Sébastien DIDIER Je ne t'oublie pas Chapitre 17

Chapitre 17

Il s’était jeté dans le bois comme un poilu hors d’une tranchée. Bille en tête, sans réfléchir, adrénaline pleine charge et la peur moulinant l’intégralité de ce que son estomac pouvait lui donner.

Il dévala le talus à grandes enjambées, en essayant de se focaliser sur les bruits que l’écho lui renvoyait. Et uniquement là-dessus.

Mais au bout de quelques secondes il dut se rendre à l’évidence.

Il n’entendait plus rien.

Il stoppa net sa course et essaya de sonder l’environnement. Dans certaines zones, le noir plongeait dans des profondeurs abyssales. Les troncs des hêtres et des chênes atteignaient de tels sommets qu’ils semblaient repousser le ciel toujours plus haut. Quelques rayons de lune parvenaient à percer çà et là, comme la flamme d’une lampe à travers les interstices d’une vieille porte vermoulue. Tout juste suffisant pour que son esprit puisse modéliser l’espace et s’y repérer.

Il balaya la zone avec la torche et suivit le faisceau d’un regard inquiet. Le flux lumineux était beaucoup trop étroit pour lui permettre d’embrasser un angle suffisamment large. Il glissait sur l’écorce humide des troncs qui se répétaient encore et encore comme dans un carrousel macabre.

Marc jeta un œil par-dessus son épaule. Il n’avait pas parcouru cent mètres, néanmoins le plateau du lac n’était déjà plus visible. La forêt s’était refermée sur lui.

Un vent léger se mit à souffler, juste assez pour mettre la nature en mouvement, réveiller les murmures et faire danser les ombres.

Marc avança de quelques pas.

Il n’avait pas rêvé tout à l’heure. Lisa non plus, en dépit de sa tendance à vouloir vraiment croire que sa mère était dans le parc.

Et si…

« Crac »

Son visage se braqua vers l’origine du bruit, suivi du faisceau de la MagLite. Le halo jaunâtre attrapa deux branches qui ondulaient plus que les autres.

« Qui est là ? »

Le vent souffla une nouvelle fois, plus fort. Quelques feuilles volèrent et s’en allèrent tourbillonner au loin, pour mourir aux pieds d’arbres qu’elles ne connaissaient pas.

Marc avança à pas de loup, la torche braquée sur les deux branches et le tronc auquel elles appartenaient. Un chêne centenaire suffisamment large pour cacher les profils de deux personnes.

« Montrez-vous ! »

Puis à l’intox.

« La sécurité du parc est prévenue ! Ils arrivent !»

Tels qu’ils voyaient certains vigiles, ceux-ci devaient plutôt être vissés au fond de leur canapé, avec une bière et une manette de PlayStation. On était loin du RAID. Mais cette pensée ne lui arracha aucun sourire.

Il n’était plus qu’à deux mètres du chêne.

Il sentait les pulsations dans sa poitrine qui gagnaient en cadence. Une sueur froide glissa le long de son échine. Sa poigne se referma sur le culot de la MagLite encore plus fort, prête à se servir de la lampe comme d’une arme au cas où.

Et soudain, le visage souriant de sa femme occupa toute la toile de son esprit. Une fulgurance, un flash, le temps d’une photo dont la rémanence ne le quitta plus.

Et si…

Il jugea ses mots parfaitement ridicules quand ils sortirent de sa bouche, tellement il ne pouvait leur accorder le moindre crédit.

« S…Sandra, chérie, c’est… c’est toi ? »

Mais il les avait quand même prononcés.

Il bondit derrière l’arbre.

Personne.

Il inspecta le périmètre. Vide. Il avait monté toute cette histoire en épingle. Y avait-il vraiment eu quelqu’un qui les suivait ? Et qui s’était enfui ? Si tel était le cas, il était déjà loin.

Et ce n’était pas sa femme.

« Tu ferais un piètre chasseur », pensa-t-il à voix haute.

Des cris commencèrent à percer l’opacité de la forêt.

« Papa ! T’es où ? »

« Lisa, attends-moi nom d’un chien… »

Bien sûr elle l’avait suivi. Qu’est-ce qu’il pensait.

Il contourna l’arbre pour revenir sur ses pas et leur faire signe.

S’il s’était retourné une seconde plus tôt, il aurait vu la branche arriver ou même l’ombre qui la tenait.

Et il l’aurait peut-être évitée.

Au lieu de ça, il la prit en pleine nuque.

Quand il s’écroula sur le sol, il sentit la boue se mêler au sang sur ses lèvres et dans sa bouche.

Et puis plus rien.

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12 commentaires

Sébastien DIDIER

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Il y a 8 ans

Merci !

maya.72

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Il y a 8 ans

Ton chapitre est rempli de suspense. J'aime beaucoup.

Sana Taylor

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Il y a 8 ans

Flippant comme chapitre, mais très réaliste. Qui a frappé Marc? Et pourquoi?

Lesage dominique

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Il y a 8 ans

BOn alors qui est dans la cave ? Tres haletant .....

St. Clare

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Il y a 8 ans

Je ne sais pas pourquoi mais les trucs qui se passent dans les bois c'est ce qui me fait le plus flipper...Sinon, très bon chapitre comme toujours!

Lilye-Rose

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Il y a 8 ans

Et bien, j' espère que ce n'est pas sa femme !! Quel suspense !!

Alain Leclerc

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Il y a 8 ans

Trrrrès bien. Encore une fois ta prose fait valser les mots et la tension est toujours constante. Bravo!

Sébastien DIDIER

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Il y a 8 ans

Je suis content d'avoir des lecteurs de qualité ;)

Cyril Carrere

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Il y a 8 ans

Je savais que tu apprécierais :) En tout cas, cela laisse penser que Sandra est bien vivante et qu'elle nous cache quelque chose...

Cyril Carrere

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Il y a 8 ans

Marco poilu [Je sors]. [je reviens dès que le chapitre 18 est là]
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