Fyctia

Quelques mouettes passèrent dans les cieux, se dirigeant vers les pêcheurs du village qui apparut lorsque je quittai l’alcôve naturelle. Mais je ne me dirigeais pas vers eux, contournant à la place la falaise vers une roche au milieu du paysage, m’arrêtant face à elle.

La pulpe de mes doigts eut à peine le temps de sentir la surface chaude que je sentis une présence derrière moi, posant ses mains sur mes yeux, m’aveuglant.

— Je ne t’attendais pas avant une lune, me susurra une voix à l’oreille, ses lèvres s’approchant de mon cou sans les poser malgré les frissonnements qui hérissèrent mes poils.

Je me laissai tomber en arrière, dans ses bras, enveloppée dans sa chaleur tout en reposant ma tête sur son épaule pour plonger mon regard dans ses yeux d’un brun ambré. Tammuz me sourit, son teint légèrement hâlé étincelant sous les derniers rayons du soleil, ses quelques mèches de cheveux bruns tombant sur son front. Mon souffle se coupa lorsque son visage s’approcha du mien sans jamais m’effleurer.

— Je suis venue pour des raisons plus obscures, lui révélai-je.

Mes doigts se retinrent de venir caresser sa barbe, suivre les contours de son visage fin, et éternellement torturé si ce n’était par son mince sourire qui disparut bien vite à mes mots. Je me mordillai la joue, repliant mes doigts sur eux-mêmes.

Il me lâcha doucement, me permettant de me tourner vers lui. Je posai mes mains sur ses épaules, telle une embrassade amicale, mais je m’y attardai un instant. Ses mains se posèrent sur mes hanches, créant de fins cercles de ses pouces avec une tendresse infinie, mais ses gestes cessèrent à ce point là.

— Que se passe-t-il ? me questionna enfin Tammuz, inquiet, cessant tout mouvement, et je libérai ma lèvre de mes dents.

— Il y eut quelques attaques en Crête, des ombres revenues chercher quelque chose, ou quelqu’un. Hadès, roi des enfers, dont je n’ai jamais entendu parler. Ma mère m’a envoyé ici le temps que les déesses mères et les korés ne trouvent une solution, un pacte sans aucun doute. Cela arrive, semble-t-il, avouai-je, me forçant à me concentrer sur son visage pour oublier ses mains posées sur mon corps.

Il acquiesça, penchant doucement la tête, le visage pourtant ferme et ses sourcils froncés. Ce mouvement révéla une trace rouge et récente à son cou, comme si une corde s’y était plantée avec force, le tirant dans une direction. Lui, un dieu de la renaissance.

— Que s’est-il passé ? demandai-je tout en venant effleurer sa blessure de mes doigts, et il secoua la tête.

— Rien du tout, me rassura-t-il, saisissant doucement ma main qui était restée sur cette zone de son corps, me poussant à m’éloigner de lui et créer un espace qui libéra à peine mon souffle.

Il s’approcha pourtant davantage de moi, laissant nos fronts s’effleurer, et je fermai les yeux lorsqu’il s’approcha de moi.

— Je pensais que nous avions décidé que s’était terminé ? le questionnai-je, mon visage proche du sien, nos souffles se mêlant, et je perçus cette étincelle dans son regard.

— Cela l’est, affirma-t-il en déposant un chaste baiser à la commissure de mes lèvres.

Un léger rire nerveux jaillit de ma gorge à ce geste, et je joignis mes mains derrière sa nuque, m’y accrochant pour ne pas le laisser s’échapper. Je savais que si mes lèvres se déliaient, l’ordonnant de m’embrasser, il le ferait, mais une promesse en était une malgré mon corps qui me suppliait de soit le laisser partir, soit de le coller contre moi. Mais je ne fis rien de tel, car je refusais qu’il en subisse les conséquences. Je pouvais lui résister, encore quelques mois comme je l’avais tenté autrefois.

Des années de cela, nos chemins s’étaient croisés, et je lui avais donné mon cœur comme lui le sien avant que nous ne comprenions que cela ne pouvait durer infiniment, et qu’il valait mieux attendre que le paysage s’éclaircisse. Ma mère me laissait moins de temps, et lui craignait qu’il ne soit découvert par la déesse qu’il avait dû épouser bien qu’il soit libre. Elle allait ailleurs, mais lui se tapissait dans les ombres.

— Depuis quand ne la vois-tu plus ? questionnai-je le jeune homme, me détachant de lui, imposant une distance tacite entre nous de crainte que l’amour ne nous mette en danger.

— Plusieurs cycles déjà, depuis que nous avons décidé de ne plus nous voir.

Je hochai la tête, comprenant que cette femme ne faisait acte de présence que lorsque son époux pouvait être dérobé. Une relation qu’elle ne pouvait approuver, malgré le fait qu’il m’ait assuré qu’elle était auprès d’un autre homme, son grand amour depuis plusieurs années. Mais un mariage de convenance en était un, ainsi que la jalousie possessive d’une lien fort qui pourtant avait existé. Un pincement me pris au cœur à cette pensée.

— Nous devrions continuer ainsi, laissai-je échapper dans un souffle, posant mon front contre le sien sans toutefois mêler nos lèvres.

— Tu as raison, jusqu’à la prochaine saison.

— Vous ne tiendrez pas cette promesse, interpella une voix.

Je me détachai de lui, percevant une jeune femme à la peau hâlée, aux grands yeux aussi sombres que sa chevelure. Son visage ovale n’était jamais parcouru d’un sourire, mais sa beauté n’était ni cachée par son expression rigide ou les cicatrices sur sa peau. Une ligne rouge et ouverte barrait sa joue gauche, et un trait tout aussi cicatrisé son sourcil. D’autres blessures plus fines parsemaient comme des constellations son épiderme brûlé par les terres lointaines de Babylone et de Sumer.

— Geshtinanna, la saluai-je. Cela fait bien longtemps.

— Mon frère attendait ta venue avec impatience. Veux-tu te joindre aux festivités ? Les ombres nous ont avertis hier de ta présence, et les entités fêtent ton retour.

Une vague de chaleur m’envahit, et je me tournai vers le jeune homme qui affichait un sourire au coin. Son autorité me surprenait toujours, en particulier auprès de Baal et Astarté.

D'après vous, que se passera-t-il lors de la fête au palais de Baal ?

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