Fyctia

Avant de remonter dans l’appartement, ma meilleure amie me retient par le bras :

— Ecoute, Sissi, je sais que c’est dur pour toi, et je ne te demande pas de parler avec le chanteur dès le début, mais c’est important pour nous. Sans lui nos concerts ne seront pas pareils, et Alessandro tient à ce que ça soit parfait, il m’a avoué avoir rêvé depuis qu’il a commencé la guitare à monter un groupe. Aujourd’hui il en a un, et même s'il faut faire des sacrifices, on va aller faire une mini tournée en Norvège ! C’est aussi important pour moi de renouer avec mon pays, je me suis séparée de lui pendant bien trop longtemps.

Je hoche la tête, car elle a raison, et je sais que peu importe ce que je dis, ça ne changera rien.

— Ah, vous êtes de retour, nous sourit Gabriel quand nous passons la porte de l’habitation.

Alessandro me fixe avec gentillesse, et je me rue dans la cuisine pour préparer le repas de ce midi. Échapper aux discussions, ce que je sais le mieux faire dans ma vie. Échapper au monde, la phrase qui résume le mieux ma vie. Quand mes pâtes sont prêtes, je les installe sur la table et appelle mes amis pour venir manger. Pour sortir de cette gêne qui s’est installée entre Alessandro et moi, je tente de demander :

— Et, il s’appelle comment ton… ami?

— Andrew. Il va arriver après-demain normalement. Son vol du Brésil a été décalé d’une journée.

— Du Brésil, murmure Asta, il a de l’argent.

— Il a surtout une belle voix, rétorque Gabriel. Alessandro m’a montré une vidéo, c’est impressionnant.

Le concerné hoche la tête avant de rigoler quand Astrid affirme que même si elle chante, elle ne va pas au Brésil.

— Alessandro, je murmure, tu pourrais nous en dire plus sur lui ? alors que nous débarrassons la table pour aller s’installer sur le canapé.

— Tu es intéressée ? ricane-t-il.

Je lève les yeux au ciel, enfin, au plafond, car il sait aussi bien que tout le monde ici que je ne demande pas cela car j’ai envie de connaître Andrew. Je veux simplement être rassurée.

— Il s’appelle Andrew Caldwell, il est chanteur. Il a du caractère et il aime pas être contredit, mais il a quand même un cœur de guimauve.

— Un cœur de guimauve ?! s’esclaffe Astrid, j’ai jamais entendu une expression pareille.

— Dis celle qui appelle tout le monde crevette, je rigole.

Asta fait semblant d’être déçue mais se ressaisit vite quand son copain lui embrasse le front avec douceur. Gabriel roule des yeux en me regardant, et je pouffe à mon tour. Comprenant bien que les deux amoureux ont besoin d’un petit moment ensemble, mon ami les informe :

— On va faire un tour en ville avec Sissi, on se retrouve en fin d’après-midi.

Les deux hochent la tête en écoutant à moitié avant de s’embrasser une seconde fois ardemment. Ça, c’est un signal qui veut dire, allez-vous en. Il ne faut pas une seconde de plus pour que nous mettions nos chaussures et nos vêtements chauds avant de claquer la porte de l’appartement.

J’en profite pour souffler :

— C’est bon, on a échappé à ça.

— Victoire, murmure mon meilleur ami.

Nous descendons les escaliers et quand nous sortons de l’immeuble, le froid parisien du douze décembre nous transperce le corps.

— T’imagines en Norvège il fera encore plus froid !

— Je sens qu'on ne va pas survivre. Sissi pour toi ça va car tu vis ici tous les jours, mais à Strasbourg la température est légèrement au-dessus. De un ou deux degrés mais je peux te jurer que ça change tout.

— Ohlala, toujours à se plaindre, je râle.

Il ébouriffe mes cheveux avant de m’attraper par la taille pour me prendre dans ses bras.

— Mais qu’est-ce que tu fais, je crie surprise.

— Je savais que tu allais réagir comme ça.

— Lâche-moi Gaby, tu vas te faire mal au dos avec mon poids.

Son sourire disparaît instantanément, et il me repose sur le sol, ses mains toujours posées sur mes hanches, ses yeux fixent les miens, visiblement déçus.

— Sissi… On en a déjà parlé.

— Oui… Mais une phrase ce n’est rien par rapport aux pensées qui tournent dans mon cerveau.

— Je suis sûr que si on te le dit encore et encore, un jour on va réussir à les battre, affirme-t-il en touchant ma tête avec ses doigts.

— Hmm…

— Alors, je te le redis. Sofia Diallo, tu es la plus belle fille que je n’ai jamais vu sur terre.

J’esquisse un demi-sourire, et baisse les yeux vers le sol.

— Et, continue Gaby, c’est juste parce que je suis gay, sinon crois-moi, tu aurais été la première à toucher mon cœur.

Je le prends dans mes bras en riant puis nous nous dirigeons vers un café où Astrid et moi avons l’habitude de nous rendre.

— Je vais prendre un thé à la cannelle s’il vous plaît, je demande au serveur.

— Et moi un expresso, merci.

Lorsque le serveur est reparti, mon meilleur ami me fixe un sourcil levé sans dire un mot. Je plisse les yeux et il éclate. Comme ça, sans aucune raison.

— Rien, je suis juste content de passer l’après-midi avec toi, ça fait super longtemps, sourit-il.

Je hoche la tête. Il a raison, nous ne nous étions pas vus depuis un long moment. La relation que j'entretiens avec Gabriel est tellement spéciale qu’elle est l’une des plus importantes. Nous n’avons pas besoin du son de nos voix pour comprendre les sentiments de l’autre. Evidemment, avec mes trois autres meilleurs amis je ressens la même chose, mais avec Gaby, c’est encore différent. Il a toujours été compréhensif et la plupart du temps, quand je ne vais pas bien je l’appelle, lui. Vous savez, c’est ce type d’amitié qu’on aimerait garder pour toujours, peu importe les sacrifices et les conséquences. Avec lui, ainsi qu’avec mes trois autres amis, c’est exactement ce que je ressens. Cette envie d’infini.

— Tu veux qu’on aille où après ? je lui demande pendant que nous sirotons nos boissons chaudes.

— Au parc dont vous avez parlé avec Asta sur la route ce matin.

Je hoche la tête et quand nous sommes prêts, nous nous dirigeons vers le jardin public, le bras de mon ami entourant mes épaules dans une étreinte réconfortante.