Fyctia
Chapitre 4
En ce début de semaine, j’ai décidé de changer de couleur de cheveux avant de reprendre du service ce soir. Pour ça, je vais chez ma coiffeuse attitrée et accessoirement meilleure amie, Julia. Ses petites mains font des merveilles depuis plus de dix ans sur mes cheveux, et il n’y a qu’à elle que je les confie. Lorsqu’elle me voit entrer dans son salon, elle laisse échapper un petit cri et ce que j’imagine être un juron en espagnol que je ne comprends pas, avant de me courir dessus pour m’enlacer très fort.
– Loulou ! Ça faisait si longtemps, olalah, tu m’avais manqué !
– Juju, on s’est vu il y a une semaine.
– C’est ce que je te dis, ça faisait longtemps. Installe-toi là, je termine le brushing et j’arrive, ma belle.
Elle m’embrasse la joue avec ses lèvres pleines de gloss avant de retourner vers sa cliente. Je salue son collègue en m’asseyant et prends un magasine qui traîne. Je regarde rapidement les dernières tendances avant de relever la tête sur Julia en train de discuter avec la cliente plutôt que de lui sécher les cheveux, ce qui me fera toujours autant rire. Quelques instants plus tard, lorsqu’elle termine enfin de papoter, elle laisse son collègue lui faire régler avant de se ruer sur moi et de me relever en me prenant par les épaules.
– Viens avec moi, tu as l’air d’avoir plein de choses à me raconter. Mais tout d’abord, quelle couleur fait-on aujourd’hui ?
Elle me lance une œillade presque langoureuse en m’asseyant devant un miroir et saute presque de joie lorsque je lui demande un roux flamboyant, comme elle. Alors qu’elle commence son travail pour décolorer mes racines et effacer mon rose avant de me faire le roux, je lui raconte tout ce qui me pèse sur le cœur et sur le corps depuis des semaines. Je lui raconte le commentaire, je lui raconte la maladie d’Oscar, je lui raconte l’agression, et je lui raconte mon besoin de reprendre le pas sur mon corps.
– Tu t’es fait agresser dans la rue, il aurait pu t’arriver n’importe quoi, et la réaction de ce perdedor c’est que tu peux te défendre ? Tu veux que j’aille lui mettre un coup de pied là où je pense ?
– Non Ju’, ne t’inquiète pas c’est du passé maintenant. C’est à moi que j’en veux de ne pas avoir mieux réagi sur le coup.
– Non non non ma belle, pas de ça ici. La victime c’est toi. Tu as fait tout ce que tu as pu, donc il est hors de question que tu te dénigres comme ça.
Ses paroles me vont droit au cœur, et je réalise qu’elle a raison. Sans m’en rendre compte, je ne me voyais plus comme une victime et je m’en voulais moi de ne pas m’être plus défendue. Je renifle et retiens mes larmes avant de soupirer.
– En tout cas, j’ai décidé de prendre un agent de sécurité pour le bar et potentiellement pour moi.
– J’en connais un à qui ça n’a pas dû faire plaisir, je me trompe ?
J’ai l’impression d’aller de surprise en surprise en ce moment en ce qui concerne Oscar, mais elle a raison. Je me vois dans le miroir me détendre à vue d’œil sous ses doigts experts. Disons-le autrement, je commence presque à m’allonger dans le fauteuil.
– Qu’est ce que tu veux dire Julia ?
– Ton Oscar là, il a un sérieux problème d’ego de mâle alpha à deux balles. Ne plus être le mec le plus “important” du bar doit lui mettre un sérieux coup derrière les genoux. Non pas que ça me déplaise ! Tu sais que je ne l’aime pas.
Je hausse les épaules avant de me diriger vers le bac à shampooing. Alors qu’elle me masse le cuir chevelu et que je me délecte de nouveau de ses doigts sur mon crâne, elle reprend.
– En tout cas si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là. Je sais que tout le monde dit ça et que ce sont souvent des paroles en l’air, mais moi je le pense. Je suis là.
Ses paroles me font un bien fou, et c’est bien plus détendu que je me rassois à ma précédente place face au miroir, les cheveux encore trempés tombant sur le dossier de la chaise. Elle me regarde dans le miroir avec un rictus et me fait un clin d’œil, ce qui me fait pouffer de rire.
– Et donc tu as trouvé quelqu’un pour ta sécurité ? Un beau mâle prêt à tout pour te protéger ?
– Eh oui figure toi. Il s’appelle Nolan et il est tout ce que tu n’es pas : grand, réservé et calme. Ancien militaire, alors je te laisse le soin d’imaginer le reste.
– Je les préfère comme ça, tu sais. Tu me le présentes ? Martin, mon dernier rencard, il était vraiment nul, j’ai besoin de me changer les idées.
La couleur posée, elle s’installe à côté de moi et me fait ses petits yeux de chien triste auxquels je ne peux pas résister.
– Viens ce soir si tu veux, il commence à vingt-deux heures. Maintenant que j’y pense d’ailleurs, il est souvent en avance. Viens vers vingt et une heures trente, tu verras son entrée et tu ne risques pas d’être déçue.
– Ponctuel en plus ça ? Carajo, ça va me changer de Manuel.
– Ce n’était pas Martin ?
– Non Manuel c’était celui-ci avant Martin. Suis un peu, Loulou !
Elle rit de son rire fort et communicatif, m’entraînant avec elle dans son fou rire. Elle rince mes cheveux, les sèche et les coiffe, me rendant un peu de confiance en moi avec cette chevelure couleur de feu. Je me regarde longuement dans la glace et je soupire en souriant, retenant encore une fois les larmes de couler. Oui, je me trouve un peu plus jolie désormais. Je vais reprendre mon corps en main. Il est à moi, c’est mon temple et personne ne le touchera plus jamais sans mon autorisation.
Lorsque j’arrive au bar, Oscar n’est pas encore là. Nous ouvrons dans une petite heure, et j’espère ne pas devoir tout faire toute seule. J’essaie de l’appeler, mais il ne répond pas, donc je lui envoie un texto et décide de commencer mes préparations pour la soirée. J’ai ajouté à la carte du moment le Tequila Sunrise, un cocktail assez connu de l’été composé de Tequila, de jus d’orange et de grenadine, qui rappelle les chaudes couleurs de l’été à la plage, mais également celles de mes cheveux. Oscar arrive alors que je suis en train de couper mes fruits. Je regarde l’heure et découvre que le bar ouvre dans cinq petites minutes.
3 commentaires
megane.
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Il y a un an
Carl K. Lawson
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Il y a un an
Carl K. Lawson
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Il y a un an