Fyctia

Quand je raccroche, le silence retombe brutalement autour de moi.

J’aimerais dire que les mots de Maya m’ont apaisée, qu’ils ont suffi à refermer cette plaie béante que je croyais cicatrisée. Mais la vérité, c’est que l’amertume vient remplacer la douleur, rendant l’air plus lourd, mon souffle plus difficile.

Noël.

Je déteste Noël.

Ça n’a jamais été une fête pour moi. Juste un rappel cruel de ce que j’ai perdu.

Je revois ma mère, affalée sur le canapé, une bouteille de whisky à la main. Son regard vide, son corps secoué par un rire amer alors que le sapin clignotait encore dans l’obscurité de notre salon. Je revois mon frère, plus jeune, les poings serrés, les lèvres tremblantes, tentant de me rassurer alors qu’on savait tous les deux qu’il n’y avait plus rien à sauver.

Et puis il y avait mon père.

Ou plutôt, son absence.

Il était parti ce soir-là.

Sans un regard en arrière.

Juste un claquement de porte, et la certitude que notre famille ne serait plus jamais la même.

Je serre les poings, mes ongles s’enfonçant dans mes paumes.

Ezra n’a jamais su.

Il n’a jamais compris pourquoi Noël me filait la nausée, pourquoi je refusais de m’attacher à ces moments de joie éphémères. Il n’a jamais cherché à comprendre.

Il m’a abandonnée, lui aussi.

Et c’est ça, le pire.

J’aurais pu supporter qu’il se lasse de moi. Qu’il réalise qu’il ne voulait pas de cette relation. Mais non. Il m’a trahie. Il a joué avec moi comme si ce qu’on avait ne comptait pas.

Je l’aimais.

Putain, je l’aimais tellement que ça en faisait mal.

J’aurais tout donné pour lui. J’étais prête à le choisir, encore et encore, à lui offrir cette partie de moi que je n’avais jamais donnée à personne. Et lui ?

Il m’a choisie par défaut.

J’ai appris la vérité bien trop tard. Ce n’était pas moi, son premier choix. Il en avait une autre. Une fille parfaite, plus douce, plus simple. Une fille qui ne portait pas en elle un bordel émotionnel prêt à exploser.

Moi, j’avais juste été un pari stupide.

Un jeu entre potes.

Et quand les choses ont commencé à devenir trop réelles, trop intenses, il s’est réfugié derrière cette excuse pathétique : « Je suis l’ami de ton frère. On ne peut pas. »

Mensonge.

Il aurait pu.

Mais il ne l’a pas fait.

Parce qu’il avait peur.

Parce qu’aimer quelqu’un comme moi, c’était trop compliqué. Trop risqué.

Et au lieu de se battre pour ce qu’on avait, il a tout détruit.

Un rire amer m’échappe alors que je me laisse tomber sur mon lit, les yeux fixant le plafond fissuré de mon appartement.

L’ironie dans tout ça ?

C’est qu’il m’aime encore.

Je l’ai vu, ce soir. Dans sa façon de me regarder, dans cette foutue intensité qu’il met toujours quand il prononce mon prénom. Il croit que je ne le remarque pas, mais je le connais trop bien.

Il a merdé.

Il le sait.

Mais ça ne change rien.

Je n’ai plus la force d’être son erreur.