Fyctia

(Jadeline Micassan)

Après le départ du notaire, même si elle était encore toute chose, Clarisse m’a assuré que ça allait. C’était sa manière détournée de me refouler gentiment. J’ai donc rejoins les autres. Toutefois, je dois dire que ça m’a fait de la peine de la voir partir si brusquement à la fin de cette vidéo de Mr Mulonier. Elle semblait tellement tourmentée. On aurait dit qu’elle portait un énorme fardeau sur ses épaules. Puis quand avec Cyril on l’a rejointe, son attitude a changé. Quoi que celle du notaire m’a également quelque peu surprise. Je n’arrive décidément pas à les cerner ces deux-là. Est-ce qu’ils se détestent vraiment ou aiment-ils jouer au chat et à la souris ?

Enfin ça y est nous avons atteint le lieu pour cette seconde étape. Ce nouveau camping se trouve à proximité de Vallon Pont d’Arc, entre des petites collines et une garrigue très odorante. Au loin, on aperçoit des vignobles. Quel plaisir ! Malgré le fait que nous soyons depuis peu en automne, le coin est encore très agréable. Même Clarisse a l'air d'apprécier.

J’ai pris une brochure à l’accueil et j’avoue que s’offrir de vraies vacances ici m’aurait plus. Je ferais bien semblant de ne pas trouver tout de suite cette énigme afin de pouvoir en profiter un peu ! Mais je ne voudrais pas que cela nuise à notre nouvelle aventure d’autant qu’ici, Clarisse semble avoir retrouvé un peu ses repères. Nous avons décidé d’attendre demain pour nous aventurer jusqu’à cette fameuse chapelle mais en attendant, nous avons pris soin de bien étudier le circuit qu’il nous faudra emprunter à pied. Ensuite, chacun a eu quartier libre pour visiter le coin ou se reposer. Seul Justin a enfourché un vélo pour se balader. Moi j’ai profité d’avoir la chambre à moi toute seule pour aller dormir quelques heures. Il faut dire que la nuit passée, je ne me suis pas plainte mais même avec les boules quiès que m’a filé l’ado, cela a été dur. Enfin, faudrait-il, maintenant que je suis allongée, que je parvienne à m’endormir.

Samedi 29 septembre

Ce matin nous avons pris un bon petit déjeuner tous ensemble, sans embrouille et je dois reconnaître que cela a fait du bien. Il faut dire qu’après notre petite chanson paillarde d’hier soir, nous étions tous de bonne humeur et avions même convenu de l’heure du lever. Il n’y a pas eu de problème, tout le monde était à l’heure pour le départ. Le propriétaire nous a également remis une brochure touristique quand il a appris où nous allions. Pour l’instant, cette petite route goudronnée et interdite à la circulation me va bien. Hélas cela ne dure pas puisqu’environ un quart d’heure plus tard, nous empruntons des escaliers suivis d’une piste en terre qui s’élève rapidement au-dessus des maisons, pour le plus grand désespoir de Mallaury déjà fort essoufflée. Si Clarisse ne rechigne pas, au contraire on sent qu’elle avance en terrain conquis, et du coup elle le fait d’un bon pas. Mais nos efforts ne sont pas vains car bientôt nous avons droit à une vue qui s’étend jusqu’aux Pyrénées.

- Incroyable ! Je n’aurais pas cru que l’on pouvait les apercevoir de si loin. Les Alpes, je veux bien mais les Pyrénées… s’exclame Justin.

- Si si, tu ne rêves pas. lui répond une Clarisse souriante.

Ça fait d’ailleurs plaisir de la voir comme ça. Peut-être que finalement le Papé avait raison de la faire revenir ici…

Après ça, l’itinéraire devient encore plus fatiguant car les montées et les descentes s’enchainent. Puis nous passons à travers champs afin d’emprunter un nouveau chemin qui longe le cimetière.

- C’est là, regardez. nous annonce alors Clarisse.

- Bon sang de bon soir, ça nous a pris 1h30 Pfff ! Heureusement qu’il ne fait pas encore trop chaud. Grogne Mallaury.

Située sur un gros rocher la chapelle toute en pierres, semble se dresser pour faire de l’ombre à un château qui l’on avait aperçu plus bas.

- La dernière fois que j’y suis venue, elle n’était pas comme ça. C’était une véritable ruine ! nous annonce Clarisse

- Oui, le monsieur du camping m’a appris qu’ils ont fini de la restaurer, en avril dernier. Elle s’appelle également chapelle Ste Cerice. nous apprend Justin.

- Ah, ça, je ne le savais pas ! lui répond-t-elle avant de se taire. D’un coup, l’émotion semble l’avoir reprise. On voit dans son regard à la fois de la joie et de la peine.

Une fois à l’intérieur, je ne trouve hélas rien d’extraordinaire à ce monument, à part, bien sûr son âge, mais je me garde bien d’émettre un commentaire. De son côté, Justin s’approche de ce qui a dû, être, autrefois l’autel, et découvre une enveloppe à l’attention de Clarisse. S’il la lui donne immédiatement, je remarque aussi à son expression qu’il est curieux de savoir de quoi il en retourne. Mais déjà, il se saisit de la consigne qui s’adresse à tous.

D’une main tremblante, l’adolescente ouvre fébrilement le mot qui lui était destiné puis se met un peu à l'écart pour la lire. L’instant semble durer des heures d’autant que je la surveille de près. Bon sang, pourquoi le notaire n’est-il pas avec nous ? Mais soudain mon attention se refocalise sur celle qui vient de lâcher sa lettre tout en tombant à genoux. Elle hurle alors comme une possédée toute cette peine enfouie au fond d’elle. Puis elle se couche face contre terre en proie à une véritable crise de nerf.

Avec Justin, nous nous précipitons vers elle et voudrions la relever mais hélas, dans son état, cela s’avère impossible. Tandis que je suis en train de me demander quoi faire, Mallaury nous rejoint et vide une bouteille d’eau sur la pauvre Clarisse. La surprise la calme quelque peu tandis qu’avec Justin nous parvenons cette fois-ci à l’entrainer dehors. De son côté, Mallaury a ramassé la lettre et nous suit.

– Clarisse, s’il te plait, il faut que tu te reprennes, j’ai vu en contrebas qu’il y a des touristes qui arrivent. Pardon pour l’eau mais on n’avait pas le choix. Ça va mieux ?

Quand la miss nous explique avoir vu du monde, je comprends mieux sa réaction. Mais il ne nous faut hélas pas perdre de temps et je choisis donc de prendre les choses en main.

– Clarisse, tu nous permets de lire le courrier du Papé ?

Comme celle-ci, toujours dans mes bras me fait un petit signe de la tête, Mallaury me la donne aussitôt.

Je constate que le message a été écrit à la main. Sa petite-fille a dû reconnaître son écriture.