Fyctia
chapitre 22
Les jours suivants Andréas se cloîtra à Sartrouville. Curieuse façon d'agir de la part d’un être indépendant, pas particulièrement casanier.
Monique essaya en vain de l’amener à se confier. Il demeura plus que jamais bouche cousue. Elle n’allait pas tarder à être fixée sur cette attitude insolite. Un spectaculaire coup de théâtre, allant de manière scandaleuse, éclaircir les zones d’ombre entourant son compagnon et mettre fin à leur liaison.
Un matin , dès potron-minet, le timbre de la porte d’entrée résonna avec insistance. Monique, réveillée en sursaut, se demanda quel pouvait être le fâcheux qui se permettait de les déranger à une heure indue. Elle enfila sa robe de chambre et courut observer ce qui se passait à l’extérieur. Dans la contre-allée attenante au jardin, deux hommes étaient en faction sous le parvis de la maison. De visu, les individus ne paraissaient pas inquiétants; elle se préparait à aller vérifier ce qui se passait, quand un autre coup de sonnette, plus prolongé que le premier, suivi de la sommation: «Police, ouvrez!» la cloua sur place.
Frappée par l'impérieuse invective, Monique se crut revenue à l’époque de la détention de son beau-frère, ayant souvenance d’avoir dû alors, se soumettre à ces intrusions. Elle ne trouva rien à ce jour, qui fut susceptible de les motiver, Bertrand étant à présent libre et lavé de tout soupçon. L’éventualité d’un accident touchant l’un de ses voisins, lui traversa l’esprit, elle réalisa qu’elle n’était pas seule en la demeure et courut chercher de l’aide auprès de son compagnon, qui devait s’être éveillé.
Elle eut la surprise de constater qu’Andréas était déjà hors du lit et qu’il lui avait fallu peu de temps pour entièrement se vêtir.
«Des policiers sont à la porte!» annonça-t-elle, avec la force tranquille d’une personne étant en paix avec sa conscience.
Apparemment, ce n’était pas le cas de son compagnon, qui présentait l’apparence d’un homme en proie à la panique.
-Tais-toi s’exclama-t-il, péremptoire, lui imposant impérativement silence .
-Magne-toi! ajouta-t-il d'un ton sans réplique, va leur ouvrir et arrange toi pour les retenir dans le jardin. Il faut que je me tire d’ici .
Il ajouta, surprenant dans le regard de sa compagne une interrogation muette:
-Pas le temps pour des questions, ma grande, contente-toi de faire ce que je te dis.
Il avait adopté la façon d’agir des voyous. Monique parvint à conserver suffisamment de sang-froid pour exécuter les ordres, elle agissait davantage par peur que par docilité, pour la première fois de leur vie de couple, elle avait conscience que l'homme pouvait être dangereux.
Les représentants de l’ordre s’impatientaient derrière la grille.
Monique, obéissant à la consigne, réussit à parlementer avec eux, sur le pas de la porte, avant de les laisser pénétrer à l’intérieur.
Le malin avait habilement manœuvré, le laps de temps ayant été suffisant pour lui permettre de fuir.
Après avoir fouillé les lieux de font en comble, les poulets, dépités, durent se faire une raison: l’oiseau s’était envolé!
Monique ayant peine à réaliser ce qui lui arrivait, dut les accompagner au SRPJ pour y être interrogée.
Elle apprit, sidérée, l'identité de son amant. Il n’était pas l’homme d’affaire en quête d’un nouveau souffle qu’il prétendait être, mais un repris de justice, entre autre escroc international, recherché par Interpol.
Demeuré courtois, le policier la rassura en lui disant qu'elle ne serait pas inquiétée, n'étant pas censé savoir qu'il était sous le coût d'un mandat d’arrêt. Sans autre détail, il précisa, devenu sévère, qu'elle devait désormais lui interdire l’accès à la villa, sous peine d’être elle-même exposée à des poursuites. L’officier de police eut beau se montrer courtois, la sachant irréprochable, il ne put lui épargner l’humiliation de l’innocente soumise à un interrogatoire.
Monique accusait mal le coup, n'ayant jamais eu à affronter une telle épreuve. Elle entendit, dans une sorte de brouillard, les mises en garde de l'inspecteur lui conseillant d'être plus prudente en ce qui concernait ses relations. Parvenant à se départir de sa réserve, elle osa la question qui la taraudait:
-Celui qu’elle avait hébergé sous son toit, était-il un assassin?
-A ma connaissance, le crime ne fait pas encore partie de ses délits, répondit le commissaire à son grand soulagement . Par contre, le «Pas encore!» ne fut pas sans l’inquiéter, lui donnant à penser qu’il l’en crût capable.
Ce fut une Monique fortement traumatisée qui sortit du commissariat, presque étonnée de se trouver libre. Elle comprenait à présent la réserve de son beau-frère, quand il avait apprit sa liaison avec Andréas; mais elle lui en voulait de l’avoir laissée se compromettre avec un hors la loi. Bertrand était resté évasif s'en tenant à lui laisser entendre qu’ Andréas était instable .
Elle était déboussolée par la façon d’agir, de son Beau-frère d’autant plus qu’auparavant, elle n’avait jamais rien eu à lui reprocher. Elle pensa dans son désarroi, qu’une franche explication s’avérait nécessaire. Avant de lui garder rancune, elle jugeait utile de remettre les pendules à l’heure.
Bertrand tenait commerce sur le marché d’ Aligre. Il vendait des articles de prêt-à-porter à prix cassés; débrouillard et hâbleur, il écoulait la marchandise à coups de bluff et parvenait à faire rentrer l’argent du ménage. Son physique de beau gosse, allié à une verve de Parigot,avait plu à sa sœur, qui était plus cultivée et méritait mieux. Monique, bien qu’en étant consciente, évitant de se mêler des histoires de cœur de sa cadette, s’était efforcée de faire bonne figure à ce beau-frère peu conforme à ses valeurs.
Cette fois-ci, l’affaire la touchant directement, elle était résolue à ne pas le ménager.
La riante place d'Aligre, point stratégique de ce vivant quartier du douzième arrondissement de la capitale, présentait le bucolique aspect d’un village, nature et vaches en moins.
En cette fin de semaine, son populaire marché était particulièrement animé, Monique en quête du commerce de Bertrand, eut du mal à se frayer un chemin, à travers la cohue des ménagères.
Elle trouva difficilement son étal, coincé entre un primeur et un poissonnier. Les coquillages du marchand, dérobés à la fraîcheur marine, dégageaient une forte odeur iodée; Monique senti l’aigreur lui monter à la gorge, (elle était allergique à tout ce qui provenait de la mer). Une grincheuse pressée lui balança son caddy entre les jambes; excédée, elle eut peine à ne pas l'injurier. Parvenue à prendre sur elle , elle interpella son beau-frère.
Debout derrière son comptoir, encombré par un amoncellement de frusques, Bertrand s’efforçait de persuader une matrone, au popotin gros comme une maison, qu’elle pouvait entrer dans un caleçon beaucoup trop étroit pour elle.
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