Fyctia
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Une semaine après la soirée, il s'est passé quelque chose que jusque là je ne m'étais même pas autorisé à imaginer.
Je l'ai revu, la fille sans prénom.
Il commençait à faire nuit.
Je marchais dans la rue sans réel but, je me suis un peu éloigné de la ville.
Je suis arrivé à l'entrée d'une forêt où je n'étais jamais allé, il y avait un pont en pierre.
Et elle était là, assise dessus, regardant l'eau s'écouler en dessous de ses pieds.
Ses cheveux n'étaient plus rose mais bleu, un bleu électrique.
Elle n'avait plus sa robe noire, elle portait un jeans tout ce qu'il y a de plus ordinaire, et un sweat gris.
Elle était différente de la fille qui avait posé sa tête sur mon épaule, elle avait l'air plus sûre d'elle.
Je me suis approché, jusqu'à arrivé à son niveau, j'ai fais comme elle la première fois, je me suis assis juste à côté.
Et elle, elle ne m'a même pas regardé, comme si elle savait que c'était moi, comme si elle m'avait reconnu. Au bout de quelques minutes, elle fixait toujours l'eau en dessous de nous et elle a commencé à parler :
- Tu ne t'es jamais demandé si le destin existait ?
Bien sûr que je me le suis demandé, et plus d'une fois.
Le soir, dans mon lit quand je n'arrive pas à m'endormir, mon cerveau se met à réfléchir sur n'importe quoi.
Et pour cette question là, j'ai toujours été d'un avis mitigé.
Je me dis parfois que le destin existe, et qu'on rencontre les personnes qu'on doit rencontrer, qu'on ne fait aucun choix parce que tout ça est déjà tracé.
Et d'autre fois, je préfère me dire que le destin n'existe pas, que c'est nous seuls qui décidons de notre futur, que l'inconnu et l'imprévisible sont bien plus attrayants que le connu et le prévisible, et que nous sommes les seuls maîtres de nos existences.
- Ouais, et j'ai jamais réussi à trouver une réponse.
Elle m'a regardé, et elle a sauté du pont, comme ça sans me prévenir. J'ai eu la peur de ma vie, pendant une seconde je me l'a suis imaginé inanimée sur le sol en bas, mais j'ai vite chassé cette idée de ma tête.
Heureusement que le pont n'était pas très haut, et qu'il surplombait un ruisseau.
Il faisait sombre, je n'ai pas vu où est ce qu'elle a atterri.
J'ai attendu quelques minutes avant d'entendre sa voix, elle me disait de la rejoindre, de sauter moi aussi.
Je ne sais pas pourquoi mais je l'ai fait, j'ai sauté du pont.
J'ai atterri dans l'eau, elle a étouffé un rire. Son rire, le son qu'elle a fait, je l'entend encore parfois dans mes rêves. Il est resté ancré dans ma tête comme une image impossible à effacer.
Elle a allumé une lampe torche qu'elle a posé par terre à coté d'elle pour qu'on y voit un peu mieux.
Elle s'est allongée, je me suis assis en face d'elle. Cette fois c'est moi qui ai parlé :
- Tu viens ici souvent ?
Elle s'est relevée, et s'est assise en tailleur. Elle a sorti un paquet de cigarettes de sa poche, et s'en est allumée une.
- Aussi souvent que je le peux.
J'ai souris, je ne sais pas pourquoi mais j'ai souris.
Peut être que je savais déjà, que je reviendrais, pour la revoir, et apprendre à la connaître. Oui, elle me fascine, elle est impossible à déchiffrer, elle est devenu le mystère que je voulais résoudre.
Je me suis avancé vers elle, j'ai pris ses cigarettes, qu'elle avait posé pas loin d'elle. Je l'ai regardée et je lui ai dit :
- C'est pas bien de fumer, tu sais ?
J'ai ouvert le paquet, j'ai pris une cigarette et l'ai mise entre mes lèvres. J'ai pris le petit briquet blanc qui se trouvait dans le paquet, et je l'ai allumée.
- Et toi, tu sais que c'est pas bien de donner des leçons aux gens alors que tu es mal placé pour parler ?
Je n'ai pas répondu, j'ai fini la cigarette et je me suis allongé. Elle a fait pareil.
Nos deux corps se frôlaient.
Je sentais son bras contre le mien. On aurait dit qu'on se connaissait depuis longtemps, alors que je ne savais toujours pas son nom.
Aucun de nous deux ne voulait briser ce silence qui s'était installé.
C'était comme si on avait arrêté le temps et que parler reviendrait à le faire redémarrer.
On est resté comme ça pendant ce qui m'a semblé être une éternité, mais quand j'ai regardé mon portable ça faisait à peu près deux heures que j'étais avec elle.
Je me suis levé, je lui ai dis que j'allais rentrer chez moi, mais qu'avant j'aurais aimé connaitre son prénom et avoir son numéro.
Elle a sorti un petit carnet de la poche arrière de son jean et un crayon, et elle a commencé à écrire.
Elle m'a tendu le petit bout de papier. Elle avait une écriture simple, légère et arrondie.
Il y avait un numéro de téléphone inscrit dessus et un nom. Peut être un faux nom, un pseudo, mais c'est le seul que j'ai jamais eu.
Charlie.
Un prénom peu commun pour une fille peu commune.
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