Sébastien DIDIER Je ne t'oublie pas Chapitre 42

Chapitre 42

La maison des Andreotti fermait le rang d’une petite route de montagne, sinueuse et resserrée, à une dizaine de minutes au-dessus de la ville. A dix-neuf heures passées, la nuit s’était invitée au voyage.

Les mots de Duval résonnaient encore aux oreilles de Marc : ‘je vous ai prévenu, ce type est dangereux’.

Voilà qui était particulièrement engageant.

La route finit par se muer en un sentier escarpé et mal entretenu. Les nids de poule se suivaient avec une constance remarquable, certains avaient été rebouchés à la hâte par quelques pelletées de ciment qui ne passeraient pas l’hiver. La garde haute du Range se révéla pour une fois bien utile.

Une maison apparut dans la lumière des xénons, au détour d’un énième virage.

Marc gara son véhicule sur un terre-plein, juste en face. Il descendit et jeta un œil au paysage dans la clarté de la lune.

La maison paraissait bien entretenue, avec ses jardinières suspendues aux fenêtres, sa façade moutarde et cette petite cour gravillonnée qui vous amenait à l’entrée entre deux carrés de pelouse.

Aucune lumière ne filtrait des interstices des persiennes fermées.

‘Pas trop l’air de la maison d’un monstre’ pensa Marc en se dirigeant vers le portail.

Il pencha sa tête par-dessus les lames de bois qui lui arrivaient à hauteur de buste. Il détailla le jardin, la table ronde en fer forgé avec ses quatre chaises bien alignées à chaque extrémité, le tuyau d’arrosage enroulé sur son support, les bordures de fleurs taillées avec soin.

« Hé ! »

Il se retourna.

Un ado, perché sur un BMX qui paraissait bien trop petit pour lui, dévalait le sentier dans sa direction. Le garçon fit chasser la roue arrière en arrivant à son niveau et s’arrêta en dérapage contrôlé en soulevant un nuage de poussières.

« Z’êtes qui vous ? Vous cherchez quelqu’un ? »

Il avait dans les douze ans, les cheveux taillés au sabot de trois millimètres et portait un maillot de foot mal assorti à son jogging.

— Heu… Salut, oui, je cherche la maison des Andreotti. C’est bien ici ?

Le gamin ricana.

— Louis le fou ? Non, c’est pas là, ici c’est chez moi et mes parents, les Bernaz. Les Andreotti c’est plus bas, à deux cent mètres. Vous lui voulez quoi au fou ?

Ça s’annonçait de mieux en mieux.

— J’ai juste quelque chose à lui demander.

— Ah, fit le gamin, déçu de si peu de confidence. Il lorgna le Range à deux reprises du coin de l’œil.

— Bon, je vais y aller alors, dit Marc, merci.

— A c’t’ heure-là y a personne. La Ingrid elle est à la salle communale, au Loto, et le fou, bah lui, il est au bar sûrement. Y reviennent pas avant vingt heures trente. C’est un V6 ou V8 là-dessous ?

Il pointa la voiture du doigt.

— Euh, elle fait 300 chevaux je crois, dit Marc.

— Une essence ?

— Oui

— Ok, alors c’est le trois litres. Il fait 340 chevaux c’ui-là. Ça doit envoyer ça !

Il rigola en secouant la main droite à plusieurs reprises comme s’il venait de se bruler.

Marc souleva le revers de sa manche et regarda sa montre. Encore une grosse heure à patienter pour le retour de Louis et Ingrid Andreotti. Il allait falloir trouver à quoi s’occuper.

Il releva la tête. Le gamin avait disparu, seul le BMX traînait au sol. Il le retrouva près du Range à l’inspecter sous toutes les coutures.

— Baaaah baaah, des jantes en 21 pouces, ça c’est trop la classe ! Et la double sortie d’échappement chromée, trop cool. Y a pas à dire, Range ça envoie !

— Merci.

Il mit ses mains en visière au niveau des yeux et se colla à la vitre pour voir l’intérieur. Marc s’amusa de son attitude.

— Tu veux monter dedans peut-être ?

Le gosse se retourna. Il avait presque la langue au niveau du sol.

— Roooooh, un peu que j’veux Monsieur. Vous êtes sympa vous !

— Pas de problème heu… Tu t’appelles comment déjà ?

— Enzo M’sieur.

— Si avec ça tu deviens pas pilote. Allez grimpe.

Il déverrouilla la voiture avec la télécommande. Enzo ouvrit la portière et s’installa au volant en piaffant.

