Caro Handon Au cœur des âmes Au cœur des âmes - Chapitre 31

Au cœur des âmes - Chapitre 31

Une part de moi aimerait regagner Solis, redevenir la petite fille que j’étais et retrouver cette innocence qui me protégeait des déconvenues de la vraie vie.


— Vous vous êtes disputés ? me demande Nashoba.

— Il m’a annoncé son départ.


Celui qui, jusqu’à présent, faisait preuve de délicatesse se détache vivement de moi.


— Il déconne, j’espère ?

— A priori, non.

— Ce n’est qu’un putain d’égoïste ! Comment va-t-on faire sans lui pour rallier les autres camps ?


Mes sourcils se froncent, ne comprenant pas où il veut en venir, lui qui a pris la décision de suivre son frère. Face à mon silence, Nashoba précise.


— Voir la cérémonie m’a fait réfléchir au fait que notre quête n’est pas terminée. Nous devons trouver notre animai et nous lier à lui. Et puisque les exilés se cachent, je doute qu’ils acceptent de nous accompagner dans notre voyage. Le seul moyen pour nous d’y parvenir est de poursuivre notre route avec Waban. Sauf que s’il nous lâche, je me demande comment vous allez faire Machk et toi.

— Et le tien ?


Nashoba arbore un sourire narquois.


— Je l’ai déjà rencontré.


En plongeant mon regard dans le sien, à la recherche d’une réponse, j’aperçois cette lueur mordorée qui, je le sais désormais, est caractéristique de son aura. La même que nous avons vue dans la forêt.


— Le loup ?

— Lui-même.

— Comment va-t-on faire pour le canaliser ?

— On ?

— Malgré mes doutes, j’ai le sentiment de faire partie d’une grande équation. Le papillon d’Aponi est passé par moi afin d’entrer en communication avec elle, et ça a été le cas avec ton animai. Sauf que son énergie était très différente.

— Moins docile, probablement, raille Nashoba.


Je souris en retour, amusée par sa clairvoyance. Cependant, je regagne vite mon sérieux.


— J’imagine que je sers de lien entre nos deux mondes comme me l’a expliqué le chaman.

— Qu’est-ce qui te tracasse ?

— C’est si nouveau pour moi, que je n’arrive pas à croire que cette destinée qui est aussi essentielle à l’équilibre de nos vies. Je me pose tout un tas de questions sur mes capacités, comme de savoir si j’ai la possibilité de faire de la magie ou encore d’unir deux âmes jumelles entre elles. Je me sens minuscule dans ce grand dessin…


Nashoba se rapproche de moi et sa main gagne ma joue. Alors qu’il la caresse de son pouce, je suis magnétisée à son regard intense.


— Tu devrais avoir davantage confiance en toi, Leï. Ton évolution depuis le début de notre quête le prouve.

— Sauf que je ne maîtrise rien des évènements qui ont croisé notre chemin. J’ai la sensation d’être une plume et de me laisser ballotter au gré du vent.

— Alors soit un oiseau, plutôt. Et apprends à dompter la fluctuation des courants pour voler de tes propres ailes.


Ses mots me font du bien. Simplement, ils dépeignent une image de moi dans laquelle je ne me reconnais pas. Il me faudrait encore tant de chemin à parcourir pour l’atteindre !


— Ça me paraît insurmontable. Je ne saurais même pas comment m’y prendre.

— Raison pour laquelle ton voyage doit continuer, entonne une voix derrière nous.


Nashoba s’écarte légèrement de moi, retirant sa main, tandis que je porte mon attention vers l’ancien. Il se tient dans la pénombre et je me demande depuis combien de temps il nous surveille.


— Tu fais partie des auras chamaniques, Leïka, affirme-t-il. Ton prénom lui-même l’indique : « cadeau du grand esprit ». Ta destinée est de lier les âmes entre elles. Si tu n’acceptes pas cette partie de toi, tu ne seras pas en mesure de sauver tes proches. Ni celui pour qui tu éprouves des sentiments.


