fâché contre toi. J’étais fâché contre Leif à cause de sa paranoïa et contre Ulrik qui se comporte comme un lâche pour la première fois de sa vie ! »

Ishta avait du mal à imaginer Ulrik avoir assez peur de quoique ce soit que pour devenir un lâche.

« Si je bien comprendre, reprit-elle, vous défendre moi ? » 

« O… oui. »

Le guerrier parut perplexe, comme si la question ne se posait pas. 

« Et quand vous donner nourriture à moi, c’est parce que vous inquiet pour moi ? »

Les deux frères se regardèrent, confus.

« Oui, répondirent-ils en cœur.

— Mais alors, pourquoi vous donner moi à Fryktebjorn ? »

Sa voix se cassa sous l’émotion et ses yeux se remplirent de larmes. 

Finn s’agenouilla devant elle. Il était tellement grand qu’il arrivait tout de même à hauteur de ses yeux. Et il sortit un couteau de sa ceinture qu’il plaça dans la main d’Ishta. Il en appuya la pointe contre son propre cœur et chercha le regard de la jeune femme. 

« Tu fais partie de la famille maintenant, Sjel. Fryktebjorn ne touchera pas un cheveu de ta tête, j’en fais la promesse. S’il venait à me faire mentir, alors tu pourras planter cette dague dans mon cœur et personne ne t’en empêchera. Tu comprends ? »

Au cours des dernières semaines, elle avait appris beaucoup de choses sur les Íbúa, la première d’entre elles étant qu’ils ne mentent pas. Finn lui avait clairement dit que la Bête ne lui ferait pas de mal, bien qu’elle ne sût comment il pouvait en être si sûr. Et elle ne pouvait continuer à batailler seule. Ces hommes tenaient visiblement à elle, il lui faudrait apprendre à leur faire confiance. De plus, Finn venait de le lui promettre sur sa vie. Elle retira le couteau de la poitrine du guerrier et voulut le lui rendre, mais il le repoussa.

« C’est le souvenir de mon serment envers toi aujourd’hui. Il est à toi. »

Elle accepta le présent et se tourna vers Leif.

« Tu devoir explications à moi. Quand je enfin voir ta tête sans vouloir la taper, toi et moi devra discuter. »

Son cœur battait la chamade. Jamais elle n’avait osé parler de cette façon à un homme. Encore moins à un homme de son statut. Mais si elle voulait être traitée comme une Íbúa, elle devait se comporter comme telle. La raison pour laquelle Finn tenait Leif pour responsable lui échappait encore, mais elle avait décidé de faire confiance au guerrier.

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