Fyctia
Chapitre 2
Les couverts s’entrechoquaient contre les assiettes, les discussions s’entremêlaient, et moi, j’étais là, piégée au milieu de ce foutu dîner, coincée entre une tante beaucoup trop curieuse et un cousin qui me posait des questions sur mon métier comme si j’étais une célébrité.
Mais la vraie torture, c’était Ezra.
Je sentais son regard. Toujours.
Parfois amusé, parfois plus intense. Toujours présent.
Et plus il jouait à ce jeu, plus mes nerfs chauffaient.
— Alors, Ezra, tu ne nous as jamais parlé d’elle avant, intervint soudainement Noah, les yeux pétillants d’intérêt.
Je relevai la tête, croisant le regard d’Ezra, qui esquissa un sourire paresseux.
— Oh, Sienna et moi, c’est une longue histoire.
— Pas si longue que ça, lançai-je en croisant les bras.
Ezra but une gorgée de son vin, prenant son temps, comme s’il savourait chaque seconde de mon irritation.
— ...elle a un don unique pour apparaître dans ma vie aux moments les plus inattendus.
— Ah oui ? Comme ce soir ? plaisanta Noah.
— Exactement, répondit Ezra sans me lâcher des yeux.
Je plantai ma fourchette dans mon assiette avec un peu trop d’énergie.
— Crois-moi, c’est pas volontaire.
— Dommage, souffla-t-il, juste assez fort pour que je l’entende.
Mon cœur rata un battement.
Je le fusillai du regard, mais il ne se démonta pas, un sourire en coin toujours accroché à ses lèvres. Cet enfoiré savait exactement ce qu’il faisait.
La tante reprit la parole, heureusement, et je profitai de l’occasion pour détourner mon attention de lui.
J’aurais dû partir avant.
*******
Le dîner terminé, je m’éclipsai discrètement dans la cuisine sous prétexte d’aider à débarrasser. En réalité, j’avais juste besoin de respirer.
Je déposai une pile d’assiettes dans l’évier, tentant d’ignorer la tension dans mes épaules.
Pourquoi est-ce qu’il arrivait encore à me faire réagir comme ça ? Après tout ce temps ?
— Tu cherches une issue de secours ?
Sa voix, derrière moi.
Je me raidis.
— Tu me suis ou c’est mon imagination ?
Je me retournai et trouvai Ezra, appuyer à l'embrassure de la porte, les bras croisés sur son torse.
Il avait ce regard. Celui qui me donnait envie de le frapper. Ou de…
Non. Mauvaise direction.
__ Je fais que passer. Répondit-il tranquillement
— Dans ce cas, passe plus loin.
Son sourire s’élargit.
— Toujours aussi charmante.
Je roulai des yeux et me tournai vers l’évier, ouvrant le robinet.
Ignore-le.
Mais bien sûr, Ezra Monroe ne savait pas être ignoré.
Il s’approcha et s’appuya contre le comptoir à côté de moi. Trop près.
— Tu comptes m’éviter toute la soirée ?
Je serrai la mâchoire.
— Je vois pas pourquoi je devrais perdre mon temps avec toi.
Il haussa un sourcil, intrigué.
— Tu parles comme si j’avais fait quelque chose d’impardonnable.
Mon sang se glaça.
J’arrêtais de laver l’assiette dans mes mains.
Lentement, je tournai la tête vers lui.
Il osait ?
— T’es sérieux ?
Il ne broncha pas.
— Explique-moi, Sienna.
Explique-moi.
Comme si j’étais celle qui dramatisait.
Comme si je n’avais pas une foutue bonne raison d’être en colère contre lui.
L’amertume monta en moi comme une vague froide.
Je laissai tomber l’assiette dans l’évier avec un bruit sec et me tournai complètement vers lui.
— T’as oublié, hein ? lançai-je, ma voix tranchante comme une lame.
Son sourire disparut, juste un instant.
— J’ai pas oublié.
— Alors pourquoi tu fais comme si rien ne s’était passé ?!
La tension explosa dans la pièce.
Il me regardait, mais cette fois, son masque s’était fissuré. Il n’avait plus cet air désinvolte, plus cette arrogance.
Il y avait autre chose dans ses yeux.
— J’ai pas oublié, répéta-t-il doucement. J’ai juste jamais eu l’occasion de m’expliquer.
Je ris, un rire amer.
— Ah oui ? Parce qu’on t’a empêché, peut-être ?
— Toi, oui.
Je me figeai.
Il soupira et passa une main dans ses cheveux.
— T’as disparu du jour au lendemain, Sienna. T’as pas voulu entendre quoi que ce soit.
— Parce qu’il n’y avait rien à entendre ! explosai-je.
Il secoua la tête.
— Tu crois que c’était facile pour moi ?
Je le fixai, incrédule.
— T’as aucun droit de dire ça.
— Sienna—
— Tu m’as trahie, Ezra.
Le silence fut brutal.
Ma voix était plus faible, plus tremblante que je ne l’aurais voulu.
Je voyais sa gorge se serrer, sa respiration ralentir.
— C’était pas…
— Pas quoi ? dis-je froidement. Pas intentionnel ? Pas grave ? Pas ce que je crois ?
Il ouvrit la bouche, mais je levai la main.
— Laisse tomber. J’aurais jamais dû rester ici.
Je pris une grande inspiration et me détournai, essuyant mes mains tremblantes.
Je devais partir.
Mais quand je revins dans le salon, son père était en train de parler à voix haute.
— Mauvaise nouvelle, les routes sont encore bloquées. Il va falloir attendre demain matin pour sortir d'ici
La pièce tourna légèrement autour de moi.
Ezra arriva derrière moi.
— Sienna…
Je ne le regardai même pas.
J’étais coincée ici.
Avec lui.
Et cette fois, je ne sais pas comment je vais m'y prendre pour me sortir de ce bourbier
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