Céleste Savigny Je coulerai avec toi Chapitre 4

Chapitre 4

Aujourd’hui

JULIETTE

Quand j’émerge ce matin, je n’arrive toujours pas à croire que j’ai été embauchée pour le métier de mes rêves. Ça fait déjà trois jours mais je ne réalise toujours pas. Bon, je ne sais pas encore quelle tâche on me refilera mais ça m’est égal, je serai entourée de livres toute la journée.


J’espère qu’on aura des promos sur les bouquins…


La sonnerie de mon téléphone me surprend. Je déteste qu’on m’appelle le matin alors que je suis encore dans mon lit. Quand je vois que c’est Gaby, je décroche.


– Tu veux quoi ? grogné-je.

– Cordiale à ce que je vois.

– C’est le matin…

– Je sais bien. Ce soir, on sort fêter ton nouveau job, ma vieille ! Je passe te chercher à 19h. Sois pas en retard.

– Ok.


Je vous présente Gaby. De son vrai nom Gabrielle, mais elle déteste qu’on l’appelle comme ça. Au premier abord, c’est le genre de fille qui paraît très froide et très hautaine. Quand vous apprenez à la connaître, elle est toute autre. C’est une personne dévouée, sensible, drôle, incroyablement belle et je l’aime plus que tout.

Je l’ai rencontrée lorsque je suis arrivée à Paris, il y a cinq ans. J’avais besoin de partir loin. Très loin de chez moi. J’ai proposé à mon père de m’accompagner mais lui, ne s’est pas résigné à quitter Bordeaux. Je pense qu’il ne sera jamais prêt à le faire. Un weekend sur deux, il vient donc me rendre visite. Il sait que je ne suis pas encore capable de revenir là où j’ai grandi.


Je me rappelle très bien de la première fois que j’ai vu Gaby au loin. Elle se dandinait sur la piste de danse dans le bar où tous les étudiants se rendaient : The Pub. Je n’ai pas pu m’empêcher d’admirer la façon dont ses hanches roulaient au rythme de la musique et sa longue chevelure rousse qui volait dans l’air. Ce soir-là, tous les mecs la mataient. Et les filles aussi. Moi y compris.


À un moment donné, elle a disparu de mon champ de vision et j’ai pensé ne plus la revoir de la soirée. Jusqu’à ce que je sorte m’aérer dans la rue et entende une fille hurler. Ni une ni deux, j’ai couru vers là où le son résonnait. C’est là que j’ai vu ce vieux type tenter de l’embrasser alors qu’elle ne cessait de dire non. J’ai continué à courir vers eux et une fois à la hauteur du mec, je lui ai mis un coup de pied dans les bijoux de famille. J'aurais dû me retenir. J'aurais dû avoir peur. Mais ce soir-là, la peur ne m'a pas submergée, bien au contraire.

– T’es malade ou quoi ? hurla-t-il, à moitié plié au sol.

– Gros pervers !


Il se mit alors à me fixer, plié en deux, au sol, pendant que Gaby était terrorisée à côté de moi. Elle tremblait comme une feuille.


– Tiens ton amie en laisse la prochaine fois. Elle chauffe tout le bar et puis elle repousse. Habille-la aussi. Ça s’habille comme une pute et ça s’étonne que…


Nous ne sommes pas restées plus longtemps. J’ai pris Gaby par la main, je lui ai donné ma veste car elle était frigorifiée et j’ai appelé un Uber. Je lui ai proposé de dormir dans ma chambre d’ami. Elle avait l’air hésitante au début. Après tout, on ne se connaissait pas. Elle a fini par accepter tellement elle semblait déboussolée.


Quand nous sommes arrivées chez moi, je lui ai préparé un verre d’eau, un plaid et je lui ai donné une boîte de cookies. Je n'avais que ça sous la main.


– Fais comme chez toi, ai-je dit.

– Merci…

– Y’a pas de quoi.

– Désolée pour ce soir…je n’aurai pas dû danser comme ça…Il aurait pu s'en prendre à toi aussi.

– Arrête. Et puis quoi encore ? T’as rien fait de mal. Tu n’es pas responsable du manque de neurones de certaines personnes.


