Fyctia
Chapitre 42
Benjamin
La voix de Joshua retentit dans toute la maison, m’ordonnant de venir immédiatement. Connaissant mon fils, je ne me pose aucune question et me dirige au pas de charge vers lui. Arrivé dans l’entrée, je vois la silhouette de Clara plus blanche que rose. Une chape de plomb s’abat soudain sur moi. Ses lèvres bleutées ne laissent aucun doute sur son état d’hypothermie. Sans prendre le temps de raccrocher ma communication, je jette mon portable sur la console de l’entrée afin de me précipiter vers elle. Un seul objectif anime mon être : essayer de la réchauffer au mieux et au plus vite. Je missionne les enfants pour m’aider.
Je l’emporte dans mes bras pour la ramener au plus prêt du feu. Ses habits sont tellement gelés que je n’hésite pas une seconde sur le fait de l’en débarrasser au plus vite. Elle se retrouve en sous-vêtement devant moi, au grand damne de mon fils qui détourne le regard. Il est vrai que je pourrais laisser glisser mon regard sur ses formes, mais c’est loin d’être le moment pour ce genre d’activité. Je la couvre de couvertures dans lesquelles les filles placent des bouillottes. Pendant ce temps, Joshua remet du bois dans la cheminée et prépare une boisson chaude. Il lui faut une grosse demi-heure avant que ses tremblements ne cessent totalement et que son visage reprenne des couleurs normales.
Dieu merci, on peut enfin souffler !
Lorsqu’elle reprend ses esprits, elle réalise tout ce qui s’est passé. Relatant ses mésaventures, je ne peux que la taquiner en apprenant leurs circonstances. Les quelques moqueries permettent d’alléger un peu l’atmosphère.
Après un repas bien chaud, nous partons tous nous coucher à tour de rôle. Les filles réclament une histoire de la part de Clara. Malgré une fatigue évidente, elle n’hésite pas à leur accorder cette faveur. En dépit de son insistance, je lui laisse ma chambre et me couche sur le canapé. De toute façon, avec sa présence dans cette maison, il me sera difficile de trouver le sommeil. Rien que de la savoir allonger entre mes draps dans son petit pyjama de Noël, j’ai la queue au garde-à-vous ! Vu l’heure tardive, je ne peux même pas prendre de douche pour me refroidir, je serais gaulé direct (sans mauvais jeu de mots !).
Le lendemain avec Joshua nous partons voir la voiture. Nous constatons les dégâts, qui je l’espère ne seront pas fatals. Comme quoi, la vitesse ne veut rien dire. Sans grande espérance, je fais le nécessaire pour remorquer la voiture dans un garage. Pendant les fêtes, il est rare que les personnes travaillent, elle va donc devoir attendre avec nous au chalet. Rien que l’idée qu’elle reste, fait relever les commissures de mes lèvres. Ce petit geste n’échappe pas au regard de mon fils, le faisant alors froncer les sourcils.
Ok, je crois que l’idée ne le réjouit pas autant que moi !
Une fois revenue au chalet, j’informe Clara. Son beau visage perd un peu de sa joie et l’éclat de malice s’éteint légèrement. Je constate tout de suite sa déception de ne pas pouvoir rejoindre les siens. Voulant lui redonner toute sa gaieté qui l’a caractérise tant, je lui propose de nous faire découvrir Noël à travers ses traditions. Si l’idée réanime son être, elle enchante également les enfants.
La première étape qui nous attend est donc la décoration du chalet. N’ayant pas de sapin artificiel dans les placards, elle nous envoie à la recherche d’un conifère dans le bois nous entourant. Tout le monde se couvre bien. Quand je vois Clara ne mettre qu’un simple manteau, je vois rouge.
— Tu te fous de moi ou quoi ? je m’exclame, d’un ton un peu trop agressif vu son mouvement de recul.
— Qu’est-ce que j’ai fait encore ? demande-t-elle sur le qui-vive.
D’un pas décidé, je vais dans ma chambre chercher un polaire. À mon retour, je lui ôte son manteau. Malgré ses protestations dignes d’une enfant de cinq ans, je lui enfile de force la veste. Après un regard noir, elle captile et revêtit son manteau par dessus.
— Une fois, mais pas deux. Tu l’as constaté hier, il fait un froid de canard dehors alors on sort couvert, je précise.
Nous arpentons alors les alentours à la recherche de notre élu. Mes filles jettent leur dévolu sur un grand sapin tout touffu. Avec Joshua, nous échangeons un regard de désespoir sachant ce qui nous attend. Contentes d’elles, elles nous laissent à notre corvée pour retourner au chaud.
Me saisissant de mon courage, je me dévoue pour jouer de la hache en premier. Je frappe depuis cinq minutes à peine, mais je prédis que nous ne sommes pas au bout de nos peines. La sueur perle déjà sur mon front et je commence à avoir chaud avec toutes les épaisseurs qui me couvrent.
— Tu l’aimes bien ? questionne mon fils timidement, me faisant arrêter dans mon élan.
— De qui tu parles ? j’essaie de faire semblant.
— Papa ! râle-t-il, loin d’être dupe.
— Disons que c’est différent, je tente sans trop vouloir rentrer dans les détails.
— Et si nous on ne l’aime pas, tu feras quoi ? reprend il sans détour.
Je m’arrête de nouveau. Afin de tenter de le sonder au mieux, je me tourne vers lui et scrute son visage. Je me doute qu’il souffre de la situation entre sa mère et moi. Même si je ne souhaitais pas aborder le divorce avec eux avant les fêtes, il a déjà deviné que sa famille va voler en éclats d’ici peu. Par conséquent, j’essaie de choisir correctement les mots qui sortent de ma bouche dans des discussions comme celle là.
Avec les filles, tout est plus simple. Elles ne sont pas dans l’analyse véritable. Elles vivent avec ce que nous leur donnons. Toutefois, du haut de seize ans, Joshua voit beaucoup plus les faits. Il commence à se construire dans les différentes relations humaines que la vie nous apporte. Il apprend les codes de chacune afin d’interagir sans difficultés avec les personnes en fonction de ce qu’elles représentent pour lui. Cacher la situation, même par omission, est donc beaucoup plus compliqué. À bien y réfléchir, nous leur demandons de ne jamais mentir alors que c’est exactement ce que je fais !
Sans un mot, je me dirige vers mon fils pour lui tendre la hache. Il scrute mon visage quelques instants avant de la saisir. Croyant certainement par ce geste qu’il n’y aura aucune réponse, je le vois froncer les sourcils et serrer la mâchoire. D’un pas lourd, il prend la direction du sapin puis commence à donner des coups puissants au tronc de l’arbre. Son geste transpire de frustration et de colère contenue face à mon silence. Je l’entends suffisamment dans mon cabinet pour réaliser à quel stade il est arrivé dans sa tête : l’évidence que sa famille va éclater et ses parents se séparer. Mais cette phase est loin de celle de l’acceptation et encore plus de celle où on accueille une autre moitié pour ses parents.
— Vous serez toujours ma priorité tous les trois, je lâche tout d’un coup le coupant dans son élan.
Il reste immobile quelques secondes au pied du conifère avant de se tourner vers moi. Son regard déterminé se plante dans mes yeux.
(à suivre...)
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Amelie.indecise
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Mapetiteplume
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Il y a 2 mois
oksana_mnr
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Hécate Lomëwen
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Mapetiteplume
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