Jennifer Soëns J'ai dit oui sans lire les petites lignes Chapitre 13

Chapitre 13

On a survécu à un Time's Up meurtrier, à un choc thermique post-luge, on a même survécu à la trahison de Jayden avec sa purée-raclette, mais ce matin-là, c'est une cheminée qui a failli avoir notre peau.

En effet, la nuit avait été un enfer glacial. Un mix entre un camping polaire et une vidéo youtube « expérience sociale : jusqu'où peut-on se rapprocher de l'hypothermie sans intervention médicale ».

Dans notre chambre triple, Scott dormait roulé dans sa couette comme un sushi (il ressemblait étrangement à Nigiri) et Isaac avait même décidé de ne pas dormir sur le tapis et de se mettre au lit sous les couvertures. Mains sur le cœur, il avait passé la moitié de la nuit à murmurer « la chaleur vient de l'intérieur ». Moi ? J'étais en combinaison intégrale, bonnet sur la tête, chaussettes jusqu'aux genoux, et j'avais même tenté le combo bouillotte et plaid plié en deux sur le ventre.

Spoiler : ça n'a pas marché.

— On va mourir, ai-je chuchoté dans le noir à Scott.

— Pas si on dort très vite, m'a répondu sa voix étouffée par une écharpe.

— Il est bien là le problème. Si par miracle je réussis à m'endormir je ne suis pas sûre de me réveiller demain.

— J'ai accepté mon destin. Si mon âme part cette nuit, je veux juste qu'on enterre Steve avec moi, a soufflé Isaac sans ouvrir les yeux.

Au bout du couloir, dans la chambre de Nathan et Miguel, le ton était visiblement différent.

— Bouge tes sales pattes de là, a crié Miguel. Tu me touches et tes pieds sont froid !

— C'est ton pied qui me touche ! Tu m'as volé la moitié de la couette !


Le clou du spectacle ? Liam. Vers trois heures du matin, il a débarqué dans notre chambre, emmitouflé dans deux peignoirs et trois couvertures, les bras chargés de mugs vides et de sachets de thé. Il a même déplacé la théière dans la chambre. Et on a pensé que notre seul moyen de survivre était de tous se réunir dans une des chambres (en l’occurrence, la nôtre), pour que nos corps réchauffent la pièce. Et, après avoir déplacé tous les matelas, les couvertures, les coussins et j'en passe, on a conclu que l'idée n'était pas vilaine. Ça nous aura au moins permis de vivre une nuit de plus.



— Existe-t-il un mode d'emploi pour la cheminée ? a demandé Peter en tapotant le conduit comme si c'était une enceinte Bluetooth.

— C'est du feu, pas un appareil à raclette, a soufflé Scott, accroupi devant la cheminée, une allumette à moitié brûlée entre les doigts.

On avait tout essayé. Le bois, le papier, même les petits cubes spécial feu rapide... Après vingt-trois minutes de lutte silencieuse contre la cheminée, on a fini par admettre une vérité douloureuse : la cheminée avait gagné.

— J'ai froid aux os, a gémi Liam. Littéralement aux os. Mes tibias sont en grève.

— Pareil, je pense que mes orteils sont passés en mode avion.

Alors on a changé de stratégie.

— Le four, a dit Scott. Il dégage de la chaleur. On n'a qu'à le faire tourner toute la journée. On cuisine non-stop et problème réglé.

— On se fait une journée off où on fait ce qu'on veut ? a reformulé Liam en passant sa main sur son sweat « team raclette ».

— Cuisiner pour chauffer, c'est une solution, avoué-je.

La cuisine était baignée d'une lumière dorée grâce aux guirlandes accrochées aux étagères et la bougie « pain d'épices » que j'avais descendue. Peter s'était installé comme un chef étoilé. Tablier rouge avec des rennes dessus, cheveux attachés en un petit chignon bas. Il avait sorti tous les ingrédients sur le plan de travail.

— Bon les gars, aujourd'hui on part sur un banana bread moelleux et parfumé.

— J'imagine que tu t'abstiendras d'éternuer dans la pâtes cette fois-ci, a répliqué Miguel.

— Anecdote diffamatoire, a rétorqué Peter.

— Bref, première étape, on écrase les bananes trop mûres.

