Fyctia
Chapitre 24
Cette conversation décide encore plus Luc Wallock à agir alors que ce n'était pas du tout le but souhaité.
En plus de n'être sûrs de rien, nous sommes en danger si nous avons bel et bien affaire à une divinité. Et s'il cachait encore d'autres pouvoirs, tout aussi dangereux que les premiers ?
— Comment faites-vous pour seulement y croire ? Et pourquoi ce dieu de l'Oubli si puissant vivrait-il dans les Enfers, au milieu d'autres dieux ? Je croyais que les divinités habitaient les cieux.
Les yeux du professeur s'arrondissent. Il a vraiment l'air possédé...
— Il ne vit pas parmi eux, il les gouverne ! Ne comprends-tu pas ? Il y a toujours une hiérarchie, et le dieu de l'Oubli n'est pas celui qui est le plus répandu dans les cultures. Pourquoi ? Parce que son pouvoir fait peur, autant aux hommes qu'aux divinités elles-mêmes.
— Bien. Donc, si on suit votre théorie, cet homme qui m'a caressé la joue le premier soir et qui est passé d'un renard à un homme dans mes bras est un dieu, plus précisément celui de l'oubli. C'est pour cette raison qu'il a réussi à manipuler l'esprit de Lola. Et il vivrait à la fois dans ce manoir étrange et dans les Enfers sous nos pieds. Parfaitement logique, pas vrai ? Maintenant, comment le retrouver, hein ? Je ne sais pas pour vous, mais les cartes ne marquent pas toutes l'entrée des Enfers. Quel dommage, ça m'a tout l'air d'être un endroit si charmant !
Il soupire devant mon sarcasme.
— On en revient à l'énigme dont je te parlais au tout début. La vieille femme explique qu'elle ignore comment y entrer, mais qu'une formule qu'on lui a prononcée lui revient sans cesse en mémoire lorsqu'elle pense à cet endroit :
« Au milieu d'un gigantesque miroir étoilé,
Tu devras oublier le bonheur et libérer tes souvenirs
T'enfoncer, descendre, souffrir et te laisser mourir
Pour renaître devant les portes du royaume des Suppliciés. »
Un silence s'installe à la suite de cette prophétie sibylline. Nous nous dévisageons, le professeur et moi, sans savoir quoi en penser.
Comment se fait-il que cette vieille femme en ait appris autant à l'époque alors qu'elle n'était même pas morte ? Aurait-elle rencontré ce renard, elle aussi ?
Devant l'ampleur de la tâche qui nous attend, je m'emporte :
— Nous n'y arriverons jamais. Il faut se rendre à l'évidence, rien que le mot « mourir » peut avoir une centaine d'interprétations à lui tout seul !
— Exactement. C'est pour ça qu'il faut commencer par ce « miroir étoilé », qui semble être la clé de toute l'interprétation que nous devons donner à cette énigme.
Un miroir étoilé ?
Mon cerveau se met aussitôt en marche. De même pour le professeur.
Cette formule, c'est juste l'interprétation des dieux lorsqu'ils contemplent notre monde. Ils n'utilisent pas les mêmes mots que nous, puisqu'ils ne perçoivent pas ce qui nous entoure de la même manière. Il me faut donc me mettre à leur place afin de trouver ce qui pourrait leur faire penser à un miroir étoilé sans être un véritable miroir.
Quand soudain, un plateau envahit mon champ de vision et me fait perdre le fil de mes réflexions.
J'aurais dû deviner qu'il était impossible pour Marc de nous laisser tranquillement discuter à une table sans prendre part à la conversation.
Il nous considère tour à tour avant de s'asseoir à mes côtés, sans aucune approbation de notre part.
— Professeur ? J'espère que ça ne dérange pas si je m'installe à votre table, dit-il avec un sourire que je voudrais pouvoir lui faire ravaler.