Elle s’est mise à rigoler et à pleurer en même temps. J’ai fini par apprendre qu’elle était venue accompagnée à cette soirée, avec trois de ses copines, mais qu’elles l’ont abandonnée et sont parties sans la prévenir lorsqu’elles ont vu que tous les mecs la regardaient. Ah, la jalousie. Un frisson me parcourt tout le corps lorsque je pense au scénario si je n’étais pas intervenue. Qui sait ce qui lui serait arrivé…


– Je m’appelle Juliette.

– Moi, c’est Gaby.

– Enchantée, Gaby-la-danseuse.

– Enchantée, Juliette-la-catcheuse.


Et c’est ainsi que Gaby et moi, nous sommes devenues meilleures amies.


***

Alors que je réfléchis déjà à quelle tenue porter ce soir, je décide d’appeler mon père pour lui annoncer la merveilleuse nouvelle. Mes tartines sortent du grille-pain et me font sursauter alors qu’il décroche au même moment.


– Allô ?

– Coucou papa.

– Quelles nouvelles ma puce ?

– J’ai été embauchée ! crié-je.

– Oh c’est merveilleux ! Je suis si fier de toi. Tu vas tout défoncer ma Liette.

– Merci papa. Comment tu vas ? Tu viens le weekend prochain ? demandé-je alors que je prends une gorgée de mon iced coffee matinal.

– Je ne sais pas encore chérie…J’ai beaucoup de cours à préparer pour les prochaines semaines.

– Tu es sûr que ça va ? dis-je inquiète.

– Oui, ne t’en fais pas.

– Tu me mens.

– Peut-être.

– Dis-moi ce qu’il y a.

– Tu es sûre que tu ne veux pas revenir… ? Ça fait cinq ans, Juliette. Cinq ans qu’on doit venir à toi pour te voir.


Je sens que je commence à sangloter parce que je sais qu’il a raison : je ne peux pas fuir toute ma vie.


– Ma puce…Ça ne sera jamais facile…Tu le sais. Mais tu nous manques.

– Vous aussi…soufflé-je.

– Alors penses-y. Tu pourrais peut-être prendre congé et venir passer des vacances à la maison.

– Je vais y réfléchir. Bisous.

– Bisous ma Liette.


Je raccroche et dégomme mes tartines pour faire taire mes voix intérieures qui me déchirent. Je décide ensuite de lire un livre pour me changer les idées. Une fois de plus, je parviens à m’évader, à m’échapper. Comme si tout ce que j’étais capable de faire, consistait à fuir.


Je n’ai jamais su comment mon père avait réussi à se relever aussi vite. Il n’a jamais oublié mais il a continué à avancer. Il n’a jamais fui. Alors que tout devenait de plus en plus compliqué, il s’est accroché et il s’est battu. Tous ces avocats, toutes ces nuits à ne pas dormir pour suivre l’affaire, tous ces appels au commissariat, toutes ces journées au tribunal…Même au funérarium il a gardé la tête haute. Mon père a su être là pour toute notre famille. Si elle ne s’est pas complètement écroulée, c’est en grande partie grâce à lui.


J’aime mon père. Nous avons toujours eu une relation fusionnelle, et j’ai chéri cette chance que j’avais lorsque je prenais conscience que beaucoup de mes camarades de classe n’avaient pas un père aussi présent et avenant que le mien. J’ai toujours pu tout lui dire. Il m’a suivie dans toutes mes idées, même les plus folles. C’est le seul homme de ma vie. Et ça le sera pour toujours.

***


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24

24 commentaires

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 ans

Visiblement il y a un autre deuil du coté de Juliette. J'aime beaucoup la rencontre avec Gaby et imagine très bien Juliette s'en prenant physiquement au mec.

AgatheDcls

-

Il y a 2 ans

Oh non je sens qu’on va bien chialer aussi avec Juliette 🥲 Elle m’a l’air en tout cas d’être un perso haut en couleur ! Et j’adore sa relation avec son papa 🥰

Céleste Savigny

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Il y a 2 ans

une relation saine et bienveillante ✨

keliadbf

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Il y a 2 ans

j’adore la relation de Juliette et son papa <33

Céleste Savigny

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Il y a 2 ans

très fusionnelle

Princeza Bleue

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Il y a 2 ans

On découvre l'entourage proche de Juliette, des personnes attachantes 🤗

Céleste Savigny

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Il y a 2 ans

oui son papa >>>

leslivresdemarie_

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Il y a 2 ans

j’aime trop les persoooooo meuf
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