Fyctia
3
Alice jeta la bouteille de Gin à la poubelle. Il était l’heure de préparer le repas. Elle avait l’impression de sortir d’un coma. Ce vendredi soir, sa dernière nuit de travail avant un repos bien mérité, s’annonçait particulièrement difficile. Surtout si elle venait à manquer d’alcool. Il lui fallait de l’argent pour en acheter à l’épicerie du coin, qui fermait vers minuit. Soudainement, elle pensa à Jack et l’argent qu’il devait rapporter.
— Toc, Jack ? Viens, s’il te plait.
Il ouvrit la porte de sa chambre et la referma aussitôt, suivant sa mère dans la cuisine.
— Bonjour mam’.
— Ça va mon Chat ? Tu as pensé à passer chez Leland Gaunt ? Ça s’est bien passé ?
Jack baissa la tête, confus.
— La boutique est fermée définitivement. Je crois qu’il est parti en Amérique. Je suis désolé mam’.
Alice, fébrile, attrapa une chaise de la cuisine et s’écroula. Les mains sur le visage, elle tentait de dissimuler ses larmes. Jack s’approcha et posa sa main sur son épaule.
— Pleure pas maman. Je connais quelqu’un qui veut les acheter. Il est prêt à payer le double, mais pas avant la fin de la semaine.
— Mon chat ! Il sera peut-être trop tard d’ici là. Elle caressa tendrement le visage de son fils. Je vais prendre une douche. Je dois partir travailler. On en discutera plus tard.
— Mais il n’est pas l’heure ! Tu pars toujours après manger.
— Oui, mais aujourd'hui, j’ai une course à faire !
Ce soir-là, Jack mangea seul. L’appartement avait beau être minuscule, il avait l’impression d’être tout petit dans un immense château sombre. La table, les chaises lui semblèrent gigantesques et la porte de sa chambre à plusieurs kilomètres. Il attendit Enzo avec impatience. La plante semblait l’appeler.
—Toc toc toc, Jack ? Toc toc toc, Jack ?
— Entre !
Enzo avait les bras chargés, un ordinateur portable et une petite boite en bois. Il posa le PC sur le bureau et l’ouvrit. La page web du navigateur internet affichait le titre : « Apprendre à rouler son joint. » Il prit la boite en bois, c’était un casse-tête chinois où il fallait déplacer des pièces pour réussir à l’ouvrir.
— C’était à moi cette boite. Luc me l’avait échangé contre des cartes de Pokemon. En ce temps-là, j’étais jeune et naïf. Du coup, je sais comment l’ouvrir. Si tu savais, mon frère a passé des heures dans la salle de bain, quand il est sorti, il puait le parfum à des kilomètres. J’en ai profité pour lui piquer ça. Je sais ce qu’il cache dedans. Et j’ai bien fait mes devoirs, regarde, j’ai trouvé un tuto pour faire le joint. C’est la plante qui sent comme ça ?
— Ouais !
Jack saisit la boite ouverte. Elle contenait un paquet de clopes, des feuilles OCB et plusieurs briquets.
— Vas-y, mets le tuto en route ! Dit-il.
Ils avaient coupé une petite feuille de la plante qui paraissait avoir grandi. Bizarrement, elle dépassait Jack en hauteur.
Il leur fallut cinq feuilles au final pour obtenir un résultat très moyen. Le joint était courbé, des bouts de feuilles vertes dépassaient des deux côtés et il était loin de ressembler au joint de la vidéo.
— Bon, on teste ? dit Enzo.
— Vas-y ! Tiens, prends le briquet.
Enzo plaça le joint à sa bouche et tenta tant bien que mal de l’allumer. Lorsqu’enfin le bout devint incandescent et qu’il avala une bouffé de fumée, Il la recracha en toussant bruyamment.
— Putain ! Ça arrache !
Il fit tourner le joint. Jack essaya à son tour en grimaçant. Après plusieurs minutes, et des centaines de tentatives, la chambre s’emplit de fumée tel un aquarium et l’odeur s’imprégnât sur tous les tissus.
Le joint terminé. Les deux garçons s’allongèrent sur le lit.
— Ça te fait quelque chose à toi ?
— Non, je ne crois pas ! Je me sens normal et toi ?
— Rien… mais regarde, Enzo, le mur en face ! Y a un truc qui cloche.
Sur le poster, Cristiano Ronaldo fit un clin d’œil. La photo prit vie et Ronaldo passa une jambe par-dessus le rebord du poster. Subjugué, Jack ouvrit grand la bouche. Son idole était dans sa chambre, grandeur nature, lui faisant des signes pour le saluer.
— Putain, Enzo ! Tu vois ce que je vois ?
— Oui ! C’est Jessica !
Jessica en petite culotte. Ses cheveux longs volaient au vent. Ses seins nus étaient beaux, gros et lourds comme dans un manga hentaï. Son corps était celui de Jessica Rabbit, celle des bandes dessinées que son frère cachait sous le lit de sa chambre. Enzo redressa ses lunettes et se mit à lui envoyer des petits bisous et dit :
— C’est le plus beau jour de ma vie !
— Moi aussi, mon pote ! Moi aussi !
La petite chambre du sixième étage de la tour du quartier était, dans les yeux de deux jeunes garçons de douze ans, un théâtre de mille feux. Leurs consciences quittèrent leurs corps pour le plus beau des voyages où se mêlaient fantasmes et rêves… « Vers l’infini et au-delà... »
5 commentaires
Maidavale
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Il y a 5 ans
LaSorciere
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Il y a 5 ans
Helen Mary Sands
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MiXado
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Cynemoon Inkepolis
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Il y a 5 ans