Fyctia
11. 1 Secrets - The Weeknd
11.1 Secrets - The Weeknd - Sayu
Présent : Dimanche 19 Mai – 21 ans :
Mateo :
Sayuki :
Mateo :
J’ai l’impression d’être dans le flou depuis qu'on a retrouvé Mateo et le reste de La Meute. Aki se comporte bizarrement depuis jeudi. Erika, elle ne répond que brièvement à mes messages. J'ai l'impression que mes cousins m'ignorent, et la boule dans mon ventre me fait écouter mon instinct.
On est en train de se foutre de toi, Sayuki, me murmure cette voix au plus profond de moi.
Mateo est habillé d'un t-shirt blanc, sous un maillot de basket avec un short assorti. Adossé à sa voiture grise, il me lance ses clefs quand j'arrive en face de lui.
— Tu fais quoi ?
— C'est toi qui conduis, on a du temps à rattraper, rétorque-t-il.
— Je n'ai pas mon permis, et je ne sais même pas conduire.
— Je sais, Aki m'a demandé de t'apprendre.
— Ça l'arrange bien, il n'a, soi-disant, jamais le temps, je réponds en me plaçant sur le siège passager. Mais une prochaine fois, je t'avoue que je n'ai pas la tête à ça…
— Comme tu voudras, ajoute-t-il, sans insister avant de démarrer.
Même si quinze ans nous ont séparés, et que je n’ai pas la totalité de mes souvenirs, j’ai l’impression de le connaître depuis toujours. Et le timbre de sa voix me fait penser qu’il ressent pareil. Il me parle de sa mère, à quel point elle serait heureuse de me voir. De la première copine qu'il a eue à la dernière qui lui a fait du mal. Je l'écoute silencieusement, attendant qu'il me révèle enfin ce que je ne comprends pas. Un détail qui rendra la lumière à ces eaux troubles.
— Est-ce que tu peux être honnête avec moi ?
— Je vais essayer, Yuk.
— Pourquoi suis-je là ?
— Parce qu'on va au match amical de Rika et Andrea.
— Mais pourquoi ? je lance en me tournant vers lui. Lundi passé, vous n'existiez même pas. Ou plus. Je ne sais même pas… Et pourquoi on ne vous a jamais vu en quinze ans ? Greenwood est une grande ville, mais pas assez pour ne pas se croiser.
Au feu rouge, il tourne la tête vers moi :
— L'accident du lac a été dur pour tout le monde et… après le décès de mon père, je me suis beaucoup renfermé. Je n'ai pas cherché à vous contacter, Akito, Rika et toi… Et le temps est passé…
— C'est vraiment stupide, je souffle. Et c'était quoi l'excuse des autres ?
Mateo se tourne brusquement et moi, je n'ai pas pesé mes mots. Son regard s'assombrit un instant, et je ne perds pas de temps pour m’excuser, mais il me coupe :
— Je crois que les autres ont juste suivi le mouvement, dit-il en se parquant près du terrain du fleuve. Mais pour ma part, si tu es là, c'est parce que Akito et moi regrettons beaucoup le temps qu'on a perdu. Et je suis très content de retrouver les membres de ma famille.
J'aimerais lui en vouloir, c'est vrai. Pour ce temps qu'on a perdu, pour les souvenirs que je n'ai plus. Mais j'apprécie trop ses mots pour dire quoi que ce soit.
Quand on sort de sa voiture, je me dirige vers lui et le serre fort dans mes bras.
— Si un de vous disparaît encore une fois, je ne vous le pardonnerais pas.
Il rigole légèrement et me relâche.
— Tu pourras être un peu plus douce avec Adrian, s'il te plaît, bredouille Mateo. Je pense que de nous tous, c'est lui qui s'en veut le plus, ici.
Je m'arrête brusquement à la fin de sa phrase et le dévisage de questionnement. Pourquoi s’en voudrait-il de quoi que ce soit ?
Je prends une grande inspiration, car décidément, je ne comprends plus rien. On dirait une boucle temporelle qui me fait toujours revenir au point de départ. Une tonne de questions martèlent ma tête en ce moment-même, pourtant j’ai la ferme conviction qu’on ne va faire que me mener en bateau.
M’approchant du terrain, je ne peux pas éviter le regard d’Adrian fixé sur moi. Le temps a été bon avec lui. Torse nu, je peux voir que son corps est musclé. Il est juste un peu plus petit que son cousin, mais encore plus beau, je dirais.
« De nous tous, c'est lui qui s'en veut le plus. »
Si seulement je savais bien pourquoi, alors peut-être que ça me permettrait d'éprouver autre chose que ceci… Parce que tout ce que je ressens quand je les vois… C'est de la colère.
Je ne peux que leur en vouloir pour cette sensation d’abandon qu’ils m’ont laissée. Je ne peux pas les accuser pour cet autre sentiment que j’éprouve…
Son goût amer ressemble à de la trahison.
— Regarde, A.D, tu peux aller réclamer ton os, maintenant, balance DeLuca en lui lançant le ballon.
Ce dernier le rattrape avec facilité et même s’il me tourne le dos, je ne peux pas m'empêcher d'observer ses muscles se tendre.
— Continue à faire le malin, réplique ma cousine à l’attention de DeLuca. Je vais te faire lécher le sol.
— Très bien, on va voir si le temps a été bon avec toi, réplique Andrea, si sûr de lui. On commence par un one-one*, sinon tu seras trop fatiguée pour le deuxième quart de temps.
— Il mérite vraiment que tu lui fasses mordre la poussière, crie Jay à ma cousine, avant de lancer le compteur. Vous avez dix minutes pour atteindre les dix points.
Et pendant les trois premières minutes, ma cousine à l’avantage sur DeLuca. Mateo rejoint Akito et moi, je m’installe sur le banc en face du terrain de jeu. Il ne faut pas plus d’une minute à Adrian pour me rejoindre.
— Je sais que tu m’en veux, je l’ai bien vu l’autre soir quand tu es revenue à la table, et encore là quand je te parle.
J’aimerais l’interrompre, mais m’arrête, car je ne sais pas quoi dire.
— Je m’excuse de n’être pas revenu plus tôt, Yuki. Et je vois bien que tu as envie de me taper, finit-il en fixant mon poing fermé. Laisse-nous rattraper le temps perdu, s’il te plaît.
Cette excuse de rattraper le temps commence à bien faire. Ils n'ont que ça à la bouche. C'est pourtant leur faute, si nous en sommes là, à l'heure actuelle. De nouveau, une boule de pression vient se former dans mon ventre. J’ai à la fois envie de le serrer dans mes bras, et à la fois envie de lui poser d’autres questions, juste après lui avoir tiré les oreilles.
Comme, pourquoi s’en veut-il, ou pourquoi se comportent-ils de cette manière avec moi, et pas avec Erika ou Akito… Encore une fois, comme si je n’étais pas dans la confidence.
Jay sonne dans le sifflet, annonçant la victoire de ma cousine. Tout le monde applaudit et moi, je réponds à Adrian pour la toute première fois :
— Je suis contente de vous retrouver. On a du temps à rattraper.
Le cœur serré, mes mots ressemblent à une prière, essayant de noyer la résonance de mes doutes.
***
One-one : un contre un
1 commentaire
asushiino
-
Il y a 2 ans