Fyctia
Chapitre 11
Nous passons donc tout le samedi sur l’ordinateur. Afin de me familiariser avec l’outil, nous réalisons beaucoup de simulation. Contentes de notre travail commun, nous décidons que le dimanche serait sous le signe du repos véritable. Nous entamons cette résolution par descendre au bar au pied de chez moi, le Punta Cana Bar, pour une soirée bien méritée.
Comme quatre jours de la semaine, je me lève de bonne heure ce lundi matin. Reprenant mes horaires habituels, je ne travaille que la matinée, de 7 h à 13 h. N’étant pas du matin, au départ, j’ai eu beaucoup de mal à m’habituer. Toutefois, au bout de quelques semaines, j’ai réussi à trouver mon rythme. Depuis maintenant cinq ans que j’y suis, je crois que j’aurai du mal à adopter d’autres cadences. Avoir mes après-midi me permet de continuer mes passions : la photo et la sculpture en tout genre. Parcourir Bordeaux au petit matin lorsqu’un grand nombre de ses habitants n’est pas encore levé et voir la ville se réveiller doucement, est merveilleux. Mon œil d’artiste capte des lumières, des couleurs, des scènes que bon nombre de gens ne prêtent pas attention par manque de temps.
Je suis sur le point de partir quand je me rappelle qu’il faut que j’emporte avec moi la fameuse pochette. En la saisissant, je constate qu’elle vibre. Je lâche tout sur le sol pour partir à la recherche du portable. Sans prendre le temps de regarder l’inscription, je décroche.
— MAT associé, que puis-je fais pour vous ?
— Eh bien, c’est pas trop ? Qu’est-ce que vous n’avez pas compris dans « j’appelle, vous décrochez » ? grogne la voix irritée d’un homme.
— Euh, excusez-moi, j’étais déjà en communication, mentais-je.
— Et avec qui ?
— Ceci est confidentiel monsieur.
— Si la conversation était avec ce même téléphone que vous tenez dans la main, sachez qu’elle ne peut pas être confidentielle puisque cela concerne votre travail et que je suis votre patron.
Ah purée de pois ! C’est le mec du cabinet !
— Vous avez perdu votre langue ? ironise-t-il constatant mon absence de réponse.
— Je suis désolée. Que puis-je faire pour vous ? fais-je semblant de ne pas avoir entendu son pic.
— Qu’est-ce que vous faisiez pour mettre autant de temps à répondre ?
Mais il me gonfle lui ! Qu’est-ce que cela peut lui faire ?
Mes amies me mettent souvent en garde contre mon impulsivité qui selon leur dire me jouera des tours un jour. À mon grand désespoir, je dois leur donner raison. J’ai beau le savoir et tenter de contrôler certaines de mes réactions, parfois, c’est beaucoup plus fort que moi. Surtout lorsqu’on me donne des ordres ! Je n’aime pas me faire commander de façon directe. Je suis consciente des tâches que je dois effectuer dans mon boulot ou ailleurs, je trouve inutile donc qu’on me les précise. Ce genre d’attitudes marque un manque de confiance en ma personne, je trouve. Ma mère me décrit comme un électron libre et je l’assume très bien.
Le problème dans la vie professionnelle est effectivement les ordres donnés par les patrons. Tôt ou tard, il y a un moment donné où il m’ordonne quelque chose qui me sort par les trous de nez. À ce moment-là, je prononce une énormité ou leurs quatre vérités pour leur clouer le bec. La conséquence de cette délivrance est la libération du poste que j’occupe. Marc est le seul, pour le moment, à me supporter, pauvre de lui.
Pour ce travail d’assistante, il faut croire que ce sera plus tôt que tard. Sans que je n’arrive à me contrôler, les mots sortent de ma bouche pour prononcer cette phrase qui risque de causer ma perte. Penser très fort aux trois mille euros que doit m’apporter ce travail, ne change rien à la situation.
— J’étais aux toilettes en train de faire caca. Voilà, vous êtes content ? Cela vous rassure que mon transit se porte à merveille de si bonnes heures ? Bon, et maintenant, que puis-je faire pour vous monsieur Masson ?
Je suis peut-être allée trop loin sur ce coup !?
— Je voulais vérifier avec vous que vous aviez réussi à prendre en main les logiciels, s’explique-t-il après un temps de silence.
— Euh, oui, je pense que je devrais m’en sortir, merci.
— Bien. Claudine m’a signalé que vous travaillez à mi-temps à côté et m’a transmis vos horaires. Du coup, j’essayerai de prendre un maximum les appels pendant votre travail. Au-delà, je vous laisserai vous en charger. Cela vous convient ?
— Oui, oui, c’est gentil de votre part. Je ferai mon maximum pour être à la hauteur.
— Bien, je vais vous laisser partir travailler, et vous rappellerai ce soir pour faire un débriefing avec vous.
— Très bien, pas de soucis. Bonne journée à vous.
— Merci à vous aussi.
Sans plus de cérémonie, nous raccrochons. En avisant l’heure, je constate que je ne suis pas vraiment en avance. Il va falloir pédaler un peu plus vite pour le coup !
La matinée se déroule sans accros. Les clients sont souriants et agréables, certains laissent de petits pourboires. Monsieur Masson tient sa promesse et je ne reçois pas d’appel. Par contre, l’après-midi est beaucoup plus mouvementée. Le téléphone n’arrête pas de sonner pour fixer des rendez-vous ou en déplacer d’autres. Ou répondre à des questions auxquelles je n’ai pas de réponse, ainsi que l’envoi de mails… Bref, je n’ai pas une minute à moi.
Comme convenu, il me rappelle vers 19 h pour faire un point sur la journée. Il n’est pas très chaleureux, toutefois, il est moins agressif. Regardons les choses en face, après ma réplique de ce matin, je vais m’estimer heureuse d’avoir toujours le poste !
Lorsque je raccroche, mon frère fait son entrée.
— Salut sœurette ! Qu’est-ce que c’est ? demande-t-il en avisant le bazar sur la table.
— Salut frérot. Et bien le traîneau du Père Noël et ses rennes.
— Ah ah ! Je suis plié en deux tellement je ris. Non, mais sans blague. Qu’est-ce que tu fais ?
— J’ai un nouveau boulot !
— Quoi ? Ok, qu’est-ce que tu as fait encore à ce pauvre Marc ? s’exclame-t-il dépité.
Il se saisit de la montagne de manuel que j’avais posé sur la chaise pour les mettre sur les papiers étalés sur la table, complétant ainsi encore plus le bordel qu’il y a dessus. Puis il prend place à mes côtés.
— Je ne sais pas si je dois être reconnaissant de ton calme sur mon éventuel licenciement ou si je dois être vexé que tu penses que j’ai pu faire quelque chose qui m’aurait amené à perdre mon emploi.
— Tu veux dire « encore » perdre ton emploi !?
Pour toute réponse, je lui balance une boulette de papier dans le visage en lui tirant la langue. Je ne peux pas lui en vouloir sur ce coup, car il n’a pas vraiment tort. J’ai bien du mal à garder un emploi fixe. Je crois qu’en huit années que je suis sur le marché du travail, j’ai dû perdre tous mes boulots sans jamais dépasser trois mois de services à cause de ma langue trop libre de ses paroles. C’est bien à cause de cette raison que je suis obligé de vivre avec lui. N’ayant jusque-là pas de revenu fixe, il m’était impossible d’honorer un loyer complet.
( à suivre...)
10 commentaires
mima77
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Il y a 2 mois
Mapetiteplume
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Il y a 2 mois
Alva
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Il y a 3 mois
Samantha Beltrami
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Il y a 3 mois