Céleste Savigny Je coulerai avec toi Chapitre 20 - suite

Chapitre 20 - suite

Cinq ans plus tôt

Dans deux mois, je dirai enfin au revoir à ce lycée qui a connu mes larmes, mes joies, mes échecs comme mes réussites. Je quitte aussi certaines amies mais je suis certaine que l’on restera en contact malgré la distance. Je vais probablement aller suivre ma licence à Paris. Au vu de mes bonnes notes, j’espère être acceptée. Je reviendrai évidemment tous les weekends voir mon père, ma mère, ma grand-mère et mes amies à Bordeaux. Même à distance, je ne quitterai jamais la ville qui m’a vue grandir.


Je salue Léa, Camille et Hortense et je marche en direction de chez moi. J’ai la chance d’habiter tout près et de pouvoir m’y rendre à pied. La chaleur du printemps se fait ressentir et les nuages laissent place au soleil qui m’éblouit. J’apprécie la douceur du temps sur mon visage et le bruit des oiseaux mêlé à celui des voitures.


Lorsque j’arrive devant chez moi, j’aperçois la voiture de ma mère garée dans l’allée. Elle a probablement fini le boulot plus tôt, pensé-je. Ma mère est ingénieure de gestion et elle est toujours occupée par son travail. Des moments à trois, en famille, cela fait très longtemps que nous n’en avons plus connu. Elle est l’opposée de mon père et pourtant je n’ai jamais vu deux personnes s’aimer de façon aussi pure. J’ai grandi entourée d’amour et dans la vision d’un idéal amoureux : le leur. Lorsque ma mère travaille jusque très tard, mon père l’attend avec une petite attention. Ils sont heureux. Amoureux. Et je suis le fruit de leur amour.


– Maman ? demandé-je.


N’ayant pour réponse qu’un silence paisible, je m’avance vers la cuisine jusqu’à ce que je tombe sur des dossiers pour son travail. Je soupire. Elle a encore dû s’endormir tellement elle était épuisée de travailler. Cela fait quelques mois que son patron lui réclame une cadence acharnée et il n’est pas anodin qu’elle s’endorme en pleine après-midi tant la fatigue est présente.


J’entends alors des bruits d’objets et des cris presque étouffés. L’inquiétude prend vie dans mon corps. Je sais que ma mère est ici et la première chose à laquelle je pense c’est : y a-t-il un autre homme dans la maison ? Elle ne tromperait jamais mon père. Et il est récurrent que certains de ses collègues, majoritairement masculins, viennent à la maison lorsqu’elle doit finir un dossier avec eux.


Le truc, c’est qu’elle m’aurait prévenue et elle m’aurait demandé de ne pas faire trop de bruit en rentrant. Je sors mon téléphone pour vérifier qu’elle ne l’a pas fait, au cas où je serais passée à côté. Rien. Juste un message de mon père qui me demande si je suis avec elle.


Bizarre.


– Arrête ! hurle une voix à l’étage.


Je me précipite vers les escaliers mais les cris sont de plus en plus forts. C’est là que je reconnais la voix de ma mère.


– Putain mais t’es malade Pierre, dit-elle de façon distincte.

– Pourquoi tu fais ça ? crie une voix masculine.

– Mais faire quoi ? C’est toi qui m’harcèles depuis des mois.


Tout au long de cette conversation, je monte à l’étage pour arriver à la chambre de mes parents. Je tremble de tout mon corps. Je m’arrête dans le couloir lorsqu’ils sortent dans ma direction. Je me cache dans un coin. Je ne sais pas ce qu’il se passe.


– Je t’harcèle ? Je t’aime ! Je t’aime, Sabrina ! Mais tu ne le vois pas ! Tu ne vois que ton imbécile de mari ! Je suis prêt à tout te donner, Sabrina ! Tu répondais à mes messages avant. Avant, tu me regardais. Qu’est-ce que j’ai fait pour devenir invisible à tes yeux alors même que tu prends possession de tout mon monde ? Pourquoi tu refuses de dire que tu m’aimes, putain ?


– Mais parce que je ne t’aime pas! J’aime Jules plus que tout au monde! Je te répondais parce que je pensais que c’était de la gentillesse mais tu es complètement malade. Mon mari m’a dit de porter plainte mais je ne l’ai pas fait par compassion. Puis tu débarques chez moi en essayant de m’embrasser! Mais qu’est ce qui ne va pas chez toi bon sang ?


– Je suis malade ? Moi ? Je te dis que je t’aime ! Tu m’as manipulé ! Tu n’es qu’une salope comme les autres !


Aussitôt qu’il crache ses mots, il attrape le cou de ma mère et l’entoure de ses mains avant de serrer de plus en plus fort. Je suis choquée par le spectacle qui s’offre à moi et l’instant d’après, je sors de ma cachette et me rue sur lui.


– Lâche-la ! hurlé-je.


Les yeux de ma mère trouvent les miens. Ils crient au secours autant qu’ils m’ordonnent de partir. Elle a le nez qui saigne. Les joues rouges. Elle pleure. Puis ce regard sombre de l’homme qui est dans ma maison se tourne vers moi. Il n’a rien de courtois. Je le reconnais. Je l’ai déjà vu plusieurs fois au boulot de ma mère. Je n’aurais jamais pensé qu’il lui ferait ça.


– Qu’est-ce que tu fous là ? crache-t-il vers moi.

– Je suis chez moi, grand fou.

– Qu’est-ce que vous avez toutes à me traiter de fou? hurle-t-il d’une voix si forte qu’elle me perce le tympan.


Pendant qu’il pleure et hurle en plein milieu du couloir, comme pris dans une crise de folie, je cours voir ma mère qui est au sol et je lui demande si tout va bien. Elle m’ordonne d’appeler la police et de m’en aller.


– Je ne vais pas te laisser !

– Juliette je t’en supplie va-t’en, souffle-t-elle d’une voix épuisée.

– Non, maman. Putain, pourquoi ta chemise est déchirée?


J’ai les jambes qui tremblent quand je comprends ce qu’il vient de se passer. Ce qu’il vient de lui faire. Elle pleure quand elle se rend compte que je sais.


Un malade. Il faut qu’on s’en aille.


Je me relève lentement pour essayer de la porter quand je sens une main lourde sur mon épaule.


Merde.


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1 commentaire

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 ans

Mais...c'est horrible cette scène. Pauvre Juliette, on se sent vraiment à sa place et elle a vraiment été courageuse en défendant sa mère contre ce fou furieux. Malheureusement, ça n'a pas suffit.
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