Ma gorge se noue en songeant à Waban, tout juste parti. Mais l’instant présent me souffle une autre vérité. Si une douce chaleur se répand au creux de mon ventre, je n’ose pas observer celui pour qui mon cœur a commencé à battre depuis quelque temps déjà, comme si je refusais de l’admettre malgré l’évidence.


— Les présages ne cessent de dépeindre ta capacité à affronter les monarques, m’explique le chaman.


Sa phrase a le mérite de me ramener sur terre.


— Les affronter ?


L’ancien hèle en direction du feu de camp, puis s’assied sur un rocher à proximité. Aponi et Machk nous rejoignent. Mon amie me serre la main tout en posant sur moi un regard compatissant. J’imagine que mon visage reflète encore les traces de mes pleurs. Nous nous installons en cercle, prêts à écouter le chaman.


— La vérité doit être rétablie, car nos lignées sont en danger si la doctrine des monarques perdure au travers des âges.

— Pourquoi ? lui demandé-je.

— Je vais vous donner un exemple parlant. Admettons qu’Aponi soit revenue à un camp avec son animai papillon et que ce dernier ne soit pas un maxima. Vous pouvez être certains qu’elle aurait fini par disparaître.

— Comment ça ? le questionne l’intéressée.

— Depuis plusieurs siècles, les monarques exercent leur mesquinerie dans le choix de notre âme jumelle. Les personnes n’ayant pas un animal dit « noble » sont exclues de la société. Ils sont ceux que vous appelez « sauvages », mais n’en ont que le nom.

— Nous en avons vu un, et il ne ressemblait en rien à un être humain ! intervient Nashoba.

— Parce qu’il s’agissait d’un enchantement. Certains gardiens à la botte des monarques surveillent les camps des contrées astrales. La nuit, ils contrôlent que les animais trouvés dans la journée ne sont pas considérés comme faibles.

— Et que font-ils si c’est le cas ?


Ma voix tremble sous le poids de cette question, car la réponse me terrorise à l’avance.


— Les montagnes sont des geôles de choix pour ceux jugés comme inaptes à vivre au sein de leur communauté, explique le chaman.


Ma prise se resserre autour des doigts d’Aponi. Une foule d’interrogations fuse dans mon esprit, cherchant à donner un sens à ces révélations. Je cogite aussi sur leur véracité.


— Et vous, dans tout ça ? lui demande Machk. Pourquoi vous cachez-vous en usant de magie si vous offrez un monde meilleur pour tous ?

— Parce que malgré notre nombre, nous manquons de puissance, car ils sont trop forts pour que nous les renversions. Nous ne pouvons pas cohabiter, alors nos enchantements protègent notre position, et nous opérons au mieux pour rallier un maximum de personne à notre cause.


Le chaman marque une pause. Je peine à prendre la pleine mesure de ce qu’il nous livre. Je ne l’imagine pas nous tromper, pourtant, une certaine méfiance s’immisce en moi. Après tout, jamais je n’aurais deviné ce qu’il dépeint des monarques. Peut-être nous ment-il ?


— Je suppose que tout ceci vous laisse dubitatifs et que vous doutez du bien-fondé de notre cause.


Est-ce qu’il lit dans mes pensées ?


— Vous êtes en mesure de procéder à une cérémonie d’union, vous usez de magie. Comment savoir si vous ne nous tendez pas un piège ?

— Quel serait notre intérêt ?


Sa question en guise de réponse m’interroge. J’échange un regard avec mes camarades qui semblent tous aussi perplexes que moi.


— Le mieux serait de vous rendre dans les montagnes pour voir de vos propres yeux les âmes en déperdition, ajoute le chaman.

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30 commentaires

Pierrot

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Il y a 3 ans

Très bonne discussion avec le chaman j'adore :D

Nast

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Il y a 3 ans

Débloqué!!

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merciiiiiiiii :D

Lise M76

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Il y a 3 ans

Hop :)

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci 🥰

Kathleenm

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Il y a 3 ans

coup de pouce ;)

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci :D

Emmy Jolly

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Il y a 3 ans

Coup de pouce en retour 💖

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci infiniment ☺️

Lys S. Dream

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Il y a 3 ans

Merci pour ton aide <3
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