« Ouaouh, mate moi ce volant de malade ! On dirait un truc de F1 !»

L’iPhone de Marc vibra dans sa poche.

— Oui ?

— Marco, c’est moi. Ecoute, on voulait te prévenir, euh la gamine (Lisa en fond sonore : « Grand Pèèèère »), oui pardon, Lisa a trouvé un truc, ah mais, attends je lui passe le télépho…

La ligne toussa, puis la voix de Lisa reprit.

— Papa, c’est moi ! Ecoute je l’ai trouvé ! Le message !

— Quel message ?

— Le même ! Je te l’ai forwardé. Raccroche et regarde tes mails !

— OK, Ok, fit Marc.

Il coupa la conversation et ouvrit l’appli mail. L’un des derniers provenait, non pas de Lisa, mais de l’adresse professionnelle de Sandra à l’Université.

« Qu’est-ce que… »

Il l’ouvrit.

La photo s’afficha sur toute la largeur de l’écran de l’iPhone. Identique à celle qu’il connaissait déjà, Juliette et son médaillon sur la route de Drap.

Son pouls s’accéléra. Il balaya l’écran du pouce pour trouver le même message : ‘Ten3’

Pourquoi avoir envoyer ça à Sandra sur une adresse qu’elle ne consultait jamais ?

Il remonta en début de mail. La date était écrite en petits caractères juste à côté du nom de l’expéditeur : ‘Ten3xxx@gmail.com 14/08 20 :39’.

Son sang ne fit qu’un tour. Sandra avait disparu le 14 août aux alentours de dix-neuf heures.

« Bordel », lâcha-t-il en posant une main sur le haillon du Range pour se soutenir.

A l’avant du véhicule, le jeune Enzo continuait de prendre son pied en imitant des pilotes de F1. « Vettel tente un dépassement sur Hamilton, droite à plus de 300 à l’heure, le public est dingue… ».

Marc essayait de se concentrer. Qu’est-ce que cela changeait ? Rien.

La même photo, le même message. Cela prouvait encore plus le lien avec la disparition de Sandra.

« Ouuaouh, et c’est la victoire pour Sebastian Veeeettttel !! »

Oui ça ne changeait rien. Il devait parler aux Andreotti.

Enzo passa la tête par la portière restée ouverte.

— Elle est géniale votre voiture M’sieur ! On en voit pas tous les jours par ici des caisses pareilles.

— Ah, oui, euh merci petit.

— La dernière fois c’était une béhème ah ah ah, mais c’est moins bien que le Range !

Marc reçut une décharge électrique.

— Quoi ! Qu’est-ce que tu as dit !

Enzo le regarda avec deux soucoupes, ayant peur d’avoir fait une bêtise.

— Moi, euh… et bien…

— Tu as parlé d’une BMW ! C’est ça ? Tu l’as vu quand ? Tu te souviens du modèle ?

— Euh, oui je m’en souviens, c’était une série 5, grise. Et la date… euh cet été je crois.

Marc sentit une sueur froide couler dans son dos.

— Fais un effort c’est très important, s’il-te-plaît.

— Bah, je me souviens que ma mère m’a vite fait rentrer, parce que ça se disputait chez le fou, ça criait fort. Et puis nous on devait partir chez ma tante pour le week-end et… Ah oui ! Mon père avait fait le pont ! Il avait pris le lundi car le mardi c’était le 15 août ! C’était un peu avant, le samedi je pense.

La chappe de plomb qui s’abattit sur ses épaules fut telle qu’il commença par plier les genoux avant de se retrouver accroupi à côté de la roue arrière du Range.

Sandra était venue ici juste avant de disparaître.

Ça, ça changeait tout.

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16 commentaires

Sébastien DIDIER

-

Il y a 7 ans

;)

Audrey Villard

-

Il y a 7 ans

Liiiiike

Sébastien DIDIER

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Il y a 7 ans

Lol... Elle avait ses raisons ;)

Lesage dominique

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Il y a 7 ans

Quelle cachotière cette sandra .... une femme quoi

Sébastien DIDIER

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Il y a 7 ans

Et ça va serrer encore plus

SFANS

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Il y a 7 ans

Ho la la leteau se resserre...

Sébastien DIDIER

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Il y a 7 ans

Yes ;)

ChristelleGaulthier

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Il y a 7 ans

Ca se precise..

Sébastien DIDIER

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Il y a 7 ans

Yep ;)

LikeAMartian

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Il y a 7 ans

Merci Enzo x) Bon, bah sympa tout ça :D
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