Fyctia
Prologue
Huit ans plus tôt.
« Tu es super moche. Tes cheveux sont en bataille. Tu as déjà pensé à faire du sport ? Tes lunettes ne t’aident pas à être plus belle. Tu es noire. Arrête d’essayer de devenir belle. Apprends à utiliser une brosse. Tu es trop grosse. Ta peau est sale. Pour vouloir être belle il faut réussir, pas qu’essayer. C’est dommage que tu ne sois pas blanche, tu pourrais être jolie. »
Je relis ces mots, ces insultes qui m’ont été adressées pendant ma scolarité, avant de tourner la page de mon carnet.
« Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. »
Voila ma conclusion à toutes leurs affirmations. Je suis grosse. Je suis noire. Je suis moche. Ces trois phrases résonnent dans ma tête depuis des années, et même en essayant de les chasser, elles arrivent à revenir. Comme si elles étaient ancrées en moi, elles font partie de moi. Pour ma première journée en terminale, j’aimerais penser que je ne suis pas juste une fille à la peau noire. J’aimerais penser que ma vie ne dépend pas de celle des autres et de leurs choix. Mais comment faire quand au XXIème siècle il existe toujours des personnes racistes ? Des personnes qui pensent qu’une couleur de peau est inférieure à une autre ?
Je referme le cahier et attrape mon sac de cours avant de me dépêcher d’aller embrasser mes parents. Les jumeaux dormant encore, je ne perds pas de temps et me rue vers l’arrêt de bus. Quand celui-ci arrive, je me dépêche de m’engouffrer à l’intérieur et m’assois sur une place toute seule. Mon regard divague du côté de la fenêtre et le paysage de Strasbourg défile sous mes yeux. Le conducteur s’arrête sur le parking et attend que tous les lycéens, ainsi que moi, descendent du car.
— Merci au revoir, dis-je au chauffeur.
En rentrant dans le lycée, je me dirige vers les panneaux disposés dans la cour pour voir dans quelle classe je suis cette année. Terminale 3. Je marche ensuite jusqu’à la salle et notre professeur principal nous fait entrer. Je me dépêche de m’asseoir aux tables encore vides, en espérant que personne ne viendra s’installer à côté de moi. Notre professeur commence par appeler les élèves par ordre alphabétique.
— Sofia Diallo.
Je lève la main et une fille placée plutôt vers l’avant se retourne pour me sourire. Quelques noms plus tard, notre instituteur annonce :
— Astrid Hagen.
La fille au sourire lève la main.
— C’est moi, affirme-t-elle avec un petit accent norvégien.
Nos cours de la matinée étant terminés, j’avance, seule, jusqu’à la cantine, où je mange, seule. Quelques minutes après m’être posée, quelqu’un vient se planter devant moi. Je ne relève la tête que quand la personne se racle la gorge.
— Je peux m’installer ? Je n’ai personne avec qui manger.
Je hoche la tête, et désigne la chaise vide en face de moi. Elle me sourit et annonce :
— Astrid. Je suis dans ta classe.
— Ah, oui. Toi non plus tu ne connais personne ?
— Dans la classe non. Enfin, au lycée les seules personnes sont mon copain et ses deux amis. Je n’aime pas trop les filles d’ici je dois t’avouer, rit-elle légèrement.
Je baisse la tête mal à l’aise. Pourquoi est-elle venue me voir moi ? Je n’ai rien de plus que les autres, pour ne pas dire des choses en moins. Comprenant que la discussion est difficile pour moi, elle ne cherche pas à m’adresser la parole et me laisse tranquille. Je n’ai malheureusement pas l’occasion de profiter du silence longtemps car trois garçons viennent s’installer sur la table juste à côté de nous. Je les regarde et l’un d’eux passe son bras autour de la poitrine d’Astrid en l’embrassant. J’essaye de faire un effort, mais mes yeux se plissent malgré tout, et mon regard se tourne vers le reste de la cantine. Les gens semblent tellement passionnants tout d’un coup.
— Alessandro, Gabriel, Sacha, qu’est-ce que vous faites là ? s’exclame la fille blonde assez surprise.
— On a fini plus tôt, on vous a vu donc on s’est dit qu’on viendrait manger avec vous. Si ça ne vous dérange pas bien sûr.
Son copain me lance un regard bienveillant et interogateur.
— Non bien sûr, installez-vous.
— Tu sais que tu peux dire non, me sourit Astrid. Tu ferais bien de savoir que parfois ils sont invivables.
Son copain lui tape l’épaule avant de s’asseoir à côté d’elle. Gabriel se place à côté de moi, Sacha de l’autre côté de lui.
— C’est quoi ton prénom ? me demande-t-il.
— Sofia, je suis dans la classe d’Astrid.
Il hoche la tête avant de se tourner vers ses amis. A quatre, ils commencent à discuter de tout et n’importe quoi, et je les laisse en me laissant emporter dans mes pensées. Je n’ai jamais été en compagnie d’autant de personnes. C'est déstabilisant, très déstabilisant. Cependant, je n’arrive à retenir qu’une seule chose, aucun d’eux ne m’a critiquée. C’est tellement plaisant de ne pas recevoir de remarques sur son physique. Je commence à sourire bêtement en relevant la tête et Astrid s’écrie :
— Tu es tellement jolie quand tu souris !
Je baisse les yeux, embarrassée de recevoir ce compliment. Mon premier compliment. Je récite dans ma tête la liste des remarques écrites dans mon carnet.
« Tu es super moche. Tes cheveux sont en bataille. Tu as déjà pensé à faire du sport ? Tes lunettes ne t’aident pas à être plus belle. Tu es noire. Arrête d’essayer de devenir belle. Apprends à utiliser une brosse. Tu es trop grosse. Ta peau est sale. Pour vouloir être belle il faut réussir, pas qu’essayer. C’est dommage que tu ne sois pas blanche, tu pourrais être jolie. »
Ce soir, je pourrais rajouter « Tu es tellement jolie quand tu souris ».
— La création du groupe avance ? demande la fille blonde en regardant Alessandro.
— Il nous manque un seul musicien et nous sommes au complet.
Pour la première fois de ma vie, je décide de prendre la parole sans y être autorisée :
— Vous créez un groupe de musique tous les quatre ?
— Oui, acquiesce Sacha.
— Je joue du piano ! m’exclamé-je.
Les quatre amis se regardent, et je commence à regretter d’avoir parlé quand ils hochent la tête en même temps puis se tournent vers moi. Je sens l’angoisse arriver d'une seconde à l’autre, mais le sourire d’Astrid me rassure un peu. Alessandro ouvre la bouche et demande :
— Tu voudrais rejoindre notre groupe ?
Accrochez-vous, ce n’est que le début de nos aventures…
27 commentaires
Liønel
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Il y a 9 jours
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Il y a 8 jours
Eugénie_20
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Il y a 10 jours
Alsid Kaluende
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Il y a 19 jours
Passions-Fictions-Laëti
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Il y a un mois
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Luvley.author
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Sarael
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