Flora Collomb Je pars parce que je t'aime Chapitre 22

Chapitre 22

And you get a head

A head full of dreams

You can see the change you want to

Be what you want to be

A head full of dreams,

Coldplay


CASSIDIE


Le lendemain midi, les parents de Ben ont ramené les enfants et sont restés pour le repas du midi. Judith nous a aussi rejoints, ravie de pouvoir passer du temps avec nous tous.

J’entre dans la cuisine, toujours vêtue uniquement de mon pyjama, la tête dans un champ de bataille. Je me dirige tout de suite vers la cafetière, hors de question de prononcer un mot avant d’avoir de la caféine dans le sang. J’ignore les moqueries de mes amis, leur état ne semble pas meilleur, mais ils font bonne figure devant leurs enfants.

— Tu as encore fait un tatouage, me réprimande Judith.

— Non…

Pas la peine de me défendre, il y en a un qui dépasse de mon short.

— Cassidie !


Avec ce ton, j’ai l’impression d’avoir seize ans quand j’ai fait la clé de sol sur ma nuque. Judith me réprimande comme une enfant. Une mère doit sans doute agir ainsi mais je n'ai jamais connu ça, me faire sermonner avec douceur. Toute autre personne s'adressant à moi ainsi se serait vu envoyer balader, mais je tiens trop à Judith pour lui répondre. Je me retourne vers elle, m’appuyant sur le plan de travail le temps que mon café coule. Je lui souris tendrement, avec le regard le plus doux et le plus innocent possible. Judith lève les yeux au ciel en soupirant, et je sais que j’ai réussi à l’amadouer.

— Je veux aussi un dessin comme celui de tatie Cassie, s’exclame Lisie.

— Tu as bien le temps avant d’en faire un, intervient Marie. Moi je n’ai toujours pas réussi à franchir le cap.

— Quel cap ? me moqué-je.

— De la douleur probablement, puis celui de marquer ma peau de manière indélébile.

— Il y a des choses suffisamment précieuses pour savoir qu’elles resteront toujours gravées en toi.

— Oui, répond Marie sans passer outre les regards échangés entre nous quatre. Mais il y a aussi l’image que ça peut véhiculer.

— Quelqu'un lui répond ou je m'en charge ? proposé-je froidement.


Mon sang bout dans mes veines. La gentille Marie n’a pas compris que j’ai la gueule de bois, ne suis pas du matin, et surtout ne la supporte pas. Et puis je déteste cette façon qu'ont les gens de juger sur les apparences. Certes, j’en a fait de même avec Marie, mais si elle n'était pas la petite amie de Léo, j’aurais peut-être eu une approche différente.

— Tu es en train de juger beaucoup de gens autour de cette table ! ajouté-je d'une voix froide et tranchante, sans appel.


Marie me jauge mais ne prend le risque de me répondre, mon regard l'en dissuade. Ben, Ana et Léo aussi sont tatoués, nous l’avons fait ensemble. Léo fronce les sourcils, il n’aime pas le ton sur lequel je parle à sa petite amie mais peut être aussi qu’il ne souhaite pas particulièrement que cette dernière prenne connaissance de la signification de ce tatouage. Je ne tiens pas compte de l'air réprobateur de Léo, et devant le regard perdu de Marie, j’ouvre mon bras droit, dévoilant le mot BLAC en lettres calligraphiques. Les yeux de Marie s’écarquillent lorsqu’elle se rappelle où elle a déjà vu ce symbole. Sur le torse de son petit ami. Elle ne devait sûrement pas savoir la signification, que je me fais un plaisir de lui donner.

— On a tous le même. Nos quatre initiales.


Ils ont été faits pour nous, rien que pour nous, pour ainsi se rappeler que, malgré la distance, nous sommes au sens littéral, gravés dans nos peaux.

— A tes dix-huit ans, si tu en as encore envie, je t’emmènerai le faire chaton, dis-je à Lisie .


La petite fille a l’air ravie et son visage s’illumine, dissipant toute la tension dans la pièce. Léo me regarde toujours d’un air mauvais, et parce qu’il y a des enfants, je me retiens de lui faire un doigt d'honneur.

Il n’a pas apprécié que je donne l’explication de son tatouage mais je ne me sens pas coupable pour autant.

Il se doute que je n'apprécie pas Marie, alors il doit penser qu’il n'était pas nécessaire de lui prouver à quel point nous sommes liés. Je ne suis pas une experte en relations, mais au moins j’ai toujours été claire sur mon passé et sur mes envies. Pas d’engagements, pas de prises de tête, ce qui convient parfaitement aux hommes que je rencontre.


Durant le repas, nous décidons de la date pour le baptême de Jules en fonction de mon emploi du temps. En principe, il est défini des mois en avance, mais je serai en France plusieurs jours à l’occasion d’un festival de musique au bord d'un lac des Alpes. Nous fixons la date au week-end suivant. Je retiens dans un coin de ma tête que mes amis semblent intéressés par ce festival.


Assise par terre, je joue avec Lisie sur le tapis du salon. Judith et Marta s’installent sur le canapé derrière nous.

— Je suis étonnée de ne pas avoir croisé le joli Paul au réveil ce matin, dit Judith d'une voix malicieuse.

— Il n’y avait pas assez de place dans la chambre de Lisie.

— C’est plutôt un bon parti, Cassidie, surenchérit Marta sans se soucier de mon commentaire.

— Je n’ai pas besoin d’un bon parti tu sais, je gagne suffisamment pour m’entretenir.

— Je ne parle pas d’argent ma chérie, il est beau, intelligent, vit ici…


Elle laisse sa phrase en suspens. Je vois très bien où elles veulent en venir. Non seulement elles aimeraient me voir avec un homme, mais plus que tout que je revienne vivre dans la région.

— On serait tellement contentes de te voir avec quelqu’un de bien. Mais c’est peut-être déjà le cas de ce fameux Nate, insiste Judith.

— Nana parle trop. Et non, ce n’est pas vraiment sérieux.

— C’est dommage, Cassidie, tu mérites tellement d’être heureuse.

— Et si je te dis que je le suis ?

— Ma chérie, tu peux me dire que ce n’est pas le bon pour t’engager, mais tu ne peux pas me dire que tu es heureuse, on ne te connaît que trop bien. Ce n’est pas comme quand…

— Cela fait longtemps que je n’ai plus besoin d’un homme dans ma vie pour être bien, la coupé-je, avant que Marta ne finisse sa phrase.


Je sais très bien que le prénom de Léo va être prononcé.

— Un seul, non, mais plusieurs ? intervient Ben en s'asseyant en face.

— On peut avoir plusieurs princes ? demande Lisie.


J’éclate de rire et Ben fronce les sourcils, se retenant de rire lui aussi, mais ne voulant pas encourager sa fille sur cette voie. Je m'amuse, Ben est déjà très protecteur envers moi, alors je n'ose imaginer comment il sera avec sa fille. Je souhaite d’ores et déjà beaucoup de courage aux hommes que Lisie rencontrera.

— Non chaton, juste tatie Cassie en a le droit.

— J’espère que tu trouveras un vrai prince tatie.


Je lui souris pour la remercier et l’embrasse.

Comment expliquer à une petite fille de huit ans qu’on ne croit plus au prince charmant depuis des années ? Ou bien que le fameux prince n'est pas accessible ? Il faut la laisser dans ses rêves et ses illusions de petite fille. Pourvu qu’elle ne perde jamais ses idéologies, comme j’ai pu les perdre en même temps que l'amour de ma vie.


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