Il a continué à cuisiner avec une précision suspecte pour quelqu'un censé improviser : sucre brun, cannelle, noix, farine, œufs...

— Le secret, c'est le yaourt nature. Moelleux garanti.

Peter a levé les yeux vers nous, majestueux dans son tablier de Noël, cuillère en bois à la main.

— Il me faut quelqu'un pour le glaçage. Un volontaire ? Compétent de préférence.

— Je peux le faire, a dit Liam en levant la main.

— Tu sais faire un glaçage ?

— Non ! Par contre je sais lire. Si t'as une recette, je peux m'en sortir.

Liam a ouvert une tablette de chocolat noir, qu'il a cassée avec l'air de quelqu'un qui vit une rupture, puis a fouillé dans les tiroirs comme un archéologue sous tension à la recherche d'une spatule.

Pendant ce temps, Nathan, Miguel et Isaac préparaient des cookies aux noix de macadamia et des brioches tressées. Et puis, sans qu'on ait besoin de se le dire, tout s'est enchaîné.

— C'est prêt ! a crié Peter.

— Les cookies aussi ! a ajouté Nathan.

— J'ai une tarte pomme cannelle qui demande qu'à vivre sa meilleure vie, a lancé Miguel.

On s'est regardés. On avait huit plats, quatre plaques, trois paires de gants de cuisine et un four bien trop petit pour tout.

— Ok, on le fait tous ensemble, ai-je déclaré. On compte jusqu'à trois ?

Et on a tout enfourné en même temps. Certains plats devaient cuire à cent quatre-vingts degrés, d'autres à deux cent dix. Des plats se touchaient, d'autres étaient à moitié en biais. Mais tout rentrait. C'était ça, notre victoire. Peter a refermé le four en soufflant si fort que je me suis demandé s'il essayait d'éteindre un incendie.

D'ailleurs, en parlant d'incendie, il faisait enfin chaud.

J'ai voulu immortaliser notre Tetris pâtissier pour envoyer aux parents mais quand j'ai tendu la main vers la table pour attraper mon téléphone, il n'était pas là.

— Quelqu'un a vu mon téléphone ? ai-je demandé en tournant sur moi-même.

— C'est lequel déjà ? m'a répondu Miguel, innocemment.

Je l'ai fusillé du regard.

— Je ne sais pas ? Celui avec la coque rose fluo peut-être ? Tu sais, celle avec un chaton qui fait un cœur avec ses pattes ! Le même que le tien.

Regard collectif vers la pile de téléphones sur la commode. Huit coques identiques. Huit.

On a tous commencé à ouvrir les écrans, et là, notification.

« Hâte que tu me montres ce que tu caches sous ce pull », (émoji aubergine et autres fruits permettant de composer, à la fin, une salade de fruits).

Mes doigts se sont crispés sur le téléphone.

— Oh. Mon. Dieu.

J'ai levé les yeux, lentement, puis par réflexe j'ai de nouveau jeté un œil à l'écran. Message reçu de Tyler.

— Tu l'as trouvé ? m'a demandé Scott sans lever les yeux dans ma direction.

— Non ! Enfin si, mais non. C'était pas le mien. Je vais... continuer à chercher. Ailleurs. Loin. Très loin.

Au final, je suis repassée dans la cuisine, Nathan était accoudé au plan de travail, concentré sur l'intérieur du four. Je me suis arrêtée juste à côté de lui, l'air de rien, et j'ai lancé à mi-voix :

— Au fait... je crois que Tyler t'a écrit.

Il a relevé la tête. Un quart de seconde de flottement et son regard a vrillé vers la pile de téléphones. Aïe... corde sensible apparamment.

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2 commentaires

nanachristophesoens

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Il y a 11 jours

Tous ensemble - pas bête ! Et s'ils fesait une discothèque dans cette chambre,cette nuit là serait caliènté🥳💃🕺😜😅

WinterHaru

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Il y a 13 jours

Les pauvres ils ont du bien se cailler durant ma nuit... l'idée du four et pas bête et leurs gâteaux là, est ce qui vont être mangeable ? Vue qu'ils ont tout foutu en même temps et que chaque recette a un tps de cuisson différent ça promet 🤣 Hâte de lire la suite 😊
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