Fyctia
Chap. 18 - Mise au vert
Captivité – début 2020, chez moi
----------------------------------------------------------
De : Camille
A : Comité Directeur, éditeurs, Lydie.
Cher tous,
Un événement imprévu et fort peu agréable me contraint à prendre quelques jours de repos et à me mettre au vert. Afin de ne pas vous inquiéter et sans rentrer dans les détails, sachez que je vais bien.
J’ai conscience de l’actualité et des projets en cours, croyez bien que tout cela est indépendant de ma volonté.
C’est pourquoi, je vais continuer à gérer les affaires courantes à mon propre rythme et à distance pour quelques temps.
Je n’assisterai pas à toutes les réunions dans les jours qui viennent, même en distanciel, merci à Lydie de m’envoyer des comptes rendus, je réagirai par mail.
Bonne journée à tous
Camille
-------------------------------------------------------
Voilà.
Sobre.
Efficace.
Tout à fait dans le ton des mails qu’elle envoie d’habitude et que j’ai eu le temps d’étudier depuis quasiment un mois.
Je prendrai le temps de répondre à tous ceux qui auront l’outrecuidance de demander des nouvelles (certaines personnes ne respectent rien, même pas l’intimité).
Pour le téléphone, nous ne sommes pas encore prêts. Mais ça ne saurait tarder.
Je replie le portable de C. et regarde mon plan projet. Certaines dates ont commencé à fleurir dans la colonne prévue à cet effet.
L’étape du jour est de se fournir en médicaments et drogues diverses. Mon invitée ne semble pas dans les meilleures dispositions, il convient donc de tester différents cocktails. L’idéal serait de la mettre dans un état de détresse modérée et de soumission légère.
Le plus important reste l’annihilation de toute forme de volonté.
Allons voir déjà si elle a apprécié le plat que je lui ai cuisiné.
J’en profiterai pour prendre quelques photos. On oublie souvent de prendre des photos. Et quand on repense au début d’une relation, des années plus tard, on regrette de ne pas avoir pensé à capturer l’instant.
Je ne ferai pas cette erreur.
Je suis quelqu’un de précautionneux.
***
C. semble terriblement lasse.
- On peut s’arranger… peut-être, si vous me dites ce que vous voulez… me dit-elle doucement.
- - Nous allons y venir, ne vous en faites pas.
- Mais enfin, vous allez finir en taule pour le reste de votre vie, c’est ça que vous voulez ?
- Ecoutez, ne vous en faites pas pour moi.
- Des gens vont s’inquiéter que je ne sois pas là… vous comprenez ? Quel… quel jour on est ? Dimanche ?
- Oui, dimanche.
- De… demain, j’ai une réunion avec tous mes collaborateurs. Ils ne vont pas comprendre si je ne suis pas là.
- Vous n’allez jamais au bureau le lundi. Vous avez un comité éditorial à 11h en distanciel. Je sais. Je me suis occupé de ça.
Ma réponse la coupe littéralement dans son élan. Elle ouvre des yeux immenses, abasourdie. Puis elle se reprend. Combative.
- Mais qui êtes-vous, bordel ? Que me voulez-vous ? Qu’est-ce que je vous ai fait ?
Sa voix se brise.
- Avant toute chose, je pense qu’il est important que l’on commence à se connaître, non ? lui rétorqué-je.
- …
- Même si je vous ai étudié depuis un certain temps et donc j’ai l’impression d’être déjà assez proche de vous…
- Je ne vous ai jamais vu de ma vie mon pauvre… vous êtes siphonné…
Et subitement, sans sommation, elle se met à s’agiter sur sa chaise et à hurler « Laissez-moi partir ! ».
Apparemment, elle n’est pas pressée d’apprendre à me connaître. Ni prête à discuter tout simplement. Il me semble important dans la relation que l’on va construire de mettre quelques règles de base et de s’entendre sur l’essentiel. Comme le respect, par exemple.
J’avais donc raison : il est vraiment temps de commencer à tester ces différents cocktails de drogue.
***
Les premières semaines ont été dures. Je peux le confesser maintenant.
Outre le fait que C. ne semble pas apprécier mes efforts de cuisinier – ce qui ne m’aide pas à la droguer à son insu –, j’ai dû aller sécuriser sa maison discrètement en posant des systèmes de caméra autour de son pavillon. Collecter le courrier, après que le soleil se soit couché, deux fois par semaine (il serait dommage qu’elle se fasse couper l’électricité) a ajouté à cette fatigue que je sens me gagner depuis quelques temps.
Sans parler de C., elle-même, qui ne fait aucun effort.
La seule source de satisfaction provient de sa maison d’édition qui s’est habituée au nouveau mode de fonctionnement. Ils ont nommé une sorte d’intermédiaire, en la personne de Lydie. Je n’ai quasiment plus de contact électronique qu’avec elle.
Et un certain Xavier. Un stagiaire un poil trop virulent à mon goût qui semble absolument vouloir parler à C. et à comprendre pourquoi elle ne vient plus au bureau.
J’avoue que je n’avais pas identifié de contacts préalables entre lui et C.
Négligence de ma part.
Peut-être était-ce son stagiaire personnelle et qu’elle le suivait tout particulièrement. Aucune idée. En tout cas, il est motivé et inonde la boîte mail de C. afin de prendre de ses nouvelles.
Mes premières réponses laconiques n’ont pas semblé le satisfaire et j’ai peur de ce que sera la prochaine étape.
Il va falloir que je m’occupe de ça plus spécifiquement à un moment ou à un autre. Peut-être devrais-je évoquer ce sujet avec C., lors d’une de nos séances de « découverte mutuelle », afin de voir si je peux grapiller un peu d’information.
Pour le moment, j’ai du pain sur la planche. Je dois aménager le débarras en bureau afin de migrer l’outil de travail de C. vers le sous-sol.
Je suis occupé. Ça me plaît apparemment, cela fait plusieurs semaines que je n’ai pas été une seule fois dans ma destruction room.
Je sens que je m’assagis.
***
- Combien de temps tout ce cirque va encore durer… ? demande-t-elle, ailleurs.
- Ce cirque ?
- Je ne comprends pas… pourquoi vous me séquestrez…
Je suis assez content du dernier dosage. Elle a moins de réticence à dialoguer et semble sur une autre planète, très très lointaine. Elle répond à mes questions et même si elle est toujours animée de cette envie de s’enfuir, celle-ci semble vague, un peu comme si quelqu’un d’autre voulait s’échapper et qu’elle partageait ce projet mais avec une certaine distance.
- Bon reprenons. Vous ne semblez pas trop apprécier ma nourriture, or c’est important de se nourrir, lui dis-je.
- …
- Quel est votre plat préféré ?
- Ta tronche en daube, connard…
Par contre, nous avons toujours ce léger problème de respect.
Il va falloir que je remédie à ce souci.
17 commentaires
Nicole Pastor
-
Il y a un an
petitemr
-
Il y a un an
Merixel
-
Il y a un an
John Doe
-
Il y a un an
clecle
-
Il y a un an
Emmy Jolly
-
Il y a un an
MarionH
-
Il y a un an
Gottesmann Pascal
-
Il y a un an