Fyctia

— Je n’en doute pas, dis-je pour le rassurer.

Ou peut-être, pour me rassurer ?

L’estomac toujours noué, j’avale un peu plus de ma boisson, espérant que ça va me faire aller mieux.

— Quand est-ce que tu reviens en ville pour me la présenter ?

À l’autre bout du fil, il pousse un petit soupir, suivi d’un petit rire contrit.

— Malheureusement, je n’ai pas le temps de venir avec elle jusqu’à Shreveport…

— D’accoooord, hésité-je, donc tu veux que je la voit en visio, plutôt ?

— Non plus, non.

Commençant à être de plus en plus agacée, je pose mes mains à plat sur le comptoir et lance :

— Allez, crache le morceau, Jer’. Si tu as réellement quelque chose d’important à dire, dis-le simplement.

Il entend au son de ma voix, que je suis tout à fait sérieuse. Il me connait trop bien, assez pour savoir que la patience n’est pas mon fort !

— Il faudrait que ce soit toi qui vienne, Maddie.

Cette fois, je manque de m’étouffer avec ma dernière gorgée de soda.

— Quoi ?! Tu veux que je fasse tout le chemin jusqu’en Ohio pour rencontrer ton nouveau crush ? Désolée Jer’, tu sais que je t’adore, mais je n’ai pas le temps de prendre des vacances et de faire mille-trois-cents kilomètres ou plus pour-

— Même pas pour mon mariage ?

Il me coupe la parole et même ces cinq petits mots suffisent à totalement me couper la chique.

Ai-je bien entendu ?!

— Ton… ton quoi ?

— Mon mariage, avoue-t-il, un sourire dans la voix. Je vais me marier, Mad’ !

À cet instant précis, j’ai l’impression que le monde est en train de s’écrouler. Mes jambes se mettent à trembler, mes doigts se crispent contre le rebord du comptoir. Ma tête se met à tourner un peu et j’en viens même à me demander comment je fais pour rester debout, car j’ai la sensation que le sol vient de se dérober sous mes pieds.

Mes yeux se gorgent de larmes et je peux sentir d’ici, mon coeur se briser en mille morceaux. Encore. En bien pire, cette fois.

— Mad’ ? Maddie, t’es toujours là ? Allô ?

Je sèche précipitamment les larmes en train de rouler sur mes joues et prend une profonde inspiration.

— Oui, désolée. Donc, tu vas te… marier ?

— J’ai fait ma demande à Alyson il y a quelques jours, m’informe-t-il d’un ton enjoué. Je sais, tu vas me dire que je suis sans doute taré de me fiancer avec une femme que j’ai rencontré il y a seulement six mois, mais je suis sûr que c’est la bonne !

Six quoi ?

— Six mois ? Mais Jer’, tu n’as jamais parlé d’elle ! Et tu n’étais même pas dans l’Ohio, à ce moment là, n’est-ce pas ?

— Nous avons fait connaissance dans un avion, elle était en voyant d’affaire, moi aussi, tu sais pour mon précédent livre. Nous étions assis côte à côte et avons parlé pendant des heures.

Ensuite nous avons échangé nos numéros et sommes restés en contact, nous nous sommes mêmes revus assez souvent, avant que je pose mes valises chez elle.

Tout va très vite. Tout va trop vite et j’ai du mal à assimiler ce qu’il me dit. J’arrive néanmoins à recoller les morceaux et à comprendre l’essentiel. Le fait est qu’il est en relation avec une femme depuis des mois, que ce soit à moitié virtuel ou pas et qu’il ne m’en a jamais parlé. Ensuite, seulement après ce léger temps passé ensemble pour de vrai, il décide de la demander en mariage ?

Est-il fou ?!

— Jer’… Est-ce que tu es absolument sûr de toi ? Tu ne penses pas t’engager un peu vite ? Six mois, c’est court, tu sais.

— Je savais que tu allais dire ça, mes parents m’ont fait la même réflexion. Mais vraiment, Maddie, je suis certain. Alyson est la femme de mes rêves, j’te jure ! Elle est belle, intelligente, drôle, elle a bâti sa carrière de ses mains, elle est très proche de sa famille et elle aime voyager ! Nous sommes vraiment fait l’un pour l’autre, je peux te l’assurer.

Au fil du temps, j’ai vu énormément de facette de Jeremiah. Je l’ai vu heureux, malheureux, fier de lui, en colère, déçu, frustré, amusé… mais ce ton-ci ? Cette voix-là, qu’il utilise en parlant d’elle ? Je ne l’avais encore jamais entendue, venant de lui. Il a l’air de l’aimer, de l’adorer si fort, comme s’il était prêt à embrasser le sol qu’elle foule de ses pieds. Et je ne suis même pas dans la même pièce que lui, à un bon millier de kilomètres, au téléphone !

Malgré tout, je me sens heureuse pour lui, sa joie évidente me faisant même sourire. Je suppose que mon amour pour Jeremiah est si grand, qu’il surplombe ma propre douleur et mon immense déception.

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Et une bombe de larguée, une !

J'ai trop de peine pour Maddie !

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