Fyctia
Chapitre 35
Benjamin
Mais quelle chieuse !
Je reste quelques minutes à regarder la porte qu’elle vient de claquer avec rage. S’il y a bien une personne qui doit être énervée dans cette histoire, c’est bien moi ! Elle vient de me traiter de mauvais parents tout de même ! Il est vrai qu’à mon tour je l’ai malmené en la qualifiant de boulet et de catastrophe ambulante. On peut trouver mieux comme compliment !
Mais après tout, c’est elle qui a commencé les hostilités, pas moi !
Je remonte le temps pour bien analyser tout ce qu’elle vient de me balancer dans la figure. Dans le vif de l’action, je n’ai pas réussi à prendre du recul au vu du venin qu’elle crachait.
Lorsque sa silhouette s’est dessinée sous mes yeux, je me suis senti pousser des ailes. La voir m’attendre chez moi me plaît de plus en plus. J’ai juste pensé récolter les fruits de mes approches durant la semaine écoulée. Je reconnais que mon attitude doit être déplacée vu la situation avec ma femme, et je vous assure que mon petit ange arrive souvent à bâillonner mon diablotin. Hélas, l’envie de la conquérir est plus forte que ma raison à certain instant. Alors, il est vrai, j’ai abusé de frôlements délicats, de regards gourmands ou bien de petits mots placés de-ci de-là pour essayer de lui faire comprendre qu’elle ne m’est pas indifférente. Ma main droite ne m’a jamais été aussi utile ces derniers jours, sans parler de ma consommation d’eau qui a considérablement augmenté. Étrangement, aucun sentiment de remords ne m’anime, bien au contraire, je ne me suis jamais senti aussi vivant que depuis ce week-end. Jouer au chat et à la souris est très excitant et pimente un côté de ma vie endormie il y a bien longtemps. Jusque-là, elle a pris sans donner, certes, mais elle n’avait rien rejeté. Ce soir, j’ai peut-être cru trop vite avoir gagner le combat et elle m’a prouvé ses limites en me repoussant violemment. Aurais-je mal interprété son manque d’interaction face à mes gestes ?
Je me secoue la tête pour revenir au présent et vérifie mon téléphone que j’éteins toujours quand je suis à l’orphelinat. Ce lieu est mon petit secret. Personne n’est au courant que je passe plusieurs soirées voire quelques journées de certains week-end là-bas. Loin d’avoir honte, je ne veux juste plus ce regard de compassion ou de pitié posé sur moi et mon passé. La réalité est pourtant marquée dans les registres mais à mon sens, le passé ne définit pas une personne.
J’ai perdu mes parents très jeune et à défaut d’avoir une famille d’accueil, j’ai été placé en orphelinat. Je me suis battu pour montrer au monde que même en partant de rien, on peut devenir quelqu’un. Ne voulant pas en parler, j’ai même improvisé de grands désaccords avec mes parents concernant mes fréquentations de l’époque. Leur inventant une vie en Guyane depuis des années, il était facile pour moi de clore bon nombre de conversations. Même si le prestige et le luxe font partie de ma vie actuelle, je n’en oublie pas d’où je viens pour autant. Je me souviens de ce sentiment de solitude permanent qui revient me hanter encore pendant cette période de fête. Alors je fais ce que j’aurai aimé que quelqu’un fasse pour moi. Je vais là-bas partager un peu de mon temps avec ces enfants qui ne demandent qu’à exister aux yeux du monde.
Je monte d’un pas rapide pour vérifier que tout le monde dort. Mes filles sont toutes les deux dans des positions incongrues, me tirant un sourire. Quant à mon fils, une poche de glace sur l’œil, fixe encore le plafond de sa chambre. Je m’approche de son lit et viens m’asseoir à ses côtés. Pour une fois, il ne me repousse ni par un geste ni par des mots.
— Qu’est-ce qui c’est passé mon grand ? je tente sans grand espoir d’obtenir de réponse.
— Rien.
— Ah oui ? C’est vrai, que vu ta tronche, il ne s’est rien passé ! je le charrie. C’est toi, qui a appelé Clara ?
— Non, c’est Rose, je lui aurais fait peur d’après Clara.
— C’est vrai que tu t’es pas loupé. Elle est où ta mère ?
— Elle s’est barrée vers 21 h, je crois. Elle en avait marre de t’attendre.
— Ok. Tu devrais essayer de dormir. On en parlera demain.
Je n’en reviens pas qu’elle se soit barrée ! À croire qu’elle n’en a plus rien à faire de nous. S’est-elle déjà préoccupée de nous d’ailleurs. Je sais que je pourrais détruire ma future ex-femme rien qu’en balançant tout un tas de saloperie sur elle a mes enfants. Faire éclater la vérité me brûle souvent les lèvres, mais j’ai envie de les préserver de toute cette histoire. Ne pas avoir de famille est une chose que je ne souhaite à personne alors je ne voudrais pas en priver mes anges. Si un jour, en apprenant par m’égare les circonstances réelles, ils décident de couper les ponts, j’aurais la conscience tranquille. Ce sera leur décision et non, moi qui les aurait influencé par pure vengeance. Je l’appellerai demain pour régler mes comptes avec elle.
Le lendemain, une fois tout le monde levé, j’ai enfin toutes les explications de ce fameux soir. Étrangement, je n’ai pas eu besoin de tirer les vers du nez à mon fils afin de connaître le fin mot de l’histoire. Nous avons même profité d’aborder calmement ses crises de violences, nous permettant ainsi d’apaiser un peu les tensions entre nous. Lorsqu’il m’a informé avoir deviné notre relation avec Clara, mon petit diable m’a fait hésiter par pur égo. Ne voulant pas gâcher ce renouement de dialogue, j’ai préféré jouer carte sur table. Sans rentrer dans les détails, j’ai donc démenti son ressenti. Pour ma petite princesse, qui avait une grande peur d’être engueulé pour avoir appelé sa nounou à la rescousse, je la rassure en lui affirmant qu’elle a eu un trop bon réflexe.
Au vu des événements, un sentiment de remords et de culpabilité me ronge de l’intérieur, me faisant ainsi réaliser que je suis allé trop loin dans mes propos avec Clara. Après tout, elle n’a fait qu’être là quand nous, parents, étions des fantômes.
Pour la première fois de ma vie, je dois regarder les choses en face et accepter mes torts. Priant pour qu’elle n’ait pas démission, je décide d’aller m’excuser auprès d’elle. Une fois la situation exposée à mon fils, je lui demande de garder ses sœurs afin d’accomplir ma mission.
Il est 10 h, lorsque je me retrouve au bas de l’immeuble de mon petit elfe, des croissants dans une main et des cafés dans l’autre. Après avoir sonné à l’interphone et décliné mon identité, la porte grésille me laissant alors la possibilité de rentrer. La première étape s’est effectuée sans accros, peut-être qu’elle ne m’en veut pas tant que cela finalement.
(à suivre...)
16 commentaires
IvyC
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Il y a 2 mois
Mapetiteplume
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Il y a 2 mois
Salma Rose
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Il y a 2 mois
Mapetiteplume
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Alyssa Well
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Julia E. Lorrain
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Hécate Lomëwen
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Sabrina PAUGAM
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Soäl
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Il y a 2 mois