Fyctia
Trois mots qui changent tout
"Je t'aime."
Voilà une bien phrase qu'il y a encore à peine trois mois, il ne s'attendait pas tu tout à prononcer. Ces trois mots mis l'un après l'autre, il les croyait effacés à jamais de son vocabulaire, arrachés de son champ lexical telle la mauvaise herbe dans celui de son voisin agriculteur.
"Je t'aime."
Les mots qui viennent de sortir de sa bouche sont profondément sincères et pourtant, il se surprend lui-même à les entendre résonner dans la petite pièce.
"Je t'aime."
Elle s'est relevée sur ses coudes, lui a souri, lui a répondu, a déposé un baiser langoureux sur ses lèvres. Il s'est allongé sur le dos, l'air béat. Incrédule. Elle l'aime... Elle l'aime, lui, le pauvre type qui traîne sa misère depuis de longs mois, s'embourbant dans les sables mouvants d'une relation de couple devenue toxique et dont il ne sait comment se dépêtrer. Lui qui, contre toute attente, l'a attendrie, elle, en lui racontant par le menu son triste quotidien et ses déconvenues sentimentales.
"A quoi tu penses, Jimmy ?"
Il ne pense plus à rien. Etendu sur le lit, les bras derrière la tête, il profite simplement de ce moment d'hébétude. Elle l'aime, la Terre peut s'arrêter de tourner. Il sourit, le regard dans le vague, fixé au plafond. Puis il tourne la tête vers elle, comme pour lui dire de ses grands yeux de cocker : "Je ne pense à rien, Céline. Je suis juste heureux."
**
Céline était entrée dans sa morne existence telle une comète dans le système solaire : soudaine, lumineuse, apparemment inaccessible. Cette apparition fulgurante l'avait ébloui, mais il l'avait vite oubliée, pensant qu'un astre aussi brillant ne pourrait jamais faire partie de son petit univers à lui. Et puis il était retombé sur sa photo, sur ce sourire éclatant, cette mine à la fois radieuse et douce. Elle lui avait inspiré une phrase vaguement poétique : il lui avait envoyée par la messagerie du site, au cas où, sans s'attendre à une quelconque réponse.
Et contre toute attente, elle lui avait souri. Enfin, envoyé un smiley, pour être exact. Insignifiant. Mais ce petit icône jaune avait suffi à mettre un peu de baume au coeur malade de Jimmy.
Il se rappelle encore du moment précis où il a reçu la notification sur son portable : il s'est soudainement relevé sur sa chaise, ses yeux se sont ouverts tous grands, et il s'est aussitôt mis à faire tourner ses neurones à plein régime pour trouver une suite à son mini-poème. J'ai attiré l'attention d'une étoile, je ne peux la laisser filer, s'est-il alors dit.
Ses quelques vers ont fait mouche aussi sûrement que le plus perfectionné des hameçons. A la pêche aux étoiles, il faut briller, pensait Jimmy. Et son étoile, cette C-Lyne si lumineuse, avait accepté de s'accrocher à sa ligne, à ses quelques lignes de modestes essais poétiques. Pourquoi ? Il n'en savait rien. C'était trop beau pour être vrai.
Conscient qu'il faut battre le fer quand il est chaud, Jimmy s'est évertué à continuer d'écrire des vers à tort et à travers, se reprenant, effaçant, corrigeant sans relâche. Une étoile, ça se mérite, pensait-il. Il faut que je sois à la hauteur. C'est-à-dire très haut, en apesanteur...
Et c'est bien cela qu'il cherchait à faire, inconsciemment : s'élever de sa réalité terre-à-terre, de cette existence vaseuse où il était empêtré, pour atteindre ses rêves célestes. C-Lyne s'était présentée à lui, lui avait tendu une perche inespérée. Il allait, le coeur empli de gratitude, la saisir à bras le corps.
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Sophie_jl
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Tomochili
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FleurDelatour
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