Face à moi, le professeur me jauge pour savoir ce que j'en pense. Un mince sourire se dessine sur son visage lorsqu'il se rend compte que la présence de Marc m'irrite.
— Je t'en prie, déclare-t-il avec bienveillance.
Je lève les yeux au ciel, ce qui fait doucement rire le professeur Wallock.
Les hommes prennent quelques fourchettes de leur nourriture en silence pendant que j'essaie de retenir mes remarques aiguisées. Sans succès.
— De toute façon, si tu nous gênais, nous n'oserions pas te le dire, rétorqué-je.
Le professeur lève la tête de son assiette pour me réprimander du regard. Pour toute réponse, je hausse les épaules.
Je me fiche de blesser Marc.
L'étudiant en question se racle la gorge, soudain mal à l'aise, mais ne se laisse pas démoraliser pour autant.
— Dites-moi, professeur, combien de temps faut-il pour aider une étudiante aussi brillante qu'Emma à parfaire son exposé de théologie ?
Quoi ?
Le professeur rit de bon cœur en étudiant Marc avec effronterie.
— Combien de temps faut-il pour aider une étudiante à rédiger le plan de son mémoire ? Je n'en sais rien, mais nous progressons assez rapidement. Maintenant, si vous n'avez plus de question aussi étrange que celle-ci, je vais vous laisser.
Je lui souris avec satisfaction. Luc Wallock me connaît assez bien maintenant pour savoir que j'ai sorti l'excuse du mémoire à Marc afin qu'il cesse de se mêler de mes affaires.
Autant dire que Marc est très peu ravi de notre insolence à tous les deux, à en juper par ses traits durs. Il baisse la tête vers son assiette dans un mutisme tendu.
L'instant d'après, le professeur se lève avec son plateau et, lorsqu'il passe devant moi, glisse une main sur mon épaule.
— Emma, si tu trouves le moindre indice, appelle-moi. Tu as mon numéro, n'hésite pas.
De quoi... ? Ah oui, le miroir étoilé.
Il me fait un clin d'œil amical, puis s'éclipse.
Et c'est comme ça que je me retrouve seule avec Marc le grincheux.
— C'est quoi, ton problème, Marc ? l'attaqué-je aussitôt. Tu es vraiment obligé de me suivre partout et de t'incruster lorsque le professeur est là ? Tu veux des bons points ?
Ma remarque lui hérisse le poil. Sa main se referme brutalement sur son bout de pain pour le massacrer.
— Tu ne comprends vraiment rien, Emma ! Je me fiche des bonnes notes, ou que les professeurs m'apprécient.
— Alors quoi ?
Mes yeux se plantent dans les siens avec dureté. J'attends vraiment qu'il me dise la vérité, peu importe ce que c'est, même si je doute de l'obtenir aujourd'hui.
— Ce n'est pas moi qui ai un problème, c'est toi, articule-t-il entre ses dents serrées.
— Pardon ?
Il rumine, encore et encore, jusqu'à lâcher ses couverts. Là, il se tourne vers moi avec colère.
— J'ai dit que c'était toi qui avais un problème. Est-ce que tu t'es vue, Emma ? Charmée par un professeur ? Comment tu comptes t'en sortir avec ça ?
Je ricane.
— Je vois. Bien que ça ne te concerne absolument pas, je n'ai aucuns sentiments pour le professeur autres qu'amicaux. Nous effectuons simplement des recherches ensemble qui doivent rester secrètes, dans le cadre de sa nouvelle thèse et de mon mémoire, affirmé-je sans ciller. Un problème avec ça, Marc ?
Il s'apaise légèrement.
— Aucun problème.
Après un hochement de tête penaud, il retourne à la contemplation de son plateau et moi, à mes réflexions autour de cette énigme.
Où es-tu, satané renard ?
7 commentaires
Hell-vixen
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Il y a un an
Jess Swann
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Il y a un an
hannahloyanna
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Il y a un an
Jess Swann
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Il